RELIGIONUne femme chargée de l’indemnisation des victimes d’abus dans l’Eglise

Pédocriminalité dans l’Eglise : Qui est Marie Derain de Vaucresson en charge de l’indemnisation des victimes ?

RELIGIONUne catholique pratiquante, mais aussi juriste ayant dédié toute sa carrière à la protection de l’enfance
M.F avec AFP

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C’est elle que les évêques de France ont choisie pour tenter de réparer l’irréparable. Marie Derain de Vaucresson a été désignée par les 120 prélats réunis à Lourdes, pour être à la tête d’une « instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation », chargée d’instruire les demandes de victimes de pédocriminalité dans l’Eglise et de les indemniser.

Depuis lundi, cette fervente catholique, mais aussi haute fonctionnaire de 52 ans qui a dédié toute sa carrière de juriste à la protection de l’enfance doit traduire la pénitence de l’épiscopat en actes concrets. Une tâche qui s’annonce immense, après le séisme provoqué par le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), qui a recensé 330.000 victimes abusées sexuellement lorsqu’elles étaient mineures au sein de l’institution depuis 1950.

Une carrière entièrement dédiée aux droits des enfants

Pour les prendre en charge, Marie Derain de Vaucresson pourra s’appuyer sur une carrière entièrement dédiée aux droits des enfants. Après avoir grimpé les échelons au sein de la protection judiciaire de la jeunesse depuis la fin des années 90, elle a notamment occupé les fonctions de Défenseure des enfants entre 2011 et 2014, sous la houlette de l’ex-Défenseur des droits Dominique Baudis. Elle a ensuite rejoint le cabinet de Laurence Rossignol, l’ex-secrétaire d’Etat à la Famille et à l’Enfance sous François Hollande, où elle a participé à l’élaboration d’une loi de protection des enfants.

« La protection des enfants par le droit est sa spécialité, mais ce n’est pas une juriste sèche et dure, elle est profondément humaine, ce qui en fait une personne idéale pour écouter les victimes », confie son amie Claire Brisset, Défenseure des enfants entre 2000 et 2006. « Les blessures de l’enfance on peut les porter toute la vie, et elle est très sensible à cela », ajoute-t-elle.

Ancienne Guides de France

Catholique pratiquante, d’une « foi profonde » selon Claire Brisset, la juriste connaît les failles intimes de l’Eglise, de par son engagement de longue date chez les Scouts et Guides de France, dont elle a été vice-présidente. Elle a rejoint leurs rangs dès son adolescence en Bourgogne puis siégé au sein d’un comité éthique de l’organisation, notamment chargé des questions de violences sexuelles. Une expérience qui en fait aujourd’hui un tiers de confiance entre la hiérarchie catholique et les victimes.

« Depuis l’affaire Preynat en particulier, il n’y a pas un mois où je ne reçois pas de confidence de personnes victimes dans l’Eglise. Si je m’engage dans cette mission, c’est d’abord et avant tout pour elles », a-t-elle dit lundi au quotidien catholique La Croix.

Une femme « dévouée mais pas docile »

« C’est une femme avec des convictions, qui ne lâche rien. Elle sera dévouée mais pas docile, comme Jean-Marc Sauvé », le haut fonctionnaire qui a dirigé les travaux de la Ciase, estime Jean-Pierre Rosenczveig, l’ex-président du tribunal pour enfants de Bobigny, qui la côtoie professionnellement depuis plus de quinze ans. Ce magistrat à la retraite loue notamment son action comme secrétaire générale du Conseil national de la protection de l’enfance, où elle a « dénoncé les limites de la loi Schiappa de 2018 » contre les violences sexuelles sur les mineurs, qui ne considérait pas automatiquement les relations sexuelles entre un adulte et une mineure de moins de 15 ans comme un viol.

En choisissant cette fonctionnaire de l’Inspection générale de la justice, « l’Eglise montre qu’elle a entendu l’essentiel des recommandations du rapport Sauvé », estime Jean-Pierre Rosenczveig, membre de la Ciase.

Nommée à titre bénévole, Marie Derain de Vaucresson compte rapidement s’entourer de juristes, d’experts du corps médical spécialistes des abus sexuels, mais aussi de victimes. A Lourdes, les évêques ont promis qu’elle aurait « les moyens » de réaliser sa mission, qui va probablement durer plusieurs années. L’instance de réparation doit être financée par un fonds alimenté par la vente de biens immobiliers de l’Eglise, voire un emprunt si nécessaire.