Lyon : La traque des « Daltons » sera-t-elle suffisante pour enrayer les rodéos sauvages dans toute l’agglomération ?
DELINQUANCE•Narguées par les « Daltons », groupe de rappeurs lyonnais se livrant depuis des semaines à des rodéos sauvages, les autorités entendent répondre avec fermeté. Mais cela sera-t-il suffisant pour enrayer le phénomèneCaroline Girardon
L'essentiel
- Depuis quelques semaines, les « Daltons » sèment la panique à Lyon, défiant les forces de police à coups de rodéos sauvages.
- Les autorités répliquent pourtant avec fermeté : quatre conducteurs ont déjà été interpellés et seront jugés à la fin du mois.
- Le syndicat de police Alliance redoute que cela ne suffise pas à enrayer le phénomène global de rodéos.
Depuis quelques semaines, ils s’amusent à défier « Lucky Luke », ceux qu’ils appellent les « cow-boys », autrement dit les forces de l’ordre. Vêtus de leurs costumes rayés de Dalton, ils enfourchent leurs scooters ou motos pétaradantes pour narguer les autorités et rouler à vive allure entre les piétons de la place Bellecour de Lyon ou les voitures du centre-ville.
Adeptes des réseaux sociaux, les « Daltons », groupe de rap lyonnais, multiplient les vidéos pour vanter leurs exploits et venger en quelque sorte l’un de leurs camarades considéré comme le leader du groupe. Le rappeur Many GT incarcéré depuis le mois d’août pour avoir participé au tournage d’un clip contenant des rodéos sauvages.
« Apporter une réponse ferme et immédiate »
Tournées en dérision, les autorités ont mis un point d’honneur à traquer les fauteurs de troubles. Dénonçant des « comportements inacceptables », le parquet de Lyon a souhaité montrer sa détermination à « apporter une réponse ferme et immédiate ». Les policiers sont aux aguets. Sur le terrain, la réponse ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : quatre « Daltons » ont été interpellés ces dix derniers jours. Trois d’entre eux ont été arrêtés au cours du week-end du 23 octobre à l’issue d’une course-poursuite avec la police. Deux qui ne présentaient aucun antécédent judiciaire ont été placés sous contrôle judiciaire, le troisième en détention provisoire. Ils seront jugés le 26 novembre. Un quatrième a été cueilli le 30 octobre après une chute à moto et a été condamné mercredi à 8 mois de prison avec sursis.
« Des vraies enquêtes sont menées pour déconstruire cette structure. Tous les moyens sont cordonnés pour anticiper et empêcher leurs actions. Le problème c’est l’effet de groupe. On aura beau en arrêter certains, d’autres feront la même chose après par mimétisme », confie une source proche du dossier. Et d’ajouter : « On sait que ce sont des gamins de 18-20 ans, prêts à prendre le risque de se faire arrêter alors qu’ils savent très bien que d’autres sont tombés avant eux. »
« Pour une fois, la réponse pénale est là mais ce n’est pas toujours le cas »
Pierre Tholly, secrétaire régional du syndicat de police Alliance Auvergne-Rhône-Alpes, se montre un brin sceptique. « Je ne sais pas si cela permettra de régler le problème dans sa globalité car les rodéos ne sont pas un phénomène récent. Ils existent depuis longtemps. Les Daltons sont arrivés à ce qu’ils voulaient : faire parler d’eux, se faire de la pub pour pas cher. L’affaire est devenue emblématique. Pour une fois, la réponse pénale est là. C’est très bien. Mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a les Daltons, certes, mais il y en a d’autres… »
De son côté, la mairie de Lyon assure que la cellule rodéo déployée à l’été, ne chôme pas. Le parquet ajoute que le dispositif monte en régime : 9 personnes jugées en comparution immédiate pour s’être livrées à des rodéos urbains en 2019, 23 en 2020 et 35 sur la seule période de janvier à septembre 2021. « Depuis le début de l’année, le tribunal de Lyon a ainsi pu prononcer 22 peines d’emprisonnement dont 5 assorties d’un mandat de dépôt, rappelle Nicolas Jacquet, procureur de la République de Lyon. Des interdictions de territoire ont également été prononcées par le tribunal afin d’écarter des individus perturbateurs sur certaines communes ou territoires. »
« Les mesures mises en place sont très bien mais on verra le résultat avec le temps », nuance Pierre Tholly, convaincu qu’il aurait fallu « agir bien avant pour enrayer le phénomène ». « Si on avait envoyé un signal fort d’entrée de jeu, on n’aurait pas eu à gérer cette épidémie qui gagne désormais le centre-ville de Lyon, estime-t-il. Quand on est malade, on prend le bon remède pour se soigner. Mais des fois, il faut anticiper pour éviter de tomber malade et que les choses se compliquent. Là c’est pareil. »