« Le goût de la fête » est-il vraiment de retour dans les stations de ski des Alpes ?
REOUVERTURE•Tignes (Savoie) a ouvert son glacier au grand public le week-end dernier et Les 2 Alpes (Isère) vont suivre samedi pour les deux semaines de vacances de la Toussaint
Jérémy Laugier
L'essentiel
- Le ski alpin est officiellement de retour sur le glacier de Tignes (Savoie), où 1.200 pratiquants ont pu profiter le week-end dernier pour la réouverture.
- Après une saison intégralement sans remontées mécaniques en France, les stations des Alpes sont dans les starting-blocks « pour faire revivre leur village », à l’image des 2 Alpes, qui rouvrent pour les vacances de la Toussaint.
- Plusieurs initiatives vont être lancées, comme des cours de ski offerts et de nouveaux festivals programmés, afin de fêter au mieux cette première saison post-Covid-19.
Comme en octobre 2019, ils étaient 1.200 skieurs, le week-end dernier, à lancer la saison de ski en France sur le glacier de Tignes (Savoie). A plus de 3.000 m d’altitude, ils ont illustré « la très grosse attente de retrouver des remontées mécaniques ». Après une saison 2020-2021 blanche (ou noire, c’est selon) pour le monde du ski alpin en France, Stephie Dijkman, responsable marketing et commercial de Tignes Développement annonce clairement : « Avec cette année Covid-19, on a eu beau approfondir notre réflexion sur une diversification des activités durant les quatre saisons, ça reste le ski alpin qui nous fait vivre ». Avec par exemple déjà 50 % de remplissage pour Noël, Tignes constate une légère avance dans les résas en station par rapport à une saison classique du fameux « monde d’avant ».
Cette tendance optimiste pour toutes les périodes de 2021-2022 est constatée auprès de la plupart des domaines skiables. « On sent une vraie appétence pour le ski alpin, confirme Eric Bouchet, directeur de l’office de tourisme des 2 Alpes (Isère), qui ouvre ses pistes samedi pour les vacances scolaires. On n’a pas perdu de clients après cette année sans ski, bien au contraire. Au niveau de la clientèle française, nous sommes sensiblement partis sur les mêmes chiffres qu’en 2019. On sent que ça gratouille dans les pieds et on a hâte d’être à samedi, de retrouver tous nos saisonniers et ce glacier qui est un véritable stade d’entraînement permanent. »
« Les gens ont envie de se faire plaisir en réservant de grands apparts »
Les compétiteurs s’y entraînent en effet depuis plusieurs jours et s’apprêtent à côtoyer le grand public pour les deux semaines de vacances, avant une réouverture totale pour tous le 28 novembre. Huit jours plus tôt, Val Thorens sera comme toujours la véritable première station (sans glacier) à ouvrir dans toute l’Europe, à l’occasion de son traditionnel week-end de « Grande première ». Entre 2.500 et 3.000 personnes viendront à cette occasion essayer du matériel de ski mis à disposition.
« Nous sommes inondés d’appels à la centrale de réservation, constate Vincent Lalanne, directeur de l’office de tourisme de cette station savoyarde. Nous sommes en avance sur toute la saison, avec en moyenne déjà 58 % de remplissage assuré. On sent surtout que les gens ont envie de se faire plaisir en réservant des grands appartements. En même temps, les habitués des fins de saison ont carrément vécu deux années de frustration depuis le premier confinement de mars 2020. »
Un « frein » à venir avec la possible obligation du pass sanitaire ?
Dans la majorité des domaines skiables des Alpes, ça va surtout s’emballer à partir du 11 décembre. « Dès que l’enneigement sera suffisant pour nous permettre d’ouvrir, on ouvrira à tout prix, indique Nicolas Durochat, directeur de l’office de tourisme de la Vallée de Chamonix-Mont-Blanc. Il y a la question du modèle économique, mais cette saison, il y a surtout un désir pour tout le monde de rouvrir au plus tôt. »
La « réflexion en cours » au sein du gouvernement concernant l’obligation du pass sanitaire pour accéder aux remontées mécaniques, comme l’a annoncé mardi Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat chargé du Tourisme, reste une incertitude menaçante aux yeux des stations. « Nous avons déjà du mal à recruter des saisonniers, alors l’obligation de présenter un pass sanitaire pourrait nous rendre la tâche encore plus compliquée, confie Stephie Dijkman. Et puis pour notre clientèle internationale [dont 25 % de Britanniques], ça serait un frein aussi. » Co-directeur de l’école de ski et de snowboard Oxygène, Julien Favre résume le sentiment général.
« On rêve tous d’un monde sans pass sanitaire. Mais on ne peut pas passer au-dessus des lois de la République, même si on est à 2.000 m d’altitude. » »
Compliqué pour les stations « internationales » ?
Oxygène lance aussi sa saison samedi à Tignes, l’une des deux nouvelles stations (avec Serre Chevalier) investies par cette école comptant plus de 300 moniteurs. Une cinquantaine de réservations de cours de ski et de snowboard ont déjà été faites sur le glacier pour les vacances scolaires de la Toussaint. Mais comment cette saison, attendue comme salvatrice après la crise du coronavirus, s’annonce-t-elle ?
« Pour les stations non tournées vers une clientèle internationale, l’année s’annonce très bonne au vu des indicateurs de réservation, explique Julien Favre. Hormis sur les périodes des vacances scolaires françaises, ça devrait être plus mitigé pour les 12 stations attirant historiquement de nombreux étrangers. Au vu du contexte du Covid-19, on sait qu’on ne verra pas d’Australiens, de Brésiliens ou d’Israéliens cette saison ». Ça s’annonce compliqué aussi pour les Russes, les Américains et même les Scandinaves.
« Un beau cadeau pour les retrouvailles » à Chamonix
Un déficit de fréquentation en provenance de l’étranger que les stations comptent compenser avec différentes stratégies. Tignes est parti sur un enchaînement de rendez-vous culturels inédits, comme le Xplore Alpes Festival (films et conférences du 23 au 31 octobre), Ride the Snake (festival de snowboard) et la Tignes Freestyle Week « pour attirer une jeune clientèle ». Chamonix (Haute-Savoie) mise de son côté sur le lancement d’une grosse campagne de publicité jusqu’à Paris, Lyon et Strasbourg, pour annoncer des cours de ski collectifs offerts au grand public, en début d’année 2022, hors vacances scolaires.
« Comme on risque de perdre de gros marchés porteurs à l’international, on a cherché une offre forte au niveau national, confie Nicolas Durochat. C’est une manière de remercier les Français, qui nous ont bien soutenus, puisque notre fréquentation a été une belle surprise l’hiver dernier, même sans ski. Là, on sait qu’ils sont dans les starting-blocks donc on leur fait un beau cadeau pour les retrouvailles. »
Julien Favre nuance tout de même cet optimisme ambiant : « La force du montagnard, c’est la résilience et nous sommes clairement tournés vers l’avenir. On sent ce goût de la fête qui est de retour. Après, il y a un an, ça semblait impensable de voir tout un secteur économique ainsi fermé pour une saison complète. Donc même si tous les indicateurs sont au vert, on a appris à se méfier ».