Le gaz hilarant, prisé des ados, ne fait pas rire les autorités

Paris : Le gaz hilarant, prisé des ados, ne fait pas rire les autorités

PROTOXYDE D'AZOTELa consommation de gaz hilarant chez les adolescents ou les jeunes adultes a fortement augmenté ces dernières années, avec de multiples conséquences
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • La consommation de protoxyde d’azote, un produit qui provoque une ivresse courte mais intense a fortement augmenté chez les plus jeunes.
  • Sa consommation peut entraîner des troubles neurologiques mais également des conduites à risque et des accidents.
  • Comment lutter contre un produit légal et qui pourtant, lorsque son usage est détourné, peut avoir des conséquences dramatiques ?

C’était mardi dernier, sur les Champs-Elysées. Une automobiliste d’une vingtaine d’années perdait le contrôle de son véhicule et heurtait de plein fouet quatre piétons qui patientaient sur le terre-plein central d’un passage protégé. Trois d’entre eux ont été transportés en urgence absolue à l’hôpital. Selon les premiers éléments de l’enquête, la jeune femme venait d’inhaler du « protoxyde d’azote », du gaz hilarant désormais surnommé « proto ». « Son cerveau a lâché, a confié la passagère du véhicule à nos confrères de France 2. Elle n’avait plus assez d’oxygène, du coup elle n’était plus consciente. Son pied a accéléré et moi j’ai pris le frein à main pour arrêter la voiture. »

Vendredi, tribunal correctionnel de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. A la barre cette fois, deux jeunes hommes soupçonnés de se livrer à du trafic de gaz hilarant. Lors de leurs interpellations, 1.218 bouteilles de protoxyde d’azote ont été découvertes ainsi que des dizaines de mini-siphons et des ballons de baudruche pour l’inhaler, des « kits » prêts à l’emploi en somme. Les deux affaires ne sont pas liées mais témoignent d’un phénomène qui inquiète de plus en plus les autorités. « A Paris, les matinées de week-ends, les trottoirs des Champs-Élysées sont jonchés de centaines de capsules et la présence de jeunes surexcités circulant sur des trottinettes témoigne de l’usage croissant de ce produit », indique-t-on au sein de la préfecture de police de Paris, qui précise que de pareilles scènes sont constatées dans tous les quartiers festifs de la capitale mais également en petite couronne.

« Ça concerne principalement les mineurs »

Quelle est l’ampleur du phénomène ? Impossible à dire car ce gaz, qui sert généralement pour les siphons de chantilly, est vendu légalement dans tous les supermarchés ou sur Internet. « On a commencé à observer un usage détourné il y a deux ou trois ans, estime Yvan Assioma, secrétaire Ile-de-France du syndicat policier Alliance. Ça concerne principalement les mineurs ou les jeunes adultes dans un contexte festif. » Détourné de son usage, le produit est pourtant loin d’être anodin. En avril dernier, l’agence régionale de santé d’Ile-de-France a émis une note à destination des professionnels pour rappeler ses dangers. Troubles neurologiques graves allant parfois jusqu’à la paraplégie, anxiété, anémie, maux de tête réguliers, brûlures liées à l’explosion de bonbonnes… Et l’agence sanitaire d’insister : « la récupération peut être incomplète, des séquelles sont possibles. »

Un premier pas a été fait au mois de juin avec l’adoption d’une loi réservant la vente de ce produit aux majeurs. « Le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommations courantes pour en obtenir des effets psychoactifs » peut-être puni d’une peine de 15.000 euros. Dans les faits, il suffit de cocher sur Internet la case « majeur » pour se procurer des petites bonbonnes. D’autant que cette loi, note la préfecture de police de Paris, « ne permet pas d’agir à l’encontre des consommateurs, majeurs comme mineurs, qui en font usage sur la voie publique ou au volant d’un véhicule ». Impossible donc de soumettre les automobilistes à des dépistages, comme c’est le cas pour l’alcool ou la consommation de cannabis.

Accidents de la circulation

Pour l’heure néanmoins, le lien entre la consommation de gaz hilarant et la délinquance reste difficile à établir. « La plupart des faits constatés concernent des accidents de la circulation ou des conduites à risque », assure Yvan Assioma. De l’aveu même des autorités, les affaires impliquant des personnes ayant inhalé du protoxyde d’azote sont relativement rares. Quelques bagarres ou faits de violences. En mars, par exemple, une adolescente s’est réfugiée au commissariat du 14e arrondissement, dénonçant des violences de la part de son petit ami qui venait d’en consommer. « Parler de lien direct, dans les quelques dossiers où le produit a été cité, entre consommation et commission d’infraction demeure pour l’heure audacieux », insiste la préfecture de police.