Inceste : La commission lance un appel à témoigner pour les victimes et leurs proches
VIOLENCES SEXUELLES•La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) lance mardi, à 10 heures, une plate-forme téléphonique pour recueillir la parole des victimes et de leurs proches20 Minutes avec AFP
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) va lancer, mardi, un appel à témoignages pour écouter les victimes d’agressions sexuelles dans l’enfance, parfois murées dans le silence depuis des années, et s’inspirer de leur parole pour formuler une politique qui protégera les enfants.
La commission lance mardi, à 10 heures, une plate-forme téléphonique pour recueillir la parole des victimes et de leurs proches, souvent soumis à l’omerta imposée par l’agresseur.
L’affaire Duhamel en fond
« Les pédopsychiatres, les psychologues signalent que les enfants victimes de violences sexuelles souvent se dessinent sans bouche. Nous, nous disons aux victimes : vous êtes écoutées et comprises, votre parole est crue, elle va permettre de construire une politique publique », explique le juge Edouard Durand, coprésident de la Ciivise et juge des enfants pendant 17 ans.
La Ciivise a été lancée en janvier dans le sillage de la publication de La familia grande, de Camille Kouchner, qui accusait son beau-père le politologue Olivier Duhamel de viols sur son frère jumeau. Le livre de la fille de l’ex-ministre Bernard Kouchner avait provoqué une onde de choc, entraînant des milliers de témoignages sur les réseaux sociaux sous le mot-dièse #MeTooInceste.
Des recommandations pour 2023
Parce qu’elles ne parlent pas, les victimes se sentent seules. Or, selon l’enquête nationale Virage de 2015, 14,5 % des femmes et 4 % des hommes ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie. Plus de la moitié des femmes et deux tiers des hommes ont subi ces violences avant 18 ans. « On est là. On vous écoute. On vous croit. Et vous ne serez plus jamais seules. (…) La honte aujourd’hui change de camp », avait déclaré en janvier le président Emmanuel Macron, se réjouissant que « la parole, partout en France, se libère » et promettant « d’adapter notre droit pour mieux protéger les enfants ».
Coprésidée par Nathalie Mathieu, directrice générale de l’association Docteurs Bru, la Ciivise, placée sous l’égide du secrétariat d’État chargé de l’Enfance, est composée de magistrats, avocats, membres des forces de l’ordre, chercheurs, psychologues ou pédiatres. Elle a pour mission de recueillir la parole des victimes d’inceste, de mieux connaître l’ampleur et les ressorts du phénomène, et de formuler à l’horizon 2023 des recommandations pour l’action publique.
Trente ans pour parler
La Commission a entendu des victimes d’inceste depuis le début de ses travaux en mars. « Les personnes qui parlent le font pour elles-mêmes, et aussi pour que, aujourd’hui et demain, les enfants soient protégés et puissent grandir en sécurité. Elles nous ont dit : "vous n’imaginez pas le bien que cela me fait que ma parole soit reçue par une instance publique" et "Je ne veux pas que d’autres enfants subissent ce que j’ai subi" », explique le juge Durand.
« La difficulté de parler, j’en connais le poids : il m’a fallu 30 ans pour en parler à ma famille. Ils ne m’ont pas cru et m’ont exclu », explique Laurent Boyet, victime de viols par son frère aîné entre l’âge de six et neuf ans. « Je me suis cru seul parce que je ne parlais pas. Plus vite on parle, plus vite on pourra se reconstruire », ajoute ce membre associé de la Ciivise. A partir du 20 octobre, les membres de la Commission Inceste iront tous les mois dans le pays à la rencontre des victimes et sensibiliseront la population, en organisant des réunions publiques, et en consultant des professionnels, juges, médecins, services sociaux, forces de l’ordre, institutions, à la recherche de « bonnes pratiques » pour aborder ces problèmes.