Marseille : Contre les punaises de lit, « on attendait un véritable plan d’éradication »
HYGIENE•Inspiré par le rapport d’une députée LREM des Bouches-du-Rhône, le plan gouvernemental de lutte contre les punaises de lit ne convainc pas le collectif très mobilisé sur le terrainCaroline Delabroy
L'essentiel
- Le gouvernement a adopté un plan contre les punaises de lit, qui suit le rapport parlementaire de la députée LREM des Bouches-du-Rhône, Cathy Racon-Bouzon.
- Pour les collectifs mobilisés sur le terrain à Marseille, ce plan, qui n’a pas de budget global fixé, ne va pas assez loin.
- Spécialiste de l’insecte, Jean-Michel Berenger, entomologiste à l’IHU Méditerranée Infection, rappelle les initiatives déjà menées dans la lutte contre le fléau, et espère qu’à l’avenir les ARS auront plus de moyens pour intervenir.
«Tout est bon à prendre, mais faire croire que ce plan va nous sortir du fléau des punaises de lit, c’est faux ». Depuis Marseille, où ces nuisibles sont particulièrement présents, Katia Yakoubi juge sévèrement le plan de lutte annoncé par le gouvernement en la matière. Porte-parole de l’Inter collectif punaises de lit, elle attendait un « véritable plan d’éradication, d’urgence nationale ».
Selon elle, le travail de communication préconisé par le plan est déjà mené depuis belle lurette sur le terrain. « Les gens n’ont plus honte d’en parler, ils ont compris que cela n’a rien à voir avec l’hygiène, assure-t-elle. Nous avons déjà fait ce travail d’information du grand public avec l’ARS. Aujourd’hui, il manque la création d’un service public, avec un budget dédié. On ne peut pas prendre les choses au cas par cas, il faut un plan d’ensemble. Quand un appartement est touché, c’est tout l’immeuble qu’il faut traiter. »
« Un budget à construire »
Pour Katia Yakoubi, l’aide aux plus précaires manque aussi à l’appel. « Il est question d’une aide de la CAF à hauteur de 300 euros pour les bénéficiaires de la CAF, mais le coût d’une désinfection, c’est entre 500 et 1.500 euros, car il faut souvent trois passages pour arriver à s’en débarrasser. »
La députée des Bouches-du-Rhône (LREM), Cathy-Racon-Bouzon, dont le rapport parlementaire a inspiré le plan, met en avant la future inscription de la punaise de lit dans le Code de la santé publique. Et ce, « parmi les espèces de vermines devant être prévenues et traitées ». « Cela va donner des pouvoirs de police au préfet et au maire pour pouvoir intervenir », relève Cathy-Racon-Bouzon, même si elle admet qu’il va falloir, à présent, attendre les prochaines élections pour légiférer.
Quant à la question de l’absence de budget global pour le moment alloué au plan, elle esquive. « C’est un plan interministériel, il y a un budget à construire dans le cadre de la prochaine loi des Finances, assure-t-elle. Ce plan pose le cadre, et c’est quand même la première fois qu’on s’occupe de structurer une réponse au fléau des punaises de lit. »
« En parler, c’est déjà commencer la lutte »
A Marseille, Jean-Michel Berenger a depuis plusieurs années l’écoute attentive des institutionnels, tant il partage son expertise sur la punaise de lit. « En parler, c’est déjà commencer la lutte, c’est important à tous les niveaux, et cela commence par ses voisins, son syndic d’immeuble, explique l’entomologiste à l’IHU Méditerranée Infection. Au plus vite on réagit, au mieux on s’en sort. »
Si les campagnes de sensibilisation du grand public, mais aussi du secteur hôtelier ou des cinémas, prévues par le plan se retrouvent sur de grands panneaux publicitaires, il dit ainsi un grand oui. Même si, localement, l’ARS a déjà fait sa mue sur le sujet, et met à disposition des associations des plaquettes gratuites dans toutes les langues. Les hôpitaux de Marseille sont aussi tous équipés d’un congélateur pour traiter les punaises.
« Les punaises, ce n’est pas une fatalité, on peut s’en sortir »
Sur la question des moyens financiers, ce spécialiste est peut-être moins critique que l’Intercollectif. Pour lui, l’important est avant tout de dire et d’apprendre aux gens comment s’en débarrasser. Et de prêter aux familles les plus modestes le matériel nécessaire, en particulier un vaporetto, comme commence à le faire la ville de Marseille. « Les punaises, ce n’est pas une fatalité, on peut s’en sortir », rappelle Jean-Michel Berenger, pour qui la reconnaissance des punaises comme sujet de santé publique est un réel enjeu : « Cela veut dire que l’ARS va pouvoir intervenir et mettre des moyens plus importants, cela va désamorcer beaucoup de choses. »
Reste la question de « détecter les foyers de dissémination », ces appartements où les punaises circulent par milliers. Où il devient même difficile de faire hospitaliser, du fait des punaises, le locataire, souvent en souffrance psychologique. C’est tout l’enjeu de la cartographie nécessaire et du travail avec les professionnels, médecins ou acteurs sociaux, qui peuvent faire le relais pour repérer les situations à traiter. Autant de sujets sur lesquels Marseille n’a pas attendu ce plan pour avancer.