Météo : Un été 2021 « pourri » ? « Non, c’est une légère pause dans le réchauffement climatique »
POURRI OR NOT POURRI•Si l’été a été marqué par des précipitations abondantes sur la moitié nord de l’Hexagone, la moyenne des températures estivales est en hausse de 0,5 degréAnissa Boumediene
L'essentiel
- Beaucoup de Français disent adieu à l’été 2021 avec le sentiment que la météo estivale a été très maussade.
- De juin à août, l’Hexagone a bien connu davantage de précipitations que les étés précédents. Mais côté températures, l’été s’achève sur une hausse moyenne de 0,5 degré.
- Un effet net du réchauffement climatique, l'été 2021 étant « le quinzième le plus chaud enregistré depuis 1900 », explique Paul Marquis, météorologue.
Une impression d’automne. De la pluie, du ciel gris et des températures plutôt fraîches. Pour beaucoup de Français – ceux qui ne vivent pas dans le Sud –, s’il fallait résumer, on a eu un « été pourri ». « Oui et non, cela dépend évidemment de l’endroit de France où on a passé son été. Il y a eu de fortes disparités locales », indique Paul Marquis, météorologue indépendant et fondateur du site E-Meteo Service. Mais, selon le bilan de l’été présenté mardi par Météo France, cette sensation n’est pas qu’une vue de l’esprit : il a plu davantage et, logiquement, et le soleil, lui, a joué à cache-cache.
Mais côté températures, s’il a fait frisquet dans la moitié nord de l’Hexagone, l’été météorologique – qui court de juin à août – s’achève sur un thermomètre à la hausse, avec en moyenne 0,5 degré de plus que les moyennes de référence. Alors, pourri, exceptionnel ou juste normal : comment qualifier l’été météo 2021 ?
Un été particulièrement pluvieux et moins ensoleillé
Pour les frileux de la moitié nord du pays, cet été, on a quand même davantage sorti les gros gilets et le parapluie que les tongs. « L’été a effectivement été marqué par les pluies, avec un excédent de précipitations de l’ordre de 23 % sur l’été, confirme Paul Marquis. Mais la répartition de ces pluies varie, il a plu beaucoup plus dans le nord du pays (+40 %), avec +30 % de précipitations sur Paris cet été, mais -60 % sur Marseille, ou encore -20 % sur Perpignan et même -90 % sur Ajaccio ».
Dans le détail, c’est le mois de juin qui a été le plus arrosé, avec 54 % de précipitations en plus que la moyenne, devant le mois de juillet (+49 %), là où le mois d’août accuse un déficit pluviométrique (-40 %), selon les chiffres de Météo France. Résultat : 2021 est « l’été le plus humide enregistré depuis 2014 » par rapport à la normale de référence des cumuls de précipitations observés de 1981 à 2010 (+40 %), et s’accompagne « d’un nombre de jours de pluie excédentaire, à la fois sur la façade ouest et est du pays », précise Météo France.
Et logiquement, celles et ceux qui ont davantage reçu de pluie ont moins vu le soleil. Si le mois de juin s’est maintenu, « le déficit est très marqué en juillet sur le Centre-Est et le Sud-Ouest, et en août sur le Nord-Est », relève Météo France. Mais « à l’échelle nationale, l’ensoleillement n’est déficitaire que de 10 %, ce qui n’est pas catastrophique », ajoute Paul Marquis.
L’été le plus froid et humide depuis 2014
Côté températures, « l’été n’est pas pourri, assure Paul Marquis. A l’échelle nationale, sur les trois mois d’été météorologique, on a un excédent de 0,5 degré sur la saison. Et si on regarde mois par mois à l’échelle nationale, on a +2 degrés en juin, -0,1 degré en juillet et -0,3 en août. Mais là encore, il y a des disparités locales : dans le nord de la France, on est à +0,1/0,2 degré alors que dans le Sud est à +0,7 degré en moyenne sur l’été ». Ainsi, le 31 juillet ont été enregistrés des « records mensuels de températures maximales basses dans le Sud-Ouest, où il a fait environ 15 degrés », souligne Météo France. Et qui ont donné le ton de la première décade d’août, marquée par une météo « fraîche et perturbée ».
Des températures pas folichonnes qui font de 2021 l’été le plus froid et humide depuis 2014. En cause, « le phénomène de "goutte froide" en provenance du nord-ouest du globe a apporté des précipitations et causé des inondations catastrophiques en Allemagne, en Belgique et aux Pays Bas, du jamais vu dans ces pays-là », explique Paul Marquis. Et « si les Français ont l’impression qu’il a très fait moche, c’est parce que depuis 2015, on a eu une série d’étés très chauds et secs, totalement au-delà des moyennes de saison, insiste le météorologue. Le grand public a – à tort – pris pour référence des étés qui, sur le plan météo, étaient exceptionnels, et pas du tout dans la norme ». Même si en juillet comme en août, le thermomètre a plusieurs fois dépassé les 40 degrés dans le Sud-Est, frappé par de violents incendies. Et que le Pic du Midi a connu dans la nuit du 13 au 14 août sa « deuxième nuit la plus chaude avec une minimale de 14,5 degrés (mesures depuis 1881) », ajoute Météo France.
« Une pause dans le réchauffement climatique »
Bilan des courses, « on a eu un été certes pluvieux, mais relativement normal, estime Paul Marquis. Dans les années 1990, l’été 2021 aurait été jugé normal, presque beau. Mais les gens ont intégré l’idée du réchauffement climatique, et se figurent que désormais, tous les étés doivent s’accompagner de températures élevées. Or, l’été 2003 reste celui d’une canicule exceptionnelle. En outre, malgré l’impression de temps maussade, cet été 2021 est le quinzième le plus chaud enregistré depuis 1900 », souligne le météorologue, pour qui « la sensation d’été pourri ne se justifie donc pas ».
Avec son demi-degré supplémentaire, l’été 2021 « s’inscrit globalement à la hausse dans le contexte du réchauffement climatique », a indiqué mardi Matthieu Sorel, climatologue à Météo France. « Une étude récente montre ainsi que, à cause du réchauffement climatique, plus les températures globales augmentent, plus il fait humide : les précipitations s’accumulent davantage à chaque demi-degré supplémentaire, [ce qui] décuple les risques d’orages violents et pluvieux comme a pu connaître l’Europe de l’Est cet été ».
Au final, « on pourrait analyser cet été comme une légère pause dans le réchauffement climatique, mais on pourrait le payer au prix fort les étés à venir, craint Paul Marquis. L’été prochain pourrait même être pire que celui de 2003 ou de 2016. Finalement, on a eu de la chance, pour nos organismes comme pour la nature, de ne pas avoir un été caniculaire. Car il est peu probable que ce scénario se reproduise l’été prochain, puisqu’il y a statistiquement deux fois plus de risques que les étés à venir ressemblent à la canicule de 2003. »