Emploi : 300.000 offres sont-elles vraiment non pourvues chaque année ?
FAKE OFF•Le chiffre revient régulièrement dans le débat public depuis plusieurs années. Il correspond à l'ordre de grandeur estimé par Pôle Emploi mais englobe des situations diversesAlexis Orsini
L'essentiel
- Invité de la matinale de LCI, lundi 27 septembre, Geoffroy Roux de Bézieux a été interrogé sur le nombre d'emplois non pourvus chaque année en France.
- Selon le patron du Medef, le chiffre de 300.000 offres serait « sous-estimé ».
- 20 Minutes s'est penché sur la question.
Combien d'offres de recrutement de Pôle Emploi ne trouvent aujourd’hui pas de candidat ou de candidate à l'embauche en France ? C’est ce qu’a souhaité savoir la journaliste Elizabeth Martichoux, lundi 27 septembre, qui recevait Geoffroy Roux de Bézieux dans la matinale de LCI : « 300.000 emplois seraient non pourvus, d’après Pôle Emploi. C’est une estimation qui vous semble réaliste ? »
En réponse, le président du Medef (Mouvement des entreprises de France) a estimé que la réalité de ce chiffre, qui « tourne selon lui depuis vingt ans », était supérieur à 300.000 emplois : « Je pense que c’est sous-estimé parce qu’il y a beaucoup d’autocensure de recrutement, beaucoup de patrons de petites boîtes qui se disent "de toute façon je ne vais pas trouver donc je ne recrute pas". »
Sans remonter jusqu’à deux décennies en arrière, cette question prête en tout cas à débattre depuis plusieurs années, comme en témoignent nombre d’articles récents.
FAKE OFF
De Capital en 2015 (« Pourquoi près de 300.000 d’offres d’emploi ne trouvent pas preneurs ») à Ça m'intéresse en 2012 (« Chômage : combien y a-t-il d’emplois non-pourvus en France ? »), en passant par France Info en 2018, ce chiffre a la peau dure.
Début septembre 2021, Jean Castex remettait une pièce dans la machine en déplorant le « gâchis » que représenteraient les « 300.000 emplois à pourvoir » selon la Banque de France.
« Il est compliqué de savoir ce qu’englobent les chiffres [évoqués par Geoffroy Roux de Bézieux], et il faudrait plutôt se demander en quoi consiste une offre de recrutement abandonnée. Elle peut être retirée parce qu’elle a été pourvue ailleurs si elle a été postée en double, ou encore avoir été pourvue mais rester en ligne par défaut d’actualisation… », tempère Hadrien Clouet, sociologue à l’université Toulouse-Jean Jaurès spécialisé dans les questions d’emploi, du sous-emploi et du chômage.
« Les employeurs manquent de temps, de personnel et de moyens financiers pour recruter »
« La véritable question à se poser, quand un recrutement est abandonné, c’est de savoir pourquoi il l’a été. Ces recrutements sont souvent difficiles parce que les employeurs manquent de temps, de personnel et de moyens financiers pour recruter », poursuit Hadrien Clouet. Dans l'édition 2021 de l’enquête « Besoin de main-d’œuvre » réalisée annuellement par Pôle Emploi, le « manque de moyens financiers » était ainsi avancé par 22,8 % des établissements recruteurs parmi les difficultés de recrutement qu’ils « pensent rencontrer ».
« La pénurie de candidats reste la principale difficulté de recrutement pour 77 % des recruteurs potentiels, devant l’inadéquation des profils, citée par 75 % des employeurs », détaille en outre le rapport, alors que seulement 58 % des recruteurs interrogés envisagent de « rendre l’offre d’emploi plus attractive, [d'] améliorer les conditions de travail » pour résoudre ces difficultés.
Entre 210.000 à 350.000 recrutements abandonnés sur une année
La dernière enquête en date de Pôle Emploi sur les « offres pourvues » et « les abandons de recrutement » sur l’année 2018 permet d’y voir un peu plus clair. Sur 3,2 millions d’offres déposées, 2,9 millions avaient ainsi été pourvues, 112.000 recrutements annulés (pour « disparition du besoin » ou « budget indisponible »), 154.000 abandonnés faute de candidats, et 74.000 se poursuivaient encore.
Et Pôle Emploi d’estimer, selon une « extrapolation à l’ensemble des recrutements sur le territoire national », que « 210.000 à 350.000 recrutements sont abandonnés sur une année », principalement parmi les très petites entreprises (de moins de 10 salariés), les postes d’ouvriers et dans le secteur de l’industrie.