Salon de l'agriculture : Marianna Briançon, une Miss agricole pour « casser les clichés »
PORTRAIT•Du haut de sa montagne des Hautes-Alpes, la jeune éleveuse, élue Miss agricole 2022, entend participer à changer l'image et la place des femmes dans l'agricultureAlexandre Vella
L'essentiel
- Marianna Briançon est une éleveuse de brebis de 26 ans.
- Elle a été élue Miss agricole 2022 et dispose ainsi d’une exposition médiatique dont elle entend user « pour casser les clichés ».
- Au Salon de l’agriculture, elle espère pouvoir interpeller quelques candidats à la présidentielle ou responsables politique.
Elle a récidivé, mais par plaisir cette fois-ci. Sa dernière expérience à Paris « n’allait pas du tout. Je me suis retrouvée à courir dans l’escalator. Les gens sont fous là-bas », en sourit, aujourd’hui, Marianna Briançon, 26 ans, éleveuse élue Miss agricole 2022, concours organisé dans le cadre du Salon de l'agriculture. Un événement qu’elle avait envie de voir « depuis gamine ». Alors, c’est avec le sourire qu’elle est montée dans le train à destination de la capitale, délaissant « ses montagnes » pour trois jours. « Quand c’est plat, je tiens à peu près deux jours avant d’avoir le mal du pays », confie-t-elle.
« Un boulot tranquille, avec les week-ends et des vacances »
Les dorures et les sièges en velours de l’Assemblée nationale, qu’elle doit visiter pour son dernier jour, lui éviteront-ils ce sentiment ? En cas d’urgence, elle pourra toujours plonger son regard bleu sur ses poignées, où sont tatoués les deux sommets cernant les deux cents brebis de la ferme familiale des Hautes-Alpes, située littéralement au bout d’une route, nichée dans une étroite vallée. « Je les ai faits avant de partir à Lyon », explique la jeune éleveuse. « C’est normal ça ? », s’interroge Marianna.
Lyon, où elle a passé après son bac un DUT communication. Pas vraiment un bon souvenir. Les collines Fourrière et Croix-Rousse n’ont, elles aussi, pas tenu la mesure face aux sommets enneigés du Dévoluy et de la Charajaille. Un stage à Paris a fini de la convaincre que la ville n’était définitivement pas pour elle. « À cette époque, je pensais vouloir avoir un boulot tranquille, avec les week-ends et des vacances », résume Marianna. Elle trouve alors un travail à Veynes, dans la maison de service numérique du village en contrebas, où vivent 3.000 personnes. Trois années passées « à la lumière des néons » concluent par un « arrêt de travail d’un mois. Un burn-out à 25 ans, comment dire… », poursuit-elle.
Au printemps dernier, elle convainc son père de prendre une semaine de vacances – ses premières en trente ans - durant laquelle la jeune femme lui propose de tenir la ferme, avec l’aide de sa cousine. « À mon retour, elle m’a dit 'Papa, je vais m’installer et m’associer avec toi'. Je ne l’avais pas vu venir », se remémore l’éleveur. « Je savais qu’elle était faite pour ça, même si je ne lui avais pas dit parce que je l’ai toujours poussé dans ses choix sans l’orienter, mais ça se voyait depuis toute petite », raconte-t-il en garnissant de foin les mangeoires des brebis réformées qui, dans l’antique étable située sous la maison, attendent la venue du camion qui les conduira pour de bon.
Sur la table de la cuisine, à mesure que le soleil plonge derrière la montagne, Marianna égrène des photos d’enfance. On la voit au milieu des brebis, à son aise. Tantôt biberonnant un agneau, tantôt prenant la pose, sur la paille, dans un champ. Peut-être, déjà, une marque de son goût pour le « modelling ». Entre ses 18 ans et ses 22 ans, elle a travaillé, occasionnellement, avec quelques photographes, et a participé à un concours de beauté, à Gap. Ce concours de Miss agricole, elle s’y est inscrite comme ça, en scrollant sur Facebook, ne pensant pas gagner dès le premier essai. Classée dans les 30 premières par le public d’internautes, un jury l’a ensuite désignée gagnante.
« Montrer une jeune femme en train de faire »
Marianna entend bien user de cette exposition médiatique « pour casser les clichés ». En commençant par en prendre, en abondance. Son Instagram regorge de photos d’elle, tronçonneuse à la main, sur un tracteur, en débardeur et chemise à carreaux ou en combinaison agricole et chaussures crottées. « Non, les agriculteurs et agricultrices ne sont pas des personnes bourrues, solitaires, pas cultivées. Peut-être que nous n’avons pas la culture littéraire comme l’entendent les gens des villes, mais si tu te trimballes en forêt avec mon père, il peut te nommer chaque fleur, chaque plante et t’expliquer dans quelles conditions elles poussent », enchaîne-t-elle.
Celle qui pencha un temps vers la communication sait user des codes contemporains, en témoigne son détournement de « Beau Parleur » Marwa Loud. « Je suis une bête de meuf/j’ai un bête de sac (d’aliment pour les animaux) /une bête de gova (le tracteur) /un bête de taf (avec un agneau) ». Derrière ces mises en scène, la jeune éleveuse entend sensibiliser « sur la place des femmes dans l’agriculture. Il y a encore énormément de discours qui disent que les femmes ne sont pas capables. Moi, je veux profiter de cette médiatisation pour avoir un impact, pour montrer une jeune femme en train de faire ».
Et de susciter des vocations. Il y a quelques jours, Marianna a reçu un courrier d’une jeune qui souhaite devenir éleveuse. « C’est pour des gens comme ça que je joue le jeu », illustre-t-elle. Reste que l’agriculture a besoin de « jeunes qui s’installent » et d’avoir des responsables politiques « qui mettent en place des mesures pour le permettre ». Et de profiter de son passage au Salon de l’agriculture, étape d’autant plus incontournable en cette année d'élection présidentielle, pour porter le message.
Ceci dit, la fabrique médiatique reste à certain point incorrigible. « On peut être féminine tout en étant paysanne », lit-elle dans différents articles de presse à son propos. « Oui, je l’ai dit, mais ça saoule un peu d’être réduite à ça », commente et conclut la jeune femme. Difficile de combattre tous les clichés à la fois.