LGV Bordeaux-Toulouse : L’empreinte environnementale du GPSO scrutée à la loupe
SERIE (3/3)•Le dernier volet de notre série sur le GPSO, projet de lignes à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse d’une part, Bordeaux et Dax d’autre part, est consacré à l’empreinte environnementale du projetMickaël Bosredon
L'essentiel
- Le GPSO prévoit la création de 327 km de lignes à grande vitesse, dont 222 km entre Bordeaux et Toulouse d’ici à 2030, puis une liaison de Bordeaux vers Dax dans un second temps.
- Ce vaste projet à 14,3 milliards d’euros suscite de nombreuses oppositions, notamment de la part d’élus du sud Gironde et d’associations environnementales qui critiquent son empreinte.
- Le préfet d’Occitanie Etienne Guyot assure de son côté qu’au final, « les avantages du projet sont largement supérieurs aux inconvénients ».
C’est un des points les plus sensibles du GPSO, Grand Projet du Sud-Ouest, qui prévoit une ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse d’ici à 2030, et entre Bordeaux et Dax dans un deuxième temps. L’empreinte environnementale du projet fait l’objet de passes d’armes musclées, entre pro et anti-LGV.
Comme le résume le Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional) Nouvelle-Aquitaine, « ce projet se situe au cœur d’enjeux contradictoires qu’il est nécessaire de mettre en balance ». L’organisme pose plusieurs questions au cœur du débat, notamment : « Le gain de temps sur le trajet, le report modal et les enjeux d’aménagement du territoire justifient-ils la consommation foncière induite, la démultiplication de la consommation énergétique, la destruction d’écosystèmes et de réseaux hydrographiques précieux ? »
Huit sites Natura 2000 directement concernés
Dans le dossier d’enquête publique, on peut lire que « les travaux dureront cinq à sept ans », et que « la surface d’emprise est estimée à 4.830 hectares, dont 1.230 ha de surfaces agricoles, et 2.850 ha d’espaces sylvicoles. » Huit sites Natura 2000 sont « directement concernés, comme le réseau hydrographique du Gât-Mort et du Saucats, ou la vallée du Ciron ». Quelque 413 espèces végétales et animales dont 197 protégées, sont concernées par les emprises. Enfin, « les besoins en remblai sont estimés à 52 millions de m3 dont 33 millions de m3 d’apport extérieur. »
Des chiffres qui font s’étrangler plusieurs associations environnementales. « C’est un chantier pharaonique, alerte Philippe Barbedienne, président de la Sepanso Aquitaine, qui va impacter une trentaine d’affluents en aval de la vallée du Ciron, un site Natura 2000 abritant un cours d’eau qui a été jusqu’ici miraculeusement préservé, et où l’on compte des forêts très anciennes, notamment une hêtraie préservée dans une relique glaciaire, dont la datation avec des charbons fossiles a permis de remonter jusqu’à 44.000 ans. » Le président de la Sepanso ajoute que des espaces viticoles « seront aussi traversés » par la ligne ferroviaire.
« L’aspect environnemental a pris beaucoup d’ampleur »
« Le programme GPSO a été élaboré dès le départ comme un programme pilote de la démarche « Eviter, Réduire, Compenser », défend de son côté Étienne Guyot, préfet de la région Occitanie, coordonnateur du GPSO. On a recensé l’ensemble des espèces présentes au sein d’un fuseau de 1.000 mètres, et au final le choix des tracés a été fait pour éviter au maximum la perturbation des milieux et des espèces. Les surfaces en site Natura 2000 sont ainsi passées de 3.880 ha dans le périmètre d’étude, à 41 ha dans le tracé soumis à l’enquête publique. Les milieux sensibles naturels concernés représentent moins de 700 ha et les zones humides 250 ha, situées dans le massif forestier landais notamment. Le projet prévoit par ailleurs plus de 500 ouvrages pour réduire ses impacts et assurer les continuités hydrologiques et géologiques. »
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Des études qui seront encore affinées, promet le préfet d’Occitanie. « Nous allons reprendre le dossier d’engagement de l’État, pour définir finement le tracé final dans une logique de réduction d’empreinte. Nous sommes à une époque où l’aspect environnemental a pris beaucoup d’ampleur, avec une prise de conscience globale, et il est naturel que la puissance publique s’adapte et affine en permanence. »
Enfin, insiste le préfet, « les zones humides détruites seront intégralement compensées, et pour les zones sensibles, un pré-programme prévoit entre 1.000 et 1.500 ha de compensation, soit jusqu’à deux fois plus que les surfaces impactées. » Il assure que « toutes les préconisations de l’Autorité environnementale ont été traitées » avant la déclaration d’utilité publique.
« On aggrave encore la situation climatique »
Le président de la Sepanso déplore par ailleurs que « 850.000 tonnes de carbone, soit plus de 3,4 millions de tonnes équivalent (teq) de CO2, seront larguées dans l’atmosphère, juste pour la création de la ligne. On aggrave encore la situation climatique, c’est de la folie, et complètement anachronique. »
Des émissions qui seraient toutefois compensées en une dizaine d’années après la mise en service de la ligne. Le GPSO (en intégrant la connexion avec l’Espagne qui n’est pas encore inscrite au programme) « permettra d’éviter 325.000 tonnes d’équivalent CO2 par an, soit 3,2 millions de teq sur dix ans » assure Etienne Guyot. Le préfet se base sur le fait que « pour un trajet Paris-Toulouse, la consommation de CO2 par personne est de 130 kg en avion, 40 kg en voiture, et 4 kg en TGV », qui est de surcroît « le train dont l’empreinte carbone est la plus faible : 2,4 g de CO2 par km et par personne pour le TGV, 8,1 g pour un Intercités, et 29,4 g pour un TER. » Pour la Sepanso, il s'agit d'un « alibi climatique », notamment au regard du coût du projet (14,3 milliards d'euros).
La part du ferroviaire doit grimper de 15 % grâce à la LGV
Et encore faudra-t-il que le report modal de la voiture, et dans une moindre mesure de l’avion, s’opère effectivement massivement vers le train. Le préfet d'Occitanie n'en doute pas. « Le temps de trajet entre Toulouse et Paris en train passera de 4h10 actuellement, à 3h10 avec la LGV », rappelle Etienne Guyot, qui ajoute que « le nombre de liaisons doit monter à seize allers-retours par jour, contre sept actuellement, tandis que celles entre Montauban et Paris passeront de cinq à treize. »
Cette offre doit ainsi permettre de faire passer la part du ferroviaire « dans les échanges entre la Haute-Garonne et l’Ile-de-France, de 45 % actuellement à 60 %, et entre la Gironde et Paca, de 13 % à 26 % » annonce le préfet. Sur l’ensemble de la phase 1 (Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax), le GPSO « va contribuer à éviter 4,3 millions de voyages par an en voiture, et un million de voyages par an en avion, le TGV devant récupérer 20 % des liaisons aériennes Toulouse-Paris. »
Etienne Guyot ajoute que la LGV permettra de « gagner en tout 7 millions de voyageurs par an », parce que le TGV sera aussi « un train de la vie quotidienne. » « Plus de 50 % du trafic supplémentaire proviendra des déplacements internes aux régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. »
De nouvelles gares construites à l’extérieur des villes
Plusieurs associations remettent toutefois en cause ces prévisions. « On n’arrête pas de dire que Toulouse-Paris se fera en 3h10, en réalité ce sera plus souvent 3h30, avec des arrêts à Montauban, Agen, Bordeaux, estime Jacques Dubos, président de l’association bordelaise Trans’Cub, spécialiste des questions de transports. Or, la bascule de l’avion vers le train se fait en grande partie pour les trajets sous les 3 heures. »
Membre de Trans’Cub, Germain Suys relève de son côté que « les nouvelles gares qui seront construites à Agen et Montauban pour la LGV, le seront à 10 ou 15 km de la ville, ce qui va rompre l’interconnexion avec les TER, et obliger les clients à s’y rendre en voiture. »
Mais pour le préfet Etienne Guyot, ces nouvelles gares représentent « une offre supplémentaire qui n’existe pas actuellement, et qui sera extrêmement attractive quand tous les aménagements seront réalisés. » Au final, « les avantages du projet sont largement supérieurs aux inconvénients », insiste-t-il. Pas sûr que cela calme les oppositions dans les prochains mois.