FORCES DE L'ORDREÀ la veille de sa clôture, quel bilan tirer du « Beauvau de la sécurité » ?

« Beauvau de la sécurité » : À la veille de sa clôture, quel bilan tirer de cette consultation ?

FORCES DE L'ORDREEmmanuel Macron est attendu ce mardi à Roubaix (Nord) pour un discours de clôture, au cours duquel il doit annoncer la création d'un « organisme indépendant » pour contrôler les forces de l’ordre
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • En pleine polémique après l’affaire Michel Zecler, un producteur de musique noir molesté en novembre 2020 à Paris, Emmanuel Macron avait reconnu l’existence de contrôles au faciès et des violences de la part de certains policiers.
  • Des propos qui avaient suscité la colère des syndicats de police à laquelle le « Beauvau de la sécurité » devait répondre en partie.
  • Lancée le 1er février 2021, cette consultation organisée autour de thématiques doit se clôturer ce mardi avec un discours du chef de l’Etat. Il doit annoncer la création d'un « organisme indépendant » pour contrôler les forces de l’ordre.

Pour Emmanuel Macron, il y avait « urgence à agir ». Convoqué par le chef de l’Etat à la fin de l’année 2020 pour déminer une situation explosive après l’affaire Michel Zecler mettant en cause des policiers parisiens, le « Beauvau de la sécurité » arrive à son terme ce mardi. Pour l’occasion, le président de la République se rendra à l’Ecole nationale de police de Roubaix, où il doit annoncer un « renforcement du contrôle de l’action des forces de l’ordre » grâce à la crértion d'« un organisme indépendant ».

Lancée officiellement en février dernier, cette concertation articulée autour de huit chantiers thématiques – maintien de l’ordre, risques psychosociaux, relation entre police et population ou avec la justice – devrait nourrir une future loi de programmation et d’orientation de la sécurité intérieure. Sept mois après les premiers échanges entre syndicats, membres de la hiérarchie policière et associations, quel bilan peut-on tirer de ces débats ? 20 Minutes fait le point.

Une écoute saluée

Acteurs centraux de ces tables rondes, les représentants syndicaux des forces de l’ordre saluent « l’écoute » qui leur a été accordée tout au long de cette concertation. « On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de dialogue social et que le ministère de l’Intérieur n’a pas mis les moyens nécessaires. Je n’ai jamais été autant reçu à Beauvau que ces sept derniers mois », sourit Grégory Joron, secrétaire général d’Unité-SGP Police. « Certaines tables rondes ont libéré la parole. En tout cas, nous, on ne s’est pas privé pour la prendre », abonde le secrétaire national du syndicat des commissaires de police, David Le Bars.

C’est aussi ce que retient Christophe Girard, le vice-président et porte-parole de Pep’s. Son association – née d’un simple groupe Facebook – propose conseils et soutien moral aux policiers qui traversent une crise suicidaire. « Jusqu’à présent, on parlait de risques psychosociaux mais pas de suicides, comme s’il y avait un déni, un tabou. Pendant notre table ronde, on a senti une prise de conscience et une écoute active », salue le policier.

Sur la forme toutefois, tous déplorent la durée limitée de certains échanges. « En trois heures, on ne refait pas le sort de la police et de la gendarmerie. Mais le Beauvau a quand même eu le mérite d’exister », poursuit David Le Bars. Conscients des enjeux électoraux à venir à quelques mois de la présidentielle, les deux syndicalistes attendent des mesures concrètes et structurelles pour réformer l’organisation policière. « Sur le volet managérial, au-delà des annonces, on espère qu’il y aura un véritable changement de paradigme », plaide Grégory Joron. « On a suffisamment réfléchi, maintenant il est de temps de passer à l’action avec des décisions ambitieuses et courageuses. Si ça fait « Pschitt » et qu’on se retrouve seulement avec une déclaration d’amour du Président, on se demandera à quoi tout ça aura servi », tranche David Le Bars.

Un « entre-soi » vivement critiqué

Du côté des associations antiracistes, le bilan est bien plus critique. La LDH (Ligue des droits de l’Homme) comme SOS Racisme dénoncent « l’entre-soi » et le « corporatisme » de cette concertation. Pour le président d’SOS Dominique Sopo, « la question du racisme a été totalement évacuée du Beauvau » : « J’avais personnellement demandé à être reçu lors de la table ronde dédiée à la relation police-population mais cela m’a été refusé. Sur ce thème, il n’y a pas eu de dialogue avec la société civile », regrette le militant.

L’absence de représentants syndicaux de magistrats lors des débats consacrés aux liens entre police et justice est également pointée. « On ne souhaitait évidemment pas assister à toutes les tables rondes, mais on a trouvé dommage qu’aucun représentant des personnels de justice ne puisse répondre aux attaques de certains policiers », confie à 20 Minutes Ludovic Friat, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats (USM). Face aux critiques des syndicats de police qui dénonçaient un supposé laxisme de la justice à l’égard des agresseurs des forces de l’ordre, c’est le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti qui a tenté de défendre l’action de la Chancellerie et de ses personnels.

Pour Dominique Sopo, ces absences expriment « une logique policière, qui consiste à estimer d’emblée que toute personne extérieure au corps policier est illégitime pour donner le moindre avis sur la profession », analyse-t-il. Son homologue à la tête de la LDH, Malik Salemkour dit, lui, ne pas « désespérer » : « Peut-être qu’Emmanuel Macron retiendra malgré tout certaines de ses annonces faites en décembre 2020 sur la transparence de l’activité policière ou les possibilités de recours en cas d’abus. On l’espère en tout cas. »