Quels sont les secrets de la réussite des lycées militaires ?

Palmarès des lycées : Quels sont les secrets de la réussite des établissements militaires ?

EDUCATIONEtablissements à part dans le système éducatif, les lycées militaires, qui dépendent du ministère des Armées, affichent encore cette année d’excellents résultats aux Ival, les indicateurs de valeur ajoutée des lycées, publiés ce mercredi
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le ministère de l’Education publie ce mercredi ses Ival 2021, les indicateurs de valeur ajoutée des lycées, qui indiquent le taux de réussite au bac, le taux de mentions, le taux d’accès de la seconde à la terminale.
  • Plusieurs lycées militaires se distinguent encore par leurs bons résultats.
  • L’occasion de s’intéresser à ces établissements, qui accueillent 70 % d’enfants de militaires. Le reste des effectifs est composé d’enfants de fonctionnaires et d’élèves boursiers.

Une bonne réputation cernée de mystère… Le ministère de l’Education publie ce mercredi ses indicateurs de valeur ajoutée des lycées (Ival) 2021. Parmi les lycées qui affichent les meilleurs résultats, figurent trois lycées militaires : le lycée de Saint-Cyr (Yvelines), le lycée militaire d’Aix-en-Provence et le lycée Prytanée national militaire La Flèche (Sarthe).

Tous affichent 100 % de réussite au bac en 2021, avec un taux de mentions de 88 % pour le premier, de 92 % pour le deuxième, et de 85 % pour le troisième. Certes, la session du bac 2021 était un peu particulière, certaines épreuves ayant été annulées ou réaménagées à cause du Covid-19, et les élèves ont été davantage évalués en contrôle continu. Mais les résultats de la session 2021 pour ces lycées de la Défense, rattachés au ministère des Armées, ne diffèrent pas beaucoup de la session 2019, avant la crise sanitaire.

Peu d’élèves décrochent en cours de route

Par ailleurs, « ce qui est intéressant à regarder, c’est si un lycée parvient à accompagner ses élèves pendant toute une scolarité, de la seconde jusqu’au bac », explique Fabienne Rosenwald, à la tête de la Direction de l’évaluation, la prospective et la performance (Deep). Or, on constate que les trois lycées militaires scrutés pour les Ival affichent d’excellents taux d’accès des élèves de seconde à la classe de terminale (98 %, 95 % et 99 %). Ce qui prouve que peu d’élèves ont décroché en cours de route et que ces établissements ne se « débarrassent pas » des moins bons élèves en cours de route. La Depp compare les résultats obtenus au bac avec ceux qui étaient attendus, estimés sur la base des profils socioculturels des élèves et de leurs notes au collège. Et là aussi, les lycées militaires affichent des résultats positifs.

Les trois autres lycées militaires de France ne sont pas passés à la moulinette des Ival en 2021, faute de données disponibles : le lycée militaire d’Autun (Saône-et-Loire), le lycée naval de Brest et l’école des Pupilles de l’air de Grenoble-Montbonnot. Mais selon les informations obtenues par 20 Minutes auprès d’eux, l’Ecole des pupilles de l’air et de l’espace affiche un taux de réussite de 99 % au bac général en 2021, de 100 % au bac techno et de 92 % au bac pro. Et le lycée naval de Brest de 100 % en filière générale.

« Les élèves ne sont pas tous issus des classes sociales favorisées »

Alors, comment expliquer ces bons résultats des lycées militaires ? Par leurs critères d’admission assez restrictifs ? Ils sont uniquement accessibles aux enfants de militaires, de fonctionnaires, mais aussi à des élèves boursiers. « Contrairement aux idées reçues, les élèves des lycées militaires ne sont pas tous issus des classes sociales favorisées », explique Nadia David, présidente de l’association des parents d’élèves du lycée militaire d’Autun. Et le pourcentage de boursiers varie d’un lycée à l’autre : 24 % au lycée de l’Ecole des pupilles de l’air et de l’espace, 19,7 % au lycée naval de Brest, 15 % au lycée militaire d’Aix-en-Provence… Ces derniers sont recrutés par chaque établissement selon ses propres critères, sachant qu’il y a beaucoup plus de postulants que d’admis : « On recrute des élèves boursiers qui ont un bon niveau scolaire, car on ne veut pas les mettre en danger scolairement par la suite », justifie le colonel Christophe Lhomme, chef de corps du lycée militaire d’Aix-en-Provence. « Et parmi les fils et filles de militaires, il y a aussi bien des enfants d’officier que de sous-officier », ajoute Nadia David.

Outre cette relative mixité sociale, il existe une mixité scolaire : « Le niveau de nos élèves à leur entrée au lycée n’est pas homogène. Car ce n’est pas parce qu’on est enfant de militaire qu’on n’a pas de difficulté scolaire. Mais notre postulat est que nos élèves ont tous un gros potentiel et qu’il faut parfois leur donner confiance pour qu’ils le découvrent », souligne le colonel Christophe Lhomme. Même ceux qui ont des lacunes en arrivant au lycée vont être amenés à les combler assez rapidement. « Notamment grâce aux méthodes de travail qu’on leur apprend dès les premiers mois et au soutien scolaire que nous leur apportons dès l’apparition des premières difficultés », poursuit-il.

Beaucoup d’adultes autour des lycéens

Les élèves bénéficient aussi d’un taux d’encadrement important : professeurs détachés de l’Education nationale, personnel militaire, surveillants… « A Aix, nous comptons un adulte pour 7 élèves. En cas de besoin et quelle que soit l’heure, l’élève peut toujours tirer la manche d’un adulte. Par ailleurs, les classes comptent en moyenne 25 élèves alors que dans les lycées classiques, les effectifs peuvent monter à 30 ou 35 », explique le colonel Christophe Lhomme. Et même pour ceux qui auraient envie de se la couler douce, difficile de le faire. D’autant qu’ils sont tous internes. « Les élèves ont deux heures de devoirs encadrés chaque soir. Ça les force à travailler », indique Nadia David. Et même si le niveau est exigeant, elle estime qu’il existe une forme de bienveillance chez les enseignants : « Ils veulent donner toutes les chances aux élèves de réussir ».

Mais si le lycée militaire réussit à la majorité des élèves, le rythme de vie très structuré et la discipline peuvent parfois en faire déchanter : à Aix par exemple, l’heure du lever est fixée à 6h30 et l’extinction des feux à 22h30. Et les élèves sont de 4 à 8 par chambrée, ce qui laisse peu d’intimité. L’uniforme est aussi imposé dans tous les lycées militaires. Même si peu d’élèves quittent ces établissements en cours de route, cela arrive : « Certains sont inadaptés à la vie en collectivité ou n’arrivent pas à s’épanouir », reconnaît le colonel Christophe Lhomme. « Des élèves ne supportent pas le cadre strict ou l’éloignement avec leur famille », constate Nadia David.

Certains lycées ont par ailleurs été touchés il y a quelques années par des affaires de harcèlement et ont mis en place des mesures. « A Aix, nous disposons d’un référent mixité et nous appliquons une politique de tolérance zéro dans ces cas-là », indique le colonel Christophe Lhomme. Une réponse ferme essentielle pour attirer d’avantage de filles. Car pour l’heure, elles représentent certes 50 % des effectifs au lycée naval de Brest, mais 41 % à Aix et 39 % à l’Ecole des pupilles de l’air et de l’espace…