Sécurité : Vers une augmentation du temps de travail dans la police ?
NEGOCIATIONS•Gérald Darmanin envisage d’augmenter le temps de travail des policiers à raison de deux heures par semaine pour accélérer le doublement du nombre d’agents sur le terrain, comme l’a promis Emmanuel MacronCaroline Politi
L'essentiel
- Emmanuel Macron entend doubler la présence policière sur le terrain d’ici à 2030.
- Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a envoyé un courrier aux syndicats pour échanger notamment sur les moyens pour y parvenir.
- Parmi les mesures évoquées dans cette lettre consultée par 20 Minutes figure l’augmentation du temps de travail contre une « sur-rémunération ».
Comment mettre plus de « bleu » sur le terrain ? Lors d’un déplacement à Nice, lundi, Emmanuel Macron a dévoilé son plan en matière de sécurité pour les années à venir. Au programme : 15 milliards d’euros de budget supplémentaire sur cinq ans – soit 25 % de plus – et un doublement de la présence policière sur le terrain d’ici à 2030. Dès le lendemain, son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a envoyé un courrier aux syndicats, que 20 Minutes a pu consulter, dans lequel sont détaillées ses propositions pour parvenir à un tel objectif.
Parmi les mesures avancées, « la substitution des personnels actifs par des personnels administratifs », une arlésienne au sein de la police. L’objectif, développé lundi par le président de la République – ou le peut-être futur candidat à sa réélection, on voit flou ces derniers temps – est de redéployer 3.000 agents sur le terrain. « En Grande-Bretagne, on dénombre environ 60.000 postes d’administratifs dans la police, contre seulement 20.000 en France », précise Mathieu Zagrodzki, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). Depuis des années, l’élaboration des plannings, le maintien du parc informatique ou certaines tâches purement administratives sont dévolues aux policiers. « C’est un choix politique, mais remédier à cette situation va prendre des années », souligne le chercheur.
Travailler plus pour gagner plus ?
Dans la même veine, le ministre propose – ainsi que le réclament depuis de nombreuses années les syndicats et que l’ont promis nombre de ses prédécesseurs – la fin des tâches périphériques, à l’instar de la surveillance de certains bâtiments ou les transferts de détenus pour « libérer » 3.500 fonctionnaires. Des redéploiements qui viendront en complément des 10.000 postes créés pendant ce quinquennat.
La question du taux de présence des policiers sur le terrain est un serpent de mer relancé en novembre dernier par une note de la Cour des comptes pointant un paradoxe : malgré une augmentation de 21 % de la masse salariale de la police nationale en dix ans, le taux de présence sur le terrain n’a eu de cesse de baisser. « Le taux de présence sur la voie publique n’a pas d’influence en tant que telle sur le taux de délinquance, met toutefois en garde Mathieu Zagrodzki. Cette présence doit s’inscrire dans une stratégie réfléchie de ciblage de lieux posant des problèmes. »
Si ces mesures avaient été évoquées par Emmanuel Macron, le locataire de la place Beauvau ajoute une piste plus concrète et propose aux syndicats « de discuter de l’opportunité d’une légère augmentation du temps de travail, de l’ordre de deux heures, par exemple, en contrepartie d’une sur-rémunération ». Contactés par 20 Minutes, plusieurs syndicats ne se disent pas fondamentalement hostiles à la mesure mais attendent des précisions. « On n’a aucun détail, on a sollicité l’administration pour savoir comment ça va être mis en place, dans quelles conditions, qui pourraient en bénéficier… », expose Yvan Assioma, secrétaire du syndicat Alliance. Dans l’entourage du ministre, on assure que toutes les options sont sur la table et que pour l’heure « rien n’est acté ».
La loi de programmation présentée en mars
Le ministre a également fait part de sa volonté de revaloriser certaines unités, indépendamment d’une augmentation du temps de travail : il propose ainsi la création d’une indemnité de 100 euros mensuels pour les personnels de « police secours » ou le triplement de l’indemnité pour le travail de nuit, créée fin 2020. « Le doublement de la présence policière sur le terrain passe non seulement par des transformations structurelles au sein de la police mais également un renforcement de l’attractivité pour ces fonctions », explique l’entourage de Gérald Darmanin.
Le conseiller social du ministre et la direction générale de la police nationale doivent conduire les discussions avec les syndicats avec en ligne de mire la signature, début février, d’un protocole pour acter les « engagements pris par l’Etat », précise-t-on. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) sera pour sa part présentée en Conseil des ministres en mars prochain, mais ses chances d’être adoptée d’ici l’élection présidentielle – en avril donc – sont nulles. Son application est donc suspendue à la réélection du presque candidat Macron.