Pass vaccinal : Pour les restaurateurs, « ce n’est pas leur job » de contrôler les pièces d’identité
REPORTAGE•Les restaurateurs ont depuis ce lundi avec l’entrée en vigueur du pass vaccinal la possibilité de contrôler les papiers d’identité des clients. Et ce, en cas de doute sur le pass présentéLuc Sorgius
Il est tout juste midi, en ce lundi. Sur la presqu’île Malraux à Strasbourg, pas d’effervescence notable. En tout cas, autour des tables des restaurants. Un des effets du pass vaccinal, tout juste entré en vigueur ? Pas vraiment. « Les lundis, c’est généralement très calme », indique un serveur de l’enseigne Au Bureau.
Alors que la législation leur permet désormais de contrôler les papiers d’identité des clients, afin de vérifier qu’ils ne présentent pas un faux pass, les professionnels strasbourgeois du secteur sont unanimes : le flicage, c’est hors de question.
La crainte d’une chute de l’activité
« Ce n’est pas mon job et je n’ai pas envie de gérer les conflits que cela va créer », lance Thomas Hauer, directeur de l’établissement Léon de Rivétoile. Pour lui, le pass vaccinal « ne changera rien, ceux qui sont vaccinés venaient déjà ». En revanche, il constate une vraie baisse d’affluence depuis la mise en place du pass sanitaire : « Avant, les lundis, on faisait entre 50 et 60 couverts. Là, on tourne entre 20 et 30. »
Un peu plus loin, Gotty Merzisen accueille les clients du Memphis Coffee avec un grand sourire derrière son masque et le scan à la main. Lui non plus ne compte pas « faire l’agent des forces de l’ordre. Ce n’est pas mon métier. Que chacun prenne ses responsabilités. » Le gérant de trois enseignes sur la presqu’île Malraux craint davantage « que l’activité chute » : « Ce matin, j’ai vu que certains cafés parisiens avaient fait du – 70 % de chiffre d’affaires… »
Au Sushi’s Black Swan, la manageuse de l’enseigne Julie Collin n’a « pas trop d’avis là-dessus ». « Si on nous y oblige, on respectera la loi. Mais ce serait bien qu’on n’ait pas à vérifier l’identité en plus des pass. C’est déjà une perte de temps de vérifier les pass sanitaires… »
« Déplacé au niveau du client »
Alexandre Blandin partage cette opinion. « On n’a pas le temps non plus », lance l’assistant de direction du restaurant La Boucherie. « Si on a un gros gros doute, pourquoi pas, comme quand un homme qui présente un pass avec un nom féminin. Mais ça n’était jamais arrivé avant. » Du côté des Halles, Lucas Peterolff, responsable du service du midi au Vapiano, évoque « un lundi classique ». A quelques exceptions près, « on a dû refuser deux ou trois clients qui n’avaient pas le pass vaccinal. Je contrôlerai les pièces d’identité si j’ai vraiment un doute, mais je trouve ça déplacé au niveau du client. »
« C’est intrusif »
Et les clients, qu’en pensent-ils ? Lisa, venue avec deux amies au Memphis Coffee, ne voit pas d’inconvénient à sortir sa carte d’identité. « Ça ne me dérange pas, je trouve que s’ils le font, ce n’est pas pour rien. » En revanche, Ada, une étudiante de 18 ans, est beaucoup plus circonspecte : « Ça m’embêterait un peu, c’est intrusif. On ne devrait pas avoir à prouver quelque chose si on veut boire ou manger un truc. »
Quant à ce client qui vient tout juste de se faire scanner le pass, l’avis est on ne peut plus tranché : « Je te répondrai une fois que j’ai mangé. » Après le pass vaccinal, le « passe ton chemin ».