Toulouse : Kokeliko, la chorale inclusive qui redonne de la voix aux sans-abri
REPORTAGE•À Toulouse, après une longue pause due à la crise sanitaire, la chorale inclusive Kokeliko a repris ses répétitions, au cours desquelles se mêlent bénévoles et personnes sans domicile fixeDorian Naryjenkoff
L'essentiel
- A Toulouse, avec la fin progressive des restrictions sanitaires, la chorale inclusive Kokeliko a pu rouvrir ses répétitions à ses bénéficiaires et bénévoles dans un local.
- La chorale, créée par l’association caritative Main Tendue 31 en 2017, a pour particularité d’accueillir aussi bien des bénévoles que des gens ayant eu un parcours de vie marqué par la rue afin de mettre des mots sur leurs émotions.
- Son registre alterne classiques de la chanson française, gospels ou chants zoulous que la petite troupe interprète notamment lors d’enterrements de sans-abri.
«On y perd au change car il ne fait pas de pâtisserie », rigole une des bénévoles. La professeure de chant de la chorale Kokeliko, Florence Bonicel, vient d’annoncer au petit groupe son remplacement prochain par Joseph Broussaudier, chef de chorale à la fac du Mirail aujourd’hui retraité. La choriste fait référence aux gâteaux que leur concoctait Florence avant la crise sanitaire, à chaque répétition.
A peine a-t-elle repris à l’église évangélique du quartier de Marengo que cette chorale un peu particulière doit ainsi se séparer de l’une de ses fondatrices. Le projet, lancé en 2017 avec l’association caritative Main Tendue 31, s’est fondé sur la volonté de faire entendre la voix de personnes ayant fait l’expérience de la rue, en les mêlant aux bénévoles au sein d’une chorale inclusive.
Brassens, Piaf, Cabrel, Capéo…
« Chanter a des vertus thérapeutiques, cela fait beaucoup de bien au moral, souligne Martine Guyon, bénévole depuis quinze ans à Main Tendue 31 et ancienne choriste au conservatoire de Blagnac. Les bénéficiaires oublient leurs soucis, réapprennent à écouter leur corps et reprennent confiance en eux. »
Aujourd’hui, Florence a prévu une séance de révision générale pour la petite équipe d’une quinzaine de personnes, issues de tous les milieux sociaux, afin de montrer à leur nouveau professeur ce sur quoi ils travaillent dernièrement. Pour éviter d’être gênés, certains portent des masques spécialement adaptés au chant. Au programme, des classiques, comme Brassens, Piaf, Cabrel, mais aussi du gospel, du zoulou, et même du Claudio Capéo. La troupe s’essaye à la chanson de ce dernier, Un homme debout. « Celle-ci est jolie mais difficile », remarque Paolo, l’un des plus anciens bénéficiaires.
« C’est dégueulasse que des gens partent seuls »
En dehors des concerts gratuits, Kokeliko chante notamment lors des obsèques de sans-abri organisées par l’association Goûte de Vie. C’est cet aspect qui est devenu la principale motivation de Paolo, d’abord venu tuer le temps. Il a pris part à l’aventure dès 2017. « Je viens beaucoup chanter pour les enterrements car c’est dégueulasse que des gens partent seuls. Je tiens à leur rendre un dernier hommage », confie ce chrétien de 45 ans qui est logé depuis un an et demi dans un hôtel social du centre-ville. Cuisinier de formation, il dévoile avoir également travaillé un temps à DisneyLand Paris où il revêtait le costume du chien Pluto.
Houari, lui, a rejoint la chorale plus récemment, en 2020, un an après son arrivée en France. « Je faisais beaucoup de karaoké en Algérie, à Oran. Je connaissais déjà ces chansons car j’ai toujours adoré la culture française, j’avais même un salon de conversation en ligne où on échangeait entre passionnés », raconte l’homme de 46 ans, qui espère être régularisé bientôt pour pouvoir retravailler. En attendant, cet électricien de formation dort lui aussi dans un hôtel, à Muret. « Kokeliko, c’est comme une grande famille pour moi. L’ambiance est très conviviale et on s’entraide beaucoup entre bénévoles et bénéficiaires, même à l’extérieur. »
Beaucoup de sans-abri ne peuvent néanmoins plus venir aux répétitions, la reprise ayant été conditionnée au pass sanitaire. La chorale espère néanmoins pouvoir reprendre ses concerts en extérieur au printemps prochain.