Echecs : Pourquoi les enfants martyrisent les adultes sur un échiquier ?
ECHEC ET MAT•De ce mercredi à samedi, le championnat international d’échecs Henri-Rinck voit s’affronter une centaine de joueurs de haut niveau. Parmi ces amateurs se trouvent de nombreux enfants prêts à en découdre avec leurs aînésJennifer Lesieur
L'essentiel
- Popularisé par la série Le Jeu de la dame sur Netflix, le jeu d’échecs fascine sans distinction d’âge ni de culture.
- Le tournoi international Henri-Rinck, qui se déroule de mercredi à samedi à Lyon, accueille un grand nombre de mineurs de très haut niveau.
- Jeu de stratégie et de combat, les échecs apportent de multiples bénéfices sur le développement des enfants.
Un sexagénaire se prend la tête dans les mains, les yeux rivés sur un échiquier. Son adversaire vient de porter un coup fatal à sa reine. Il plisse le front, contrarié. Puis relève la tête et sourit, vaincu, au garçon de 12 ans qui vient de le mettre échec et mat.
A la mairie du 9e arrondissement de Lyon, ce mercredi, la salle des mariages s’est muée en salle de tournoi. Celui du championnat international d’échecs Henri-Rinck, organisé par le LOE (Lyon Olympique Echecs), qui voit s’affronter jusqu’à samedi une centaine d’amateurs de sept nationalités différentes. Des initiations gratuites sont également proposées tous les jours aux novices.
Après la pause forcée de la crise sanitaire, le club est heureux de reprendre le plus ancien tournoi de France. « Ce Championnat existe depuis 1893, comme le prouvent les archives du club, qui lui a été créé en 1905 », explique Christophe Leroy, directeur du club et organisateur du tournoi. « Henri Rinck était un grand joueur, un problémiste bien connu dans le monde des échecs. Pour les novices, c’était aussi un parent des anciens propriétaires de la Brasserie Georges ! »
Des initiations dans le périscolaire toute l’année
Cette année, les compétiteurs sont âgés de 9 à 76 ans. Mais dans la salle, ce sont surtout des enfants et des adolescents qui passent d’un échiquier à l’autre. « Le LOE est l’un des trois premiers clubs de France en nombre de licenciés : 500, dont la moitié est composée de jeunes », précise Christophe Leroy. « Nous sommes très présents dans les écoles primaires lyonnaises, grâce à la convention avec la Ville de Lyon pour intervenir dans le périscolaire. Ça représente 7.000 jeunes initiés par an à Lyon. » Le LOE a également créé la première section de sport-études échecs en 2019.
En mars dernier, la Fédération française des échecs a signé un contrat de délégation de service public avec le ministère des Sports, ce qui lui permettra, comme les sports « physiques », de bénéficier d’une aide financière de l’Etat, et donc de renforcer le haut niveau. Aux échecs, celui-ci se révèle dès l’âge tendre : « On a un petit de 7 ans qui arrive à se rappeler 10 coups à l’avance, alors que bien des joueurs adultes en sont incapables », confie le directeur. Le week-end dernier, le club a accueilli le jeune Corse Marc’Andria Maurizzi, devenu l’an dernier grand maître international à 14 ans seulement. « J’ai joué avec lui, je suis joueur international mais il m’a bien massacré… », reconnaît Christophe Leroy. « Et il a gagné toutes ses autres parties, avec son petit air malicieux. »
Des bénéfices pédagogiques et relationnels certains
Christophe Mathieu, trésorier du LOE et père d’un jeune compétiteur, ne tarit pas sur l’aspect pédagogique du noble jeu. « Les échecs permettent de développer des compétences comme la capacité à mémoriser, à résister au stress, à anticiper, à prendre des décisions rapidement, à renforcer le repérage spatial », explique-t-il. « Des études comparant des enfants qui jouent aux échecs avec d’autres qui jouent au foot ont montré que chez les premiers, la compétence la plus développée était la maîtrise de la langue. Car lorsqu’on apprend les échecs à un enfant, on lui demande d’expliquer ses choix. Il est donc amené à s’exprimer, et à prendre la parole face à un groupe. »
Mais pour le trésorier, l’apport le plus précieux des échecs est relationnel : « C’est un jeu de combat, et n’importe quel joueur sait que s’il sous-estime son adversaire, il va se prendre une bonne déculottée. Et s’il se place dans une position de soumission, il sera incapable de jouer correctement. » Les enfants l’ont compris d’instinct, lorsqu’ils se passionnent pour ce « jeu universel qui gomme les différences, qu’elles soient physiques ou culturelles : aux échecs, on apprend à réfléchir ensemble », conclut Christophe Mathieu.