Pass sanitaire : « Certains se défoulent sur nous », « visiteurs compréhensifs »... Les contrôleurs racontent leur quotidien
VOUS TEMOIGNEZ•Face à un pass sanitaire, assez controversé, devenu obligatoire dans nombre de lieux publics, « 20 Minutes » a donné la parole à celles et ceux qui contrôlent depuis peu le précieux sésameOihana Gabriel
L'essentiel
- Depuis le 21 juillet pour certains lieux culturels et depuis lundi dernier pour certains centres commerciaux, de nouveaux contrôleurs ont fait leur apparition.
- En effet, avec l’obligation du pass sanitaire imposé dans de nombreux lieux publics, beaucoup d’agents de sécurité ou d’étudiants sont devenus des flasheurs de QR code.
- Si certains saluent la bienveillance des visiteurs, d’autres reconnaissent que l’agressivité de certains les affecte.
Certains employés de lieux culturels ont dû se transformer en videurs du jour au lendemain. Quand d’autres lieux recrutent à tour de bras des étudiants pour vérifier les pass sanitaires des patients devant les hôpitaux. Depuis l’obligation de montrer patte blanche ou plutôt QR code vert pour se faire une toile, chanter dans un festival depuis le 21 juillet, monter dans un train ou entrer à l’hôpital depuis le 9 août et faire son shopping dans un grand magasin depuis lundi, un nouveau métier semble recruter : contrôleur de pass sanitaire. Comment vivent-ils au quotidien cette nouvelle mission ou ce job d’été ? 20 Minutes leur a donné la parole.
« Beaucoup de mal pour nous qui souhaitons favoriser l’accès à la culture pour tous »
Anaïs, 30 ans, n’a pas vraiment apprécié de devenir contrôleuse. Mais son musée n’ayant pas pu embaucher une équipe spécifique, « notre directrice nous a expliqué la situation, le fonctionnement de l’application, et à nous de nous débrouiller ». En effet, les restaurateurs, barmen, équipes d’accueil des lieux culturels doivent depuis quelques semaines demander aux visiteurs de montrer leur QR code, soit en papier, soit sur l’application TousantiCovid. Les contrôleurs s’assurent avec l’application TousAntiCovid Verif que ces derniers sont valides. Vert quand tout est ok, rouge si ce n’est pas le cas.
« La première semaine fut terrible psychologiquement pour nous, avoue Anaïs. Malgré le comportement très compréhensif des visiteurs, nous avions beaucoup de mal à leur demander leur pass pour pouvoir accéder à une exposition, nous qui souhaitons favoriser l’accès à la culture pour tous ! Nous arrivons maintenant à le demander plus sereinement, mais c’est extrêmement compliqué pour nous de devoir leur refuser l’entrée lorsqu’ils n’ont pas leur pass sanitaire. Côté visiteurs, heureusement ceux-ci ont toujours été compréhensifs à ce jour. »
Même écho du côté d’Hugo, un jeune homme qui travaille à l’accueil d’un cinéma parisien. En quelques secondes, il jette un œil aux pass des cinéphiles. « Globalement, ça se passe bien avec le public, assure-t-il. Après, c’est un peu absurde car je ne contrôle pas de pièce d’identité… » Isabelle, 58 ans, gère un cinéma indépendant en Indre-et-Loire. Et pour elle aussi, les choses se déroulent sans encombre. « Nos spectateurs sont plutôt amusés de la simplicité de la chose, confie cette internaute. L’application est installée sur un smartphone sans carte SIM, ni connexion Internet et cela a plu aux bénévoles. Et l’arrêt du port du masque pendant les séances est très apprécié par les spectateurs. » En effet, dans certains cinémas, mais pas la totalité, le masque n’est plus obligatoire depuis l’entrée en vigueur du pass.
Trier consultations sur rendez-vous et urgences devant les hôpitaux et cliniques
Si du côté des loisirs culturels, selon nos témoignages, les difficultés semblent rares, c’est une autre paire de manches quand les contrôles se déroulent devant les hôpitaux. Pas évident d’expliquer à des familles inquiètes ou des patients en souffrance qu’ils doivent être munis du précieux sésame avant de parler à un médecin. Floriane, 20 ans, a été recrutée spécifiquement pour contrôler les pass sanitaires devant une clinique depuis le 9 août, avec sept autres jeunes. Tous ont été formés lors d’une courte réunion d’information, pour connaître le fonctionnement de l’application. « On accueille toujours les patients en étant poli et cordial, on leur demande s’ils ont rendez-vous ou s’ils viennent pour une urgence et on demande systématiquement le pass sanitaire sauf pour ces dernières. » En effet, si le précieux document est devenu obligatoire dans tous les hôpitaux et cliniques, il ne concerne pas les urgences.
« On est un peu un défouloir pour les gens pas contents »
« On se retrouve avec des gens très compréhensifs, qui nous le montrent volontiers parce qu’ils savent qu’ils n’ont pas le choix et qui nous souhaitent bon courage, d’autres qui sont totalement indifférents et qui nous décrochent à peine un bonjour. Et d’autres, plus problématiques, qui deviennent rapidement irrités et désagréables, bien qu’on leur dise qu’on ne fait que suivre les consignes qu’on nous donne… On est un peu un défouloir pour les gens pas contents, mais la majorité des gens sont soit indifférents, soit vraiment très gentils avec nous, et ça redonne du baume au cœur. On a aussi des gens qui ne paraissent absolument pas au courant que le pass sanitaire existe… Soit ils vivent dans une autre réalité, soit ils ont un bon jeu d’acteur ! », ironise la vingtenaire.
Si pendant la première semaine, la souplesse était de mise, depuis lundi, les choses se corsent. « C’est compliqué parfois de demander aux personnes qui accompagnent les patients ou qui viennent les chercher après une opération d’attendre dehors qu’ils sortent, de refuser les visites aux patients sans dérogation d’un médecin… On a eu des personnes vraiment agressives avec nous, qui nous demandent avec condescendance si "nous, les jeunes, on était vaccinés au moins ?". Evidemment, ça serait un comble… »
Floriane n’est pas forcément aidée quand de petits bugs empêchent des personnes détentrices du pass sanitaire d’obtenir leur feu vert. « Parfois, l’application ne marche pas à 100 %, on a parfois du mal à bien capter le QR code sur les feuilles quand elles sont pliées, quand l’impression n’est pas de bonne qualité, et même sur les téléphones on n’arrive parfois pas à les scanner, donc on lit nous-mêmes les informations. Donc il est possible qu’on ait eu des faux QR codes… »
Il semblerait que tous les contrôleurs ne soient pas forcément très regardants, ni très en accord avec cette nouveauté qui divise la société française. François*, 26 ans, a pris sa casquette de contrôleur à contrecœur. « Je suis non vacciné et antivax, mais j’ai accepté ce boulot car j’avais vraiment besoin d’argent et que je galère pour trouver du travail. J’ai déjà laissé passer un mec qui avait un prénom féminin sur son pass sanitaire… Un contrôleur de pass sanitaire n’est pas forcément un pro pass. »
* Le prénom a été modifié.