A Marseille, Emmanuel Macron se défend d’organiser un « mercato » dans les écoles
EDUCATION•Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé la généralisation de l’expérimentation menée dans les écoles de Marseille, qui comprend notamment de nouvelles modalités de recrutement des enseignants
Mathilde Ceilles
L'essentiel
- Emmanuel Macron est revenu à Marseille, ce jeudi, neuf mois après sa déclaration sur « l’école du futur ». Un déplacement pour lequel le chef de l’Etat était accompagné de Pap Ndiaye, son nouveau ministre de l’Education nationale.
- « L’école du futur » permet en effet aux établissements de monter un projet innovant autour de la culture, des langues, de l’environnement ou des sciences en donnant aux directeurs d’école la possibilité de participer au recrutement de leur équipe pédagogique.
- Dans cette « école du futur », le président avait annoncé que « les directeurs d’école » pourraient « choisir l’équipe pédagogique ». Cette « flexibilité dans le système » doit être généralisée dans toutes les écoles de France.
L’annonce faite il y a neuf mois jour pour jour avait fait l’effet d’une bombe. Neuf mois plus tard, le président de la République est revenu à Marseille pour tenter de la dégoupiller. Ce jeudi, Emmanuel Macron s’est rendu à l’école Menpenti à Marseille pour faire le bilan de l'expérimentation lancée dans une cinquantaine d’écoles de la ville, comme prévu dans le plan Marseille en grand.
Pendant de longues heures, dans un échange orchestré avec un président de la République qui ne boudait pas son plaisir, les enseignantes n’ont pas tari d’éloge sur cette initiative qui leur a permis de mettre en place dans l’école maternelle une nouvelle méthodologie pour apprendre les mathématiques.
« L’école du futur »
« L’école du futur » permet en effet aux établissements de monter un projet innovant autour de la culture, des langues, de l’environnement ou des sciences en donnant aux directeurs d’école la possibilité de participer au recrutement de leur équipe pédagogique.
Dans cette école du centre de Marseille, on semble à mille lieues de la déclaration initiale d’Emmanuel Macron qui, au Pharo, avait annoncé que « les directeurs d’école » pourraient « choisir l’équipe pédagogique », et ce « dans les quartiers où la situation est la plus difficile. » Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes qu’une enseignante ose aborder à pas de loup ce sujet qui a déchiré la communauté éducative.
« Une plus-value »
L’école Menpenti fait en effet partie des premières écoles ayant été volontaire pour bénéficier de ce mode de recrutement particulier, permettant la titularisation à la rentrée d’une enseignante jusqu’ici remplaçante dans l’école maternelle. « Pour un poste à exigence particulière, la directrice et un enseignant de l’école ont un avis à émettre, explique la directrice. Des postes à exigence particulière, il en existe depuis très longtemps. Après avis de deux inspecteurs, d’une directrice et d’un enseignant, c’est toujours le barème qui est utilisé pour nommer un enseignant sur une école. Non, ce ne sont pas les directrices qui recrutent les enseignants pour leur école ! »
Devant un président de la République tout sourire, les enseignantes défendent cette mesure, loin des critiques syndicales sur le sujet. « Moi, en tant qu’enseignante, je pense que c’est une véritable plus-value pour l’équipe et pour le projet. Les projets du plan "Marseille en grand" sont très très ambitieux, demandent énormément d’investissement personnel et aussi des compétences particulières. » « J’avais dit : on ne va pas se mettre à ce que les directeurs d’école fassent en quelque sorte leur propre mercato, affirme Emmanuel Macron. Ça ne marcherait pas. Il faut qu’il y ait des règles nationales. »
Benoît Payan « contre cette affaire »
Et d’annoncer par ailleurs la généralisation de cette expérimentation dans toutes les écoles de France, dès l’automne prochain, vantant les bienfaits de cette « flexibilité dans le système ». « Sinon, qu’est-ce que ça fait ? Ça fait des communautés pédagogiques qui ont des collègues qui ne partagent pas tout à fait le projet, à qui on a simplement dit : "Tu dois aller là.", estime le chef de l’Etat. Des gens qui subissent leur affectation. »
Un enthousiasme que ne partage pas toutefois le maire de Marseille, qui s’est encore dit ce jeudi « contre cette affaire ». « Si on veut que ça fonctionne, on prend du temps, on réfléchit et on fait évoluer les choses, estime Benoît Payan. Ça ne se fait pas par un claquement de doigts. Au moment où on parle, il y a un code de l’Education qui dit que ce ne sont pas les directeurs d’établissement qui recrutent. J’en prends acte, et je pense que, aujourd’hui, tout le monde en prend acte. Il y a des lignes rouges : c’est l’école de la République, l’égalité de toutes les écoles. »