Lyon : La « piétonnisation » va-t-elle déloger le camion pizza de Joël, installé à la Croix-Rousse depuis trente ans ?
COMMERCE•Un pizzaïolo lyonnais, Joël Ben Dris, refuse depuis plus de six mois de quitter son emplacement sur le trottoir du boulevard de la Croix-Rousse (Lyon 1er), malgré les relances de la mairieJérémy Laugier
L'essentiel
- Un camion pizza, installé depuis 30 ans sur le boulevard de la Croix-Rousse, est prié par la ville de Lyon de changer d’emplacement depuis plus de six mois.
- Remonté contre cette décision, sur la forme comme sur le fond, le gérant du véhicule Joël Ben Dris (45 ans) raconte « avoir l’impression d’être un délinquant ».
- Une pétition en ligne s’est lancée (avec plus de 635 signatures ce lundi) afin de soutenir l'artisan pizzaïolo face à la mairie écologiste de Lyon, qui tient à ce que « ce trottoir redevienne un espace intégralement dédié aux piétons ».
Depuis 30 ans, le camion de Pizz Délice fait le bonheur des Croix-roussiens, 7 jours sur 7, midi et soir. Historiquement installé sur l’imposant trottoir du boulevard de la Croix-Rousse ( Lyon 1er), vers le numéro 76, le véhicule est presque une institution pour les élèves du collège La Tourette, situé à une centaine de mètres de là. Joël Ben Dris, qui a racheté Pizz Délice à un ami il y a 10 ans, compte un fichier de plus de 11.000 clients, ainsi que trois employés et 150.000 euros de chiffre d’affaires.
Mais les ennuis ont commencé pour le gérant en juillet 2021, lorsque la ville de Lyon lui a signifié que « son emplacement devait être libéré ». Une décision que l’intéressé juge « sans aucun fondement », et qui le pousse à prendre un avocat et à refuser depuis plus de six mois de déplacer son commerce. « On m’a d’abord proposé de me replacer dans une rue voisine, près d’immeubles », soupire Joël Ben Dris, qui a investi 70.000 euros il y a deux ans pour fabriquer lui-même son nouveau camion à pizza.
« Une intimidation pure et dure » de la police municipale
Il affirme avoir reçu en novembre une visite de la police municipale, qui souhaitait vérifier son autorisation de stationnement sur le boulevard, « une intimidation pure et dure ». Puis, un recommandé de la ville de Lyon, le 21 décembre, l’informe que cette autorisation, qui lui coûte un loyer mensuel de 543 euros, « ne sera plus accordée à compter du 1er janvier 2022 ». Que reproche exactement la mairie écologiste à Pizz Délice, « un cas isolé à Lyon », qui continue de servir ses pizzas au feu de bois quotidiennement malgré ce dernier courrier ?
« Le stationnement sur les trottoirs du boulevard de la Croix-Rousse est totalement interdit par un arrêté depuis le 20 mars 2021, il y a des verbalisations régulières, explique Valentin Lungenstrass, adjoint aux mobilités, à la logistique urbaine et aux espaces publics. Il y a donc une mise en cohérence à avoir pour que ces trottoirs redeviennent un espace intégralement dédié aux piétons. »
« J’ai l’impression d’être un délinquant »
L’argument de « la politique de piétonnisation » ne convainc pas Joël Ben Dris : « Il y a toujours sur les trottoirs du boulevard le marché, la Vogue des marrons [fête foraine en octobre-novembre], et des voitures qui restent garées dessus sans souci. Nous subissons donc une injustice, d’autant qu’il n’y a jamais eu la moindre plainte dans le quartier contre nous. » Valentin Lungenstrass, qui souhaite rencontrer Joël Ben Dris dans les prochains jours, a toujours une solution : « Personne ne souhaite que le camion pizza disparaisse, et notre proposition reste ouverte : il peut se déplacer de 10 mètres pour stationner sur un emplacement réglementaire sur la route. Cela nous semblait être une formalité de mise en règle vu le faible impact que ça aurait sur son activité. »
Cette option ne convient pas à l’artisan pizzaïolo de 45 ans : « Il y aurait des problèmes de visibilité par rapport aux clients mais aussi de sécurité, puisque mes employés seraient amenés à entrer et sortir du camion par la route. Et puis si un véhicule se colle juste derrière mon camion, comment pourrais-je rentrer pour travailler ? J’attends de meilleures conditions de la part de la ville. » Cet ancien apprenti pâtissier chez Bouillet ne compte rien lâcher.
« Il y a une inconsidération totale de la part de la mairie pour le travail des artisans. Surtout après le Covid-19, ce n’est pas le moment de nous tomber dessus. La mairie est en train de tuer les petits commerces. Pour elle, c’est sans doute une histoire facile à gérer, par rapport aux vrais problèmes de la Guillotière. » »
« Ce camion pizza est un véritable facteur de convivialité »
Si Joël Ben Dris peut tirer quelque chose de positif de sa complexe situation actuelle, c’est bien le soutien reçu de la part des Croix-roussiens. Fidèle cliente depuis une quinzaine d’années, Wanda confie ainsi : « Il est le seul pizzaïolo sur tout le boulevard et je ne vois pas du tout en quoi son camion dérange les piétons, vu comme le trottoir est large. Joël est une figure de la Croix-Rousse et il faut sauver son camion à pizza, qui est un véritable facteur de convivialité ici. »
Un témoignage symbolique d’une solidarité dans le quartier qui touche Joël Ben Fris : « J’ai parlé de mes soucis à deux ou trois clients et ça a immédiatement eu un effet boule de neige. Une pétition en ligne s’est lancée (elle compte plus de 650 signatures ce lundi) et ce très gros soutien de tout le voisinage me plaît beaucoup. »