Quand les ados de Seine-Saint-Denis s’attaquent au sexisme
DISCRIMINATIONS•Ce jeudi, quelque 920 jeunes sont venus recevoir leur diplôme de lutte contre le sexisme au cinéma Le Méliès à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Une première en France, mais surtout l’occasion de combattre ce fléau par l’artLise Garnier
L'essentiel
- Pour la première fois en France, des centaines de jeunes ont reçu ce jeudi un brevet de lutte contre le sexisme.
- La Seine-Saint-Denis entend inciter d’autres départements à s’inscrire dans la même démarche et lance un appel à l’Education nationale pour que la lutte contre le sexisme intègre le programme scolaire.
La salle du cinéma Le Méliès était comble ce jeudi à Montreuil. Sur scène, des élèves de 3e de 15 collèges de Seine-Saint-Denis sont venus présenter leur vidéo, morceau de slam, ou encore pièce de théâtre interactive dans le but de combattre le sexisme. « Slamer sur scène, ça aide à se libérer et ça donne confiance en soi. Et puis, c’est plus facile pour parler aux autres jeunes », constate Rosaire. L’adolescente précise que le tout était de « construire le récit autour de ce qu’on a vécu ».
Elle se lance dans son slam : « Par peur du jugement, on ne s’habille pas librement/Elle s’est relevée, elle a gagné. » Pour ces jeunes, s’exprimer au travers d’une vidéo, de rimes ou en utilisant l’humour a donc permis de dénoncer les stéréotypes de genre et de délivrer un message d’espoir.
« Ces jeunes qu’on stigmatise sont des pionniers »
Tous ont 14, 15 ans et déjà de nombreux témoignages en tête. Le viol d’une sœur, le cyberharcèlement d’une amie, les violences intrafamiliales que subit une autre… L’une des slameuses en herbe n’a d’ailleurs pas réussi à retenir ses larmes en sortant de scène. « Chaque création s’inspire d’une histoire personnelle. Nous sommes là pour écouter les élèves et les orienter vers des professionnels si besoin », explique Diariata N’Diaye, « artiviste » comme elle aime se définir. Son objectif est de sensibiliser aux violences sexistes et sexuelles au travers de l’art.
La militante fait partie des intervenants qui ont guidé les élèves jusqu’à ce jour. « Elle est d’une grande écoute et c’est pour cela que les jeunes parlent », constate Ernestine Ronai, directrice de l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes et pionnière de la lutte contre les féminicides en France.
Pour les garçons aussi, le moment est intense et ils prennent plaisir à se jouer des clichés, des injonctions paradoxales et des préjugés. « Ces jeunes qu’on stigmatise sont des pionniers », déclare Pascale Labbé, vice-présidente du département en charge de l’égalité femmes-hommes.
Une lutte qu’il faut mener « dès le plus jeune âge »
Vient le moment de la remise du brevet. Et du côté du département, la démarche est aussi politique : « On veut envoyer un message au ministère de l’Éducation nationale. Nous voulons que ce brevet soit le premier d’une longue série, à l’image de l’Observatoire des violences faites aux femmes, lance Stéphane Troussel, président du conseil départemental. Il ne suffit pas de parler de grande cause nationale, il faut des actes. »
A la fin toutes et tous brandissent leur diplôme. Un bout de papier devenu le symbole d’une lutte « qu’il faut mener dès le plus jeune âge », rappelle Pascale Labbé.