Toulouse : « Ça aurait été marrant avec un joystick », micro-voitures et maxi-enjeux à la NanoCar Race
INFINIMENT PETIT•Des scientifiques du monde entier, dont une équipe toulouso-nippone, se sont réunis dans la Ville rose pour participer à la plus petite course du monde. Si les bolides sont invisibles à l’œil nu, les enjeux eux, sont énormesDorian Naryjenkoff
L'essentiel
- La deuxième édition de la NanoCar Race, la plus petite course de voitures du monde, a eu lieu jeudi et vendredi dans un laboratoire toulousain du CNRS, rassemblant des scientifiques de monde entier.
- Mesurant à peine quelques nanomètres, ces véhicules composés d’une seule molécule devaient parcourir la plus longue distance possible en 24 heures afin de faire avancer la recherche sur la miniaturisation.
- Une équipe toulouso-japonaise, notamment composée d’enseignants à l’université Paul-Sabatier, a pris part à l’événement, bien décidée à battre son record alors que leur voiture était restée immobile lors de la première édition en 2017.
C’est une course très particulière qui s’est déroulée jeudi et vendredi au Cemes, le Centre d’Élaboration de Matériaux et d’Etudes Structurale, de Toulouse. On ne parle pas ici de millimètres, ni de micromètres… mais bien de nanomètres (un milliardième de mètre) pour les « molécules voitures » des huit équipes internationales qui ont concouru à cette seconde édition de la NanoCar Race.
« Cela demande beaucoup de préparation, c’est un peu comme lancer une fusée, explique Christian Joachim, directeur de recherche au CNRS en charge de la course. Chaque molécule machine est contrôlée à distance par le PC d’une des équipes et doit se déplacer sur un cristal d’or pur sous vide. Le but étant de parcourir la plus longue distance en 24 heures, avec un bonus pour chaque virage effectué. »
Une technologie qui pourrait s’avérer révolutionnaire
En guise de prix, un trophée et des abonnements à des revues scientifiques, mais pas que, puisque l’objectif est avant tout de faire avancer la recherche sur la miniaturisation. Le directeur se veut réaliste – le procédé pourrait tout aussi bien finir dans une bibliothèque – mais reste confiant dans l’avenir de cette technologie digne d’un film de science-fiction.
« Un jour, ces petites machines pourraient trier nos déchets industriels atome par atome ou encore accélérer nos circuits électroniques pour un moindre coût énergétique. Mais pour l’instant, on essaye encore de comprendre comment on arrive à contrôler aussi facilement une seule molécule. »
« C’est un peu comme des Lego »
Parmi les huit équipes venues du monde entier pour mettre à l’épreuve leur singulier véhicule invisible à l’œil nu, une équipe toulouso-japonaise était de la partie. Confectionnée au Japon, leur molécule, baptisée Blue Buggy, se compose d’une centaine d’atomes de carbone, d’hydrogène, d’azote, d’oxygène et de zinc. « On a dû assembler la molécule atome par atome, c’est un peu comme des Lego, détaille Claire Kammerer, 39 ans, chimiste et membre de l’équipe. Elle mesure 1 nanomètre de longueur et 1,5 de largeur avec un châssis, un dipôle qui réagit en fonction des champs électriques, et deux hélices pour surélever le tout. »
Ces dernières sont capitales alors que l’ancienne version du véhicule s’était retrouvée incapable d’avancer lors de la première édition en 2017. « Le châssis avait accroché à la surface. Si aujourd’hui on arrivait ne serait-ce qu’à le faire bouger, même lentement, ce serait génial, s’enthousiasme la maîtresse de conférences à l’université Paul-Sabatier. Pour donner un ordre d’idée, c’est un million de fois plus petit qu’une fourmi. Ça aurait été marrant à manier avec un joystick ! », rigole-t-elle.
Pour l’heure, les commandes sont à olivier Guillermet, 44 ans, également maître de conférences à l’université, qui aura la responsabilité d’être le pilote. « Cela fait sept mois qu’on se prépare, confie le physicien qui scrute son ordinateur où figure une multitude paramètres. On distingue à l’écran, relié au microscope, des amas flous de petites sphères grises et blanches sur des zébrures dorées. « Comme notre molécule a été déposée en spray par milliards sur le cristal, le but du jeu est d’abord d’en trouver une qui soit intacte et de l’amener sur un sillon avec peu d’obstacles. »
« Au moins, on aura fait mieux qu’en 2017 »
Une fois la molécule idéale trouvée vient le top départ. Il s’agit maintenant d’une course d’endurance pour celui qui va devoir rester 24 heures devant son écran. « On vient de faire deux nanomètres en vingt secondes, c’est beaucoup ! », s’exclame-t-il, alors que la course vient à peine de commencer.
Mais un grain de sable vient vite se faufiler dans la machine : la pointe du microscope, censée envoyer les impulsions électriques nécessaires au mouvement de la molécule, vient de heurter et détruire celle-ci. « C’est dommage, regrette Olivier. On va perdre du temps car il va falloir en trouver une autre, mais au moins on aura fait mieux qu’en 2017. »
Résultats le lendemain : Victoire de l’équipe hispano-suédoise, arrivée ex aequo aux côtés des Japonais, avec près d’un millier de nanomètres parcourus en 24 heures et 54 virages. L’équipe toulouso-nippone, quant à elle, est arrivée 6e avec 150 nanomètres et 10 virages.