REPORTAGELes premiers pas d’Ivan et Vova, ados ukrainiens dans un collège français

Guerre en Ukraine : « L’école, c’est un repère pour eux »… Les premiers pas de deux ados ukrainiens dans un collège français

REPORTAGE« 20 Minutes » s’est rendu au collège Jean Renoir de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), où Yvan et Vova font leurs premiers pas dans le système scolaire français
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Près de 800 enfants ukrainiens arrivés depuis le début du conflit avec la Russie sont actuellement scolarisés en France.
  • Le collège Jean Renoir de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) vient d’accueillir Yvan et Vova, deux ados ukrainiens.
  • Ils sont inscrits dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A), vont aussi être rattachés à une classe ordinaire et continueront à suivre certains cours dispensés par leurs profs ukrainiens.

C’est le grand jour pour Vova, 12 ans. Ce jeune Ukrainien, qui a fui avec sa famille son pays en guerre, est en France depuis dix jours. Et ce jeudi signe ses débuts au collège Jean Renoir de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Pour limiter son stress, son beau-frère, qui vit et travaille en France, l’a accompagné. Il est là aussi pour jouer les traducteurs : « Vova vient dire qu’il a beaucoup apprécié l’accueil que le collège lui a réservé, et il trouve la cantine très bonne ». Car l’adolescent est précédemment venu visiter le collège avec sa famille, histoire de prendre ses marques.

A ses côtés, Ivan, 13 ans, qui vient aussi d’Ukraine, fait également ses premiers pas au collège. Sa mère et son cousin Alex sont venus l’accompagner. « Il est très content, il a été mis à l’aise par toute l’équipe pédagogique », commente Alex dans un excellent français, car le jeune homme a élu domicile à Boulogne il y a quelques années. « Est-ce qu’on peut utiliser son téléphone ? Est-ce qu’il y a des devoirs à faire ? » demande Ivan. Invité à se présenter devant ses camarades, il lance : « J’aime les jeux vidéo ». Comme pour montrer que malgré le drame que traverse son pays, il reste un adolescent comme les autres.

« Le premier jour, ils ont le même regard perdu »

A l’instar d’Yvan et Vova, près de 800 enfants ukrainiens arrivés depuis le début du conflit sont actuellement scolarisés en France. « On sait très bien que ça va croître dans les prochains jours. Nous sommes organisés pour cet accueil, avec des cellules de crise dans chaque rectorat de France », a expliqué mardi le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer. « Le nombre d’élèves ukrainiens dans l’académie de Versailles est encore limité, car les familles ne se stabilisent pas encore en Ile-de-France. Mais nous sommes en capacité d’accueillir tout le monde et sommes en train de recruter un coordinateur pédagogique ukrainien », explique Charline Avenel, la rectrice. La France se prépare en effet à l’arrivée prochaine de 50.000 à 100.000 Ukrainiens, essentiellement des femmes et des enfants.

La plupart des élèves ukrainiens sont inscrits dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A), à l’instar de Vova et Yvan : « Il s’agit d’un dispositif qui permet aux élèves d’être rattachés à une classe ordinaire tout en bénéficiant d’un enseignement renforcé en français », explique Mélanie Roux, coordinatrice UPE2A du collège Jean Renoir. Ces élèves viennent de pays différents, comme le prouvent les 12 langues parlées en ce moment en UPE2A. « Leur parcours scolaire est aussi très hétérogène, ce qui impose un grand écart pédagogique constant », explique Mélanie Roux. Cette dernière a hélas l’habitude d’enseigner à des élèves provenant de pays en guerre : « J’ai déjà accueilli des Afghans, des Syriens… Le premier jour, ils ont le même regard perdu. Mais à la fin de la journée, ils sont moins stressés ».

« Les élèves ukrainiens qui arrivent sont persuadés qu’ils vont rester un mois »

Ces élèves étrangers sont en France pour une durée parfois indéfinie, parfois celle du conflit qui a lieu dans leur pays. « Les élèves ukrainiens qui arrivent sont persuadés qu’ils vont rester un mois en France, mais je leur dis que l’on ne peut pas savoir. Et que puisqu’ils sont ici, ils doivent essayer d’apprendre une nouvelle langue et de découvrir une nouvelle culture », indique l’enseignante. Mais pas question d’aller trop vite avec eux, l’enseignante manie bienveillance et patience. D’autant qu’elle sait que les premières semaines risquent d’être un peu difficiles.

Yvan et Vova vont d’abord rester deux semaines en UPE2A, le temps de s’acclimater « et qu’un esprit de groupe se créer », indique Mélanie Roux. Avant de pouvoir faire des incursions dans une classe ordinaire. Les deux élèves, qui parlent ukrainien et russe, vont aussi bénéficier du tutorat d’élèves russophones : « Ils sont 43 au collège », explique le principal, Aristide Adeikalam. Et pas question que la guerre en Ukraine ne s’exporte dans la cour. « Un élève ukrainien m’a dit qu’il n’était pas Volodymyr Zelensky et que son camarade russe n’était pas Vladimir Poutine, c’est bien résumé », estime Mélanie Roux.

Les collégiens ukrainiens vont aussi garder un lien avec leur collège d’origine : « Ils vont suivre des cours avec certains de leurs profs restés en Ukraine ou qui se sont réfugiés dans un autre pays », indique Charline Avenel. De son côté, Mélanie Roux sait déjà qu’elle fera du bon travail avec eux : « Depuis 2014, j’enseigne régulièrement à des élèves ukrainiens qui apprennent souvent vite le français. Mon objectif est qu’ils deviennent autonomes et puissent vivre une vie d’adolescent ordinaire. L’école, c’est un repère pour eux », insiste-t-elle. En attendant, Yvan et Vova semblent pressés de découvrir leurs camarades. Et réciproquement !