RESISTANCEUn Bordelais crée un jean indéchirable pour les motards (mais pas que)

Bordeaux : Il crée un jean indéchirable pour les motards (mais pas que)

RESISTANCEPierre-Henry Servajean, inventeur d'un tissu (l'Armalith) considéré comme le plus résistant au monde, vend aujourd'hui un jean unique grâce à celui-ci. Il est capable de résister à peu près à tout, de l’abrasion à la déchirure en passant par les UV
Clément Carpentier

Clément Carpentier

L'essentiel

  • Au début des années 2000, Pierre-Henry Servajean a inventé ce que beaucoup considèrent comme le tissu le plus résistant au monde, l’Armalith.
  • Grâce à cette technologie, ce Bordelais de 52 ans a créé au fil du temps un jean indéchirable.
  • Ce produit destiné avant tout aux motards afin de les protéger pourrait très vite intéresser de nouveaux publics comme les pratiquants de sports de glisse ou les artisans.

C’était en 2000. Pierre-Henry Servajean, « motard du dimanche » comme il se définit lui-même, part faire un petit tour au guidon de son deux-roues. « Je faisais un petit peu le ''con'' et je suis tombé. Tous mes équipements – casque, blouson, gants, chaussures montantes… – ont fait le job sur le coup sauf mon jean. Je l’ai déchiré et j’ai eu une belle pizza alors que ce n’était qu’une petite chute sur deux trois mètres ». Celle-ci sera un véritable déclencheur pour ce Bordelais passionné de tissus. Cela fait en effet maintenant plus de 20 ans qu’il cherche à développer un jean « classique » ultrarésistant pour améliorer la sécurité des motards.

Pierre-Henry Servajean, l'inventeur de l'Armalith.
Pierre-Henry Servajean, l'inventeur de l'Armalith.  - Bolid?ster

Ce pari, il est aujourd’hui en train de le remporter avec son Bolid’ster. Mais que la route fut longue et tortueuse. « Au départ, j’ai cherché si un produit de ce type existait mais je ne le trouvais pas, explique-t-il. Bien sûr, il y a le jean en Kevlar mais c’est d’un inconfort pas possible. Moi, je voulais un truc plus ''sécure'' tout en gardant le confort et le look d’un jean conventionnel. Par exemple, ne pas être obligé de changer de pantalon en descendant de la moto pour se balader ». Rapidement, il trouve son bonheur chez EADS (devenu Airbus Group) avec une fibre polyéthylène qui sert à fabriquer des filets anti-météorites pour les satellites. Une fibre quinze fois plus résistante que l’acier gramme pour gramme (le Kevlar, c’est seulement six fois). Pierre-Henry Servajean tente alors de l’associer à un tissu et en 2003, il invente l’Armalith, considéré par beaucoup comme le tissu le plus résistant au monde. Deux ans plus tard, il dépose un brevet.

Résiste à une glissade de 50 mètres sur le goudron

A l’époque, tout semble se passer comme sur des roulettes. La marque Harley Davidson le sollicite même pour utiliser sa technologie malgré le prix de son tissu (40 euros le mètre contre en moyenne 4 euros le mètre de jean classique). Malheureusement, il est emporté en 2008 par la crise économique des subprimes et perd tout du jour au lendemain. C’est seulement en 2011 que le projet reprend vie grâce à une victoire dans un concours d’innovation. Un tisseur espagnol se tourne vers lui et il peut de son côté réaliser enfin une grande étude de marché avec en tête, cette fois-ci, de développer sa propre marque de jean. Pierre-Henry Servajean va alors travailler plusieurs années avant de mettre au point ce produit ultrarésistant (à l’abrasion, à la déchirure, à la coupure, aux UV), mais aussi confortable, stretch et léger.

Son jean premier prix, à 179 euros, résiste aujourd’hui à une chute de moto sur dix mètres. Les gammes au-dessus tiennent sur 14, 20, 32 et 54 mètres (550 euros). A titre de comparaison, un jean classique se déchire au bout d’un à deux mètres de glissade sur du goudron et le Kevlar au bout de 12 mètres.

« Je suis arrivé à un jean tout à fait normal malgré sa particularité. Un jean que l’on peut porter tous les jours. Son stretch est hors normes, on peut le laver 1.000 fois sans perdre d’élasticité alors que sur un jean classique une dizaine de lavages suffit. Et en plus, tout est fait en circuit court car pour moi le made in France est très important », insiste le quinquagénaire Bordelais qui tient à tout prix à avoir un bilan carbone le plus faible possible (fabrication à basse température comme le lavage et pas de repassage).

Un produit qui pourrait intéresser sportifs et artisans

Aujourd’hui, ce jean s’adresse avant tout aux motards (80 % des ventes). Vincent Vivez le porte depuis quelque temps :

« « Pour moi, c’est une révolution dans le milieu des deux-roues. D’une parce qu’on sent vraiment qu’on est habillé avec un produit qui a de la tenue. C’est une sorte de protection naturelle et en plus, il est hyperagréable à porter, c’est même mieux qu’un jean classique ». »

Et ne lui parlez pas du prix car déjà « ça dépend à quoi on le compare et puis si moi, ça peut m’éviter d’avoir les jambes brûlées ou des greffes, je suis prêt à mettre le prix ». La prochaine étape pour Pierre-Henry Servajean, c’est de se tourner vers d’autres publics.

Les skateurs ou skateuses par exemple à l’image Amélie Castaing. Spécialiste de descente, elle est comme un poisson dans son jean : « C’est parfait pour moi car on glisse beaucoup sur le goudron et franchement, en compétition, on nous oblige à porter du cuir mais je préférais avoir le Bolid’ster. C’est plus léger, plus pratique et ces dernières années, il est devenu très souple comme un jean classique. » Avec le temps, son inventeur espère aussi attirer les pratiquants d’autres sports de glisse ou extrême et pourquoi pas un jour les ouvriers et artisans…