SALAIRESPourquoi les femmes travaillent « gratuitement » plus tôt chaque année

Pourquoi les femmes travaillent « gratuitement » plus tôt chaque année

SALAIRESDepuis 2019, la date symbolique où les femmes commencent à travailler « bénévolement » jusqu’au 31 décembre en raison de l’écart de salaire moyen avec les hommes, avance d’un jour par an
Marie De Fournas

Marie De Fournas

L'essentiel

  • D’après le calcul annuel du collectif féminin Les Glorieuses, les femmes ont commencé à travailler « gratuitement » à 9h22 ce mercredi et ce jusqu’à la fin de l’année 2021.
  • C’est un jour et demi plus tôt qu’en 2020, où cette date symbolique arrivait déjà un jour plus tôt qu’en 2019.
  • Un constat qui laisse penser que la politique gouvernementale mise en place sur le sujet n’a pas l’air de fonctionner.

Cette année (encore) les femmes commencent à travailler « gratuitement » dès le mois de novembre. Depuis 9h22 ce mercredi très précisément. Une date et une heure symboliques calculées par le collectif féministe Les Glorieuses à partir des statistiques européennes Eurostat sur l’écart de salaire entre les femmes et les hommes en France. Un calcul réalisé chaque année depuis 2015 et dont le bilan est sans appel : la date tombe tous les ans un peu plus tôt et ce, malgré les récentes mesures mises en place par le gouvernement. Comment l’expliquer ? 20 Minutes fait le point.

Quels constats dresse le rapport sur l’année 2021 ?

Selon le rapport publié par Les Glorieuses mardi, la différence de salaires entre les femmes et les hommes en France atteint 16,5 % cette année. « On voit que ce chiffre gonfle par rapport au premier rapport que l’on avait rendu en 2016, date à laquelle l’écart était d’environ 15 % », se rappelle Rebecca Amsellem, économiste et rédactrice de la Newsletter des Glorieuses.

L’experte ne note toutefois pas que du négatif. « On sent toujours un engouement et une volonté de la part des Français et des politiques de résorber cette inégalité. C’est un sujet sur lequel on n’a pas besoin de convaincre les gens. »

Quelles mesures ont été mises en place par le gouvernement pour lutter contre les inégalités ?

La première loi concernant l’égalité salariale date de 1972. Elle pose le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » en contraignant les employeurs, du secteur privé comme du secteur public, à une égalité de rémunération entre femmes et hommes. Malgré cela, les écarts demeurent et le gouvernement a entrepris ces dernières années, une série de mesures pour tenter de les réduire.

En septembre 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est promulguée. Elle crée l’Index de l’égalité salariale Femmes-Hommes calculé à partir des rémunérations, augmentations, promotions, congés maternité, parité du top management. Depuis mars 2020, il est étendu aux entreprises d’au moins 50 salariés qui doivent le rendre public et le transmettre à l’inspection du travail. En cas de mauvais résultats non corrigés sous trois ans, elles s’exposent à des pénalités financières.

Le 9 mars 2020, à l’occasion de la journée des droits de la femme, le ministère de l’Economie et des Finances a présenté son 3e plan ministériel Egalité professionnelle Femmes-Hommes 2020-2022. Celui-ci doit notamment permettre de lutter « contre les stéréotypes pour favoriser la mixité des métiers », mais surtout favoriser « l’égalité salariale et l’égalité effective dans les parcours professionnels ».

Comment se fait-il que malgré tout, la date symbolique arrive plus tôt chaque année ?

Si en 2021 les femmes ont commencé à travailler gratuitement à 9h22 ce mercredi 3 novembre, en 2020 c’était à 16h16 le 4 novembre, soit un jour plus tard, mais aussi un jour plus tôt qu’en 2019 où ce jour symbolique était tombé à 16h46 le 5 novembre. Pour ce qui est des dates, Rebecca Amsellem souligne que la variation de nombre de jours ouvrés dans l’année peut avoir un impact. Il y a en revanche un chiffre qui reste bien comparable c’est le pourcentage d’écart de salaires entre les femmes et les hommes. Il était de 15,5 % en 2020 et de 15,4 % en 2019, contre 16,5 % cette année.

Si cette augmentation est difficile à expliquer pour Rebecca Amsellem, l’économiste souligne que les répercussions des mesures prisent par le gouvernement ne peuvent pas encore s’observer. « Tout simplement parce que les chiffres avancés par Eurostat ont été publiés en mars de cette année, mais sont basés sur des analyses de l’année dernière qui s’appuient sur des chiffres de 2019. Or à cette époque, cela ne faisait qu’un an que par exemple l’Index avait été mis en place. » Pour l’experte il faut donc attendre l’année prochaine, « voire l’année suivante », pour juger si la politique du gouvernement a un réel impact. Mais si Les Glorieuses considère ces actions comme « un bon début », le collectif féministe pense toutefois qu’elles ne sont « pas suffisantes »…

Comment enfin inverser la tendance ?

Dans leur rapport, le collectif Les Glorieuses propose de mettre en place trois mesures pour contraindre les entreprises à respecter l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. « On a regardé les politiques publiques des pays où les inégalités salariales étaient les plus faibles et on a choisi celles qui étaient les plus simples à transposer chez nous », explique Rebecca Amsellem.

La première consiste à appliquer comme en Islande, le principe d’éga-conditionnalité. C’est-à-dire à conditionner l’accès des entreprises « aux marchés publics, l’obtention des subventions publiques et celui des prêts garantis par l’Etat », au respect de l’égalité salariale au sein de leurs structures. Le collectif propose comme en Norvège de « revaloriser les salaires des emplois où les femmes sont les plus nombreuses », comme au sein du personnel soignant ou enseignant par exemple. Enfin, le collectif souhaite que les Français et les Françaises puissent jouir d’un congé maternité et d’un congé paternité de même durée, comme c’est le cas en Suède, pour que le congé maternité ne soit plus pénalisant pour les femmes.