Pourquoi le problème des étudiants sans master ne cesse de s’accentuer

Pourquoi le problème des étudiants sans master s'est accentué ces dernières années

ENSEIGNEMENT SUPERIEURDans son rapport annuel rendu public ce mardi, la médiatrice de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur souligne l’ampleur du phénomène
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • En 2020, 287 saisines de la médiatrice de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur concernaient la non-affectation en master. Des réclamations qui ont presque triplé depuis quatre ans.
  • Ce constat rejoint les nombreux témoignages émis ces dernières semaines sur Twitter, sous le hashtag #EtudiantsSansMaster.
  • Mais la situation des « sans masters » pourrait s’améliorer un peu. Notamment parce que Frédérique Vidal a annoncé la création de 4.000 places pour la rentrée prochaine.

«Aujourd’hui, malgré l’obtention de mon diplôme, je n’ai reçu aucune proposition d’admission. Pourriez-vous s’il vous plaît m’aider à intégrer un master de droit international ? ». Voilà un courrier reçu par la médiatrice de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, Catherine Becchetti Bizot, de la part d’un étudiant de licence n’ayant obtenu aucune inscription en master.

C’est loin d’être le seul du genre. En 2020, elle en a reçu 287 sur ce thème, selon son rapport annuel rendu public ce mardi. Et depuis quatre ans, le nombre de saisines de la médiatrice à propos de l’affectation en master a presque triplé (+ 287 %). « Elles concernent notamment des filières en tension, comme la psychologie et le droit, et sont plus nombreuses en Ile-de-France (30 % des 287 saisines) », observe Catherine Becchetti Bizot. Un constat qui rejoint les nombreux témoignages émis ces dernières semaines sur Twitter sous le hashtag #EtudiantsSansMaster.

Lors d’une récente conférence de presse, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal a d’ailleurs reconnu le problème, déclarant qu’en 2020, sur 170.000 candidats en master, « entre 2.000 et 3.000 » recours d’étudiants sans solution avaient été enregistrés dans les différents rectorats pour réclamer leur droit à la poursuite d’études. Un document issu de comité de suivi « trouver mon master », piloté par le ministère de l’Enseignement supérieur et que 20 Minutes a pu consulter, évoque, lui, 7.100 saisines du rectorat en 2020.

« Ils se sentent rejetés par le système »

Cette situation tendue s’explique d’abord par la forte sélectivité des masters et par le nombre de places limitées qu’ils offrent. En parrallèle, les effectifs d’étudiants ayant obtenu une licence ont augmenté depuis trois ans, sous l’impulsion de la hausse démographique des étudiants. Le taux de réussite en licence a aussi été plus élevé en 2020, en raison de la bienveillance des enseignants, qui ont pris en compte la situation sanitaire. Ce qui a généré « un goulet d’étranglement difficile à desserrer », commente la médiatrice.

Les universités étant autonomes, chacune a son calendrier de sélection en master, ce qui crée aussi des complications : « Les étudiants doivent attendre d’avoir reçu plusieurs réponses défavorables pour saisir le recteur de leur académie via le site Trouvemonmaster.gouv.fr, afin de chercher une solution. Et bien souvent, quand ils peuvent effectuer la démarche, c’est trop tard, car les universités ont déjà rempli leurs listes d’inscriptions », constate Catherine Becchetti Bizot. Et certains « ayant reçu des propositions des services rectoraux à la suite de leur recours se plaignent du fait qu’elles n’ont aucun lien avec leur projet professionnel », note la médiatrice.

Une insertion professionnelle par défaut

Sans master, les étudiants se retrouvent le bec dans l’eau. « Ils se sentent rejetés par le système. Leur insertion professionnelle se fait alors par défaut », constate la médiatrice. « Ils ne comprennent pas que le principe du "droit à la poursuite d’études", inscrit dans le Code de l’Education, est limité à leurs capacités d’accueil », ajoute Danièlle Rabaté Moncond’huy, chargée de mission auprès de Catherine Becchetti Bizot.

L’absence d’inscription les expose aussi parfois à « un risque de précarisation financière après la perte de leur bourse de l’enseignement supérieur », indique Catherine Becchetti Bizot. « Certains font des jobs étudiant pendant un an pour retenter leur chance l’année d’après, sans garantie de réussite. Ou se réorientent », constate Maryam Pougetoux, vice-présidente de l’Unef. « Les étudiants veulent assurer leur avenir professionnel avec un master, surtout en période de crise. Et ceux qui s’arrêtent en licence éprouvent des difficultés d’insertion », renchérit Yann Carcel, vice-président en charge des affaires académiques à la Fage.

« Les décisions de non-admission doivent être motivées »

Mais la situation des « sans masters » pourrait s’améliorer un peu. D’abord, parce que Frédérique Vidal a annoncé la création de 4.000 places pour la rentrée prochaine. Insuffisant, selon Maryam Pougetoux : « Il faudrait 20.000 places pour combler tous les retards passés ». La ministre a aussi annoncé la refonte du site trouvermonmaster.gouv.fr. Au lieu d’être un simple site d’informations, il deviendra une plateforme d’affectation, sur le modèle de Parcoursup , à la rentrée 2022. Une évolution qui va dans le sens des recommandations de la médiatrice dans son rapport annuel : « Il faut réfléchir à la création d’un portail sur le modèle de celui de Parcoursup intégrant l’offre de formation, les vœux des candidats et les résultats d’admission », indique-t-elle.

Elle suggère aussi que la plateforme propose un état des capacités d’accueil régulièrement actualisé, pour voir les places encore disponibles. « Il faut harmoniser le calendrier de campagne de recrutement en master de toutes les universités, afin que les recours au recteur interviennent seulement à la fin du processus de recrutement pour les jeunes sans solution », insiste aussi Danièlle Rabaté Moncond’huy. « Les décisions de non-admission doivent être motivées », ajoute la médiatrice. Elle recommande enfin d’ajouter à la plateforme un contact vers les services sociaux des universités, pour que les étudiants non admis en master puissent obtenir des aides financières en cas de difficultés.