« Balance ton bar » : Verres sous étroite surveillance, capsules sur les gobelets… Comment se protéger du GHB dans les soirées ?
SECURITE•Des mesures de prévention se font jour face à la progression des signalements d’intoxication présumée au GHBDelphine Bancaud
L'essentiel
- Un nouveau hashtag, #balancetonbar, est apparu sur les réseaux sociaux pour prévenir de la recrudescence du GHB dans les soirées.
- Face à ce risque de voir leurs verres drogués à leur insu, nos lecteurs et lectrices nous expliquent quelles précautions ils prennent quand ils sortent.
- Les organisateurs de soirées étudiantes et les professionnels de la nuit prennent aussi des mesures pour limiter les risques d’agressions. Mais d’autres dispositifs pourraient être mis en place pour mieux assurer la sécurité des clients.
Le fléau n’est pas nouveau, mais il empire. Depuis un mois, de nombreux témoignages – sous le hastag #balancetonbar – ont été publiés sur les réseaux sociaux, des personnes racontant avoir été agressées après avoir été droguées à leur insu dans des bars et discothèques, majoritairement des femmes. Le site Drogues info service explique les effets du GHB, et l’impression de « trou noir » « qui suit immédiatement une période d’euphorie, puis d’endormissement ».
Et plus le sujet est abordé dans les médias, plus l’inquiétude monte. Des collectifs féministes ont appelé à boycotter certains bars et boîtes. Une mesure radicale pour éviter les risques, mais à laquelle ne veulent pas se résoudre celles et ceux qui ont envie de continuer à sortir dans des lieux publics le soir. Du coup, ils préfèrent adopter certains réflexes pour se protéger contre ce type d’agressions. A l’instar de Blandine, qui a répondu à notre appel à témoins : « Je garde toujours mon verre à la main afin de le surveiller en permanence. Je refuse également les verres des inconnus, à moins qu’ils ne les aient payés devant moi et qu’ils soient servis devant moi. Je reste toujours avec mes amis jusqu’à la fin de soirée, et nous faisons attention aux endroits où nous allons. Si on ne sent pas un lieu, on s’en va ».
« Ma main toujours plaquée sur mon verre »
Même vigilance chez Emilie : « Je surveille constamment mon verre. Ma main est toujours plaquée dessus. Si je dois absolument le déposer quelque part, je ne le reprendrai plus après. J’irai m’en acheter un autre. Et on essaye de rester toujours deux par deux pour pouvoir se protéger en cas de problème ». Des conseils qui rejoignent ceux qu’on peut trouver, là encore, sur le site Drogues info service, qui recommande de « ne jamais laisser son verre posé hors de portée de vue », « d’éviter de boire un verre que l’on n’a pas vu servir », et « de ne pas laisser son verre sans surveillance lors de soirées ».
Certains parents prennent aussi des précautions. Comme Karine, dont la fille a trouvé un cachet non dissous dans son verre lors d’une sortie. « En juillet, je lui ai acheté une capote à verre. J’en ai pris aussi pour mon fils de 17 ans, mon neveu du même âge et ma filleule de 14 ans. Ma fille ne sort jamais sans cette capote et en fait la promotion à tous ses amis. » Après avoir reçu des témoignages d’étudiants qui estiment avoir été drogués à leur insu, les associations étudiantes ont également accéléré la prévention. Avec des conseils à la clé. C’est le cas d’O campus, la Fédération des associations étudiantes d’Orléans, qui a amplement communiqué fin octobre sur les réseaux sociaux. « Nous les avons informés des signes qui peuvent laisser penser que le verre a été drogué : si son aspect est brumeux, s’il contient beaucoup trop de bulles, si les glaçons tombent au fond », explique Sasha Leclerc, sa vice-présidente.
Des verres munis de capsules
Pour éviter d’être désertés, certains établissements de la nuit ont pris des mesures spécifiques pour sécuriser leurs clients. « Dans les gros clubs, on voit de plus en plus souvent des verres munis de capsules, afin que l’on ne puisse rien glisser dedans. Des affiches sensibilisent aussi les clients aux dangers du GHB », constate David Zenouda, président de la branche nuit à l’UMIH Paris Île-de-France. Les patrons d’établissements reçoivent aussi une formation sur les différents dangers de l’alcool et des drogues. « Et les barmen sont formés pour apprendre à repérer les personnes dans un état second et les comportements douteux », indique David Zenouda.
Les organisateurs de soirées étudiantes sont aussi plus vigilants, note Benjamin Dahan, président de la Fédération des BDE (les Bureaux des étudiants) : « Certains limitent désormais l’accès à ces fêtes aux étudiants de l’école, afin que des personnes extérieures ne puissent y participer. Et dans les grosses soirées, sont prévus des référents sécurité et des sauveteurs de la Croix-Rouge qui peuvent intervenir en cas de problème. » Autre exemple d’initiative intéressante : « Le BDE Kedge Bordeaux a renforcé la sécurité autour des débits de boissons et la systématisation des gourdes en lieu et place des gobelets », poursuit-il.
Des caméras au comptoir ?
Mais d’autres moyens de protection pourraient encore être développés : « Pourquoi ne pas équiper les comptoirs de bars de caméras qui permettraient de filmer les verres ? », lance David Zenouda. « Il semble important de développer l’utilisation de capsules sur les verres non seulement dans les discothèques, mais aussi dans les soirées étudiantes et les bars ouverts toute la nuit. Car c’est lorsque l’on danse qu’on a tendance à poser son verre pour le reprendre après », selon Sasha Leclerc.
Selon elle, il faudrait aussi « que les numéros d’urgence soient affichés dans tous les lieux festifs et que des "safe space", où les gens qui se sentent mal soient placés sous surveillance, existent partout ». Le club Nexus, situé à Pantin, près de Paris, n’a pas attendu. Dès le week-end dernier, il a non seulement mis en place l’utilisation de couvercles sur les verres, l’intervention d’une brigade de référents et un affichage dédié, mais aussi une « safe zone VTC » devant ses portes, tout en réfléchissant à accompagner les consos de pailles réactives au GHB. Autant de suggestions vraisemblablement étudiées lors du congrès de l’Umih, qui se tient cette semaine…