Deliveroo : La plateforme condamnée à une amende de 375.000 euros pour « travail dissimulé »
PROCES•La plateforme était accusé de « travail dissimulé » et a employé en tant qu’indépendants des livreurs qui auraient dû, selon l’accusation, être salariésMarion Pignot
Deliveroo France fixée sur son sort : le tribunal correctionnel de Paris a infligé, ce mardi, une amende de 375.000 euros à la plateforme de livraison qui a employé en tant qu’ indépendants des livreurs qui auraient dû, selon l’accusation, être salariés. Ce montant est le maximum prévu. Le tribunal a ainsi suivi intégralement les réquisitions du parquet lors du procès pour « travail dissimulé » à l’encontre de la plateforme.
En effet, en mars, au terme d’une semaine de procès – le premier au pénal en France de l'« ubérisation » –, le parquet avait requis la peine maximale de 375.000 euros d’amende à l’encontre de Deliveroo France, ainsi qu’un an de prison avec sursis contre deux anciens dirigeants français de l’entreprise. La procureure avait regretté l’absence sur le banc des prévenus de l’Américain William Shu, grand patron de l’entreprise britannique et « incontestablement » à l’origine du « système » ayant permis à Deliveroo de bénéficier de « tous les avantages de l’employeur », « sans les inconvénients ».
Employer « à moindres frais » ses livreurs
Deliveroo est responsable d'« une instrumentalisation et d’un détournement de la régulation du travail », dans le but d’organiser une « dissimulation systémique » d’emplois de livreurs qui auraient dû être salariés et non indépendants, avait martelé Céline Ducournau. La « fraude » mise en place avait pour unique but d’employer « à moindre frais » ses livreurs, et peu importe si certains sont « satisfaits » de ce statut ou se « sentent libres », avait-elle souligné, en référence à l’un des arguments de Deliveroo pour justifier le statut d’auto-entrepreneur.
« Il ne s’agit pas du procès des mauvaises conditions de travail », ni de celui des « modes de consommation de notre époque », avait rétorqué en défense Antonin Lévy, avocat de Deliveroo France, pour lequel le procès a parfois pris des airs de « forum politique ».
Deliveroo campe sur ses positions
Une dizaine de livreurs à vélo ou en scooter, beaucoup désormais engagés contre le « système », ont défilé à la barre pour raconter leur arrivée à Deliveroo, attirés par les promesses de « liberté » et de « flexibilité » mais avaient découvert la « guerre » pour obtenir les meilleurs « créneaux » horaires, la « pression », la « surveillance » et les réprimandes de Deliveroo. Au total, plus d’une centaine sont parties civiles au procès.
Deliveroo a maintenu qu’elle ne faisait que « mettre en relation » des clients, restaurateurs et livreurs, et a démenti « tout lien de subordination ».
L’Urssaf réclame de son côté 9,7 millions d’euros
Pour les deux dirigeants successifs de Deliveroo France sur la période concernée, de 2015 à 2017, la procureure avait demandé un an d’emprisonnement avec sursis et 30.000 euros d’amende. Pour un troisième cadre, elle avait requis quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 10.000 euros d’amende.
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La procureure a également souhaité comme peine complémentaire « l’affichage et la diffusion » de la décision de justice, notamment devant les locaux de Deliveroo pendant deux mois, ainsi que sur la page d’accueil du site et de l’application mobile de la plateforme - une peine pensée pour les « travailleurs actuels » de la plateforme, a-t-elle précisé.
L’Urssaf réclame de son côté 9,7 millions d’euros pour rattraper les cotisations sociales évitées par le recours aux livreurs indépendants.