Education : « Ça m’a redonné confiance en moi »... Ils ont été élèves de Segpa et ça leur a réussi
EDUCATION•Au collège, les sections d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) accueillent des élèves présentant des difficultés scolaires
Delphine Bancaud
L'essentiel
- La bande-annonce du film Les Segpa, qui sortira en avril, a été dévoilée lundi. Elle a suscité la polémique chez certains enseignants et parents d’élèves, estimant que les élèves des Segpa étaient stigmatisés.
- L’occasion pour 20 Minutes de donner la parole aux élèves qui sont passés par cette filière et qui en ont tiré du positif.
- Pour beaucoup, ce passage en Segpa leur a redonné de l’assurance, a été un tremplin pour poursuivre leurs études et pour réussir leur vie professionnelle.
EDIT : Le film Les Segpa sort en salles ce mercredi 20 avril.
Et si on s’éloignait des caricatures pour laisser la parole aux principaux concernés ? Cyril Hanouna a dévoilé lundi, sur son compte Twitter, la première bande-annonce du film Les Segpa (section d’enseignement général et professionnel adapté), une comédie d’Hakim et Ali Bougheraba qu’il a produite et qui sortira en avril. Elle met en scène des élèves de cette filière qui accueille des collégiens présentant des difficultés d’apprentissage.
Le teaser du film a suscité la polémique chez certains enseignants et parents d’élèves, estimant que les élèves des Segpa étaient stigmatisés. Une pétition demandant le changement du nom du film a aussi été lancée et avait déjà recueilli ce vendredi plus de 60.000 signatures. L’occasion pour 20 Minutes de donner la parole aux élèves qui sont passés par cette filière et qui en ont tiré du positif.
« La Segpa sauve »
En proie à de grandes difficultés scolaires, beaucoup d’anciens élèves de Segpa étaient à deux doigts de décrocher totalement. Et la section leur a d’abord redonné confiance en eux. A l’instar de Quentin, qui a répondu à notre appel à témoignages : « Quand j’y suis entré en en 6e, tout a changé pour moi. Je me suis retrouvé avec des gens comme moi et je n’étais plus mis à l’écart. J’ai progressé et ai obtenu de très bons résultats. Cela m’a redonné confiance et m’a donné envie de réussir, pour moi et mes parents. »
Delphine s’est aussi sentie revivre : « Dans cette classe (de la 6e à la 3e), je me sentais bien mieux, moins stressée. Nous étions une quinzaine, les profs étaient à nos côtés pour nous aider. Nous ne sommes pas des débiles ou des moins que rien, nous avons juste des difficultés et nous avons été aidés. » Manel est aussi reconnaissant : « Ça a été très bénéfique, j’ai gagné en confiance, en assurance et les professeurs étaient magnifiques ». « La Segpa sauve, les élèves ne sont pas abrutis comme certains peuvent penser », complète Amanda.
« J’avais besoin de temps pour comprendre et avoir confiance en moi »
Ce sont notamment les méthodes pédagogiques en Segpa qui laissent de bons souvenirs. Car les élèves y suivent les mêmes programmes d’enseignement que leurs camarades de section générale, mais avec des aménagements. Ils bénéficient d’un suivi individualisé et le nombre d’élèves en classe est, on l’a vu, réduit (16 au maximum). Une approche qui a plu à Anaïs : « Les cours sont plus simples, moins condensés, avec plus de temps pour bien assimiler. Les enseignants étaient très pédagogues, je me suis sentie très à l’aise. » Donovan raconte les progrès énormes qu’il a pu faire : « Quand je suis arrivé en 6e Segpa, je ne savais pas lire ni écrire correctement et j’avais des troubles du comportement. Maintenant, je sais lire, je sais écrire, pas parfaitement, mais ça m’a permis de me débrouiller dans la vie. » Idem pour Ludivine : « Je suis dyslexique et dysorthographique. J’avais besoin de temps pour comprendre et pour avoir confiance en moi et c’est ce que mes profs m’ont donné. »
Pendant sa scolarité, le jeune effectue des travaux pratiques, des activités de découverte professionnelle et des stages en entreprise (en 4e et en 3e). Un programme passionnant pour Delphine : « Nous faisions des ateliers pour nous mettre dans le bain du monde du travail, (maçonnerie, ébénisterie et cuisine). » Des horizons se sont ouverts pour Quentin : « J’ai effectué huit stages et découvert plus d’une douzaine de métiers. Ces stages ont beaucoup enrichi mes connaissances personnelles et professionnelles et m’ont aussi fait mûrir. » Même chose pour Cédric : « Je m’étais inscrit dans les ateliers de structure métallique, où j’ai appris les valeurs de travail et des connaissances qui me servent encore aujourd’hui. »
Un tremplin pour poursuivre ses études dans certains cas
Chacun garde des souvenirs émus des enseignants : « J’avais de très bons enseignants, compréhensifs et qui s’adaptaient à chacun d’entre nous », décrit Marie. « Ils étaient au top, à l’écoute, toujours là pour nous conseiller », se souvient Samira. Beaucoup d’élèves se sont réconciliés avec les études. « Ensuite, j’ai fait un cursus ordinaire », raconte Samira. « Cela m’a permis d’avancer, j’ai fait un CAP ainsi qu’un BP niveau 4 aménagement paysager, qui ont tout deux été un succès ! », se félicite aussi Delphine. Même réussite pour Jean-Philippe : « J’ai choisi de partir vers la filière de serrurier-métallier. Pour ensuite aller en lycée professionnel et décrocher un CAP et un BEP dans le même domaine. »
Cédric a été encore plus loin : « Parti de Segpa avec un CAP maintenance des bâtiments de collectivité, j’ai poursuivi en licence professionnelle production industrielle et ingénierie avec la spécialité distribution électricité et performance énergétique par alternance. » Pour Cheick, l’effet tremplin de la Segpa est aussi indéniable : « J’ai mon bac professionnel en menuiserie, aluminium, verre et encore plusieurs diplômes obtenus en effectuant des formations. J’ai 25 ans et je n’ai pas encore dit mon dernier mot ! », assure-t-il.
« Je suis devenue chef de secteur dans le milieu de la sécurité privée »
Des années plus tard, beaucoup d’anciens élèves peuvent être d’autant plus fiers de leur parcours qu’il n’a pas été facile. Aujourd’hui, certains sont heureux de leur profession, à l’instar de Martine : « Je fais un métier que j’aime. Je suis ATSEM [agente territoriale spécialisée des écoles maternelles] et je travaille auprès d’enfants dans une école privée. » Tout comme Cédric : « Je suis chargé de projet éclairage public pour une Métropole et j’interviens ponctuellement afin d’enseigner mon métier à l’université de Clermont-Ferrand ».
Certaines vocations sont nées en Segpa, comme pour Soizic : « Nous avions atelier cuisine et ça a été une passion. Maintenant ? Je suis cheffe de partie dans un restaurant. » Sylvain, lui, est devenu tailleur de pierres. Après le collège, Marie a obtenu un bac pro métiers de la prévention et de la sécurité : « Je suis devenue chef de secteur dans le milieu de la sécurité privée », énonce-t-elle fièrement. Quant à Alban, son ascension a été formidable : « Après la Segpa, je suis devenu apprenti. Je me suis mis à mon compte à 27 ans et maintenant, à 36 ans, j’ai trois entreprises qui vont bien et je n’ai jamais connu le chômage. » Des images d’épanouissement professionnel qui vont à l’encontre des idées reçues, comme le résume Myriam : « On peut être allé en Segpa et s’en sortir. Ce n’est pas parce qu’on y était qu’on est des “cassos”, comme certains le disent ! »