Affaire Mia : Expulsés de Malaisie, Rémy Daillet et sa famille coincés à Singapour
ENQUETE•La justice soupçonne cette figure du complotisme, installée en Malaisie, d’avoir participé à l’organisation de l’enlèvement de la petite Mia, en avril dernier dans les Vosges
Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Rémy Daillet, 54 ans, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par un juge d’instruction de la juridiction interrégionale spécialisée de Nancy.
- Il est soupçonné d’être mêlé à l’enlèvement de la petite Mia, en avril dernier dans les Vosges.
- Expulsés dimanche de Malaisie en direction de la France, le suspect, sa compagne et leurs enfants n’ont pas embarqué pour Paris après une escale à Singapour. Sa conjointe y a été hospitalisée.
Installé depuis plusieurs années avec sa famille sur l’île touristique de Langkawi, en Malaisie, Rémy Daillet se pensait à l’abri des ennuis judiciaires. Figure du complotisme, cet homme de 54 ans est soupçonné d’être impliqué dans l’enlèvement de la petite Mia, 8 ans, mi-avril dans les Vosges. Désirant l’interroger, un juge d’instruction de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Nancy a bien délivré à son encontre un mandat d'arrêt international.
Mais celui qui rêve de renverser le pouvoir en France et se compare au « général De Gaulle en 42 à Londres » ne comptait pas une seconde collaborer avec la justice française, qu’il juge « illégitime ». Finalement, lui, sa compagne et leurs enfants ont été arrêtés fin mai en raison de l’expiration de leurs visas.
Expulsés dimanche en direction de la France, ils n’ont finalement pas embarqué à bord du vol AF257 à destination de Paris après une escale à Singapour. Enceinte, Léonie Bardet, la compagne de cet ancien cadre du Modem en Haute-Garonne, a été hospitalisée après s’être plainte de douleurs, comme nous l’a indiqué ce lundi après-midi leur avocat, Me Jean-Christophe Basson-Larbi.
En attendant, Rémy Daillet – qui avait entamé une grève de la faim pour protester contre son expulsion – et ses trois enfants de 17, 9 et 2 ans sont placés sous la responsabilité des services de police de Singapour. « Cette expulsion forcée est illégale puisque mise en œuvre au mépris de l’Immigration Act » de la loi malaisienne, « au mépris des conventions internationales, au mépris des règles de procédure, et surtout au mépris de l’appel », avait affirmé leur avocat dans un communiqué.
Neuf personnes mises en examen
La justice française devra attendre encore un peu pour l’entendre sur les faits et le mettre en examen. Rémy Daillet est soupçonné d’avoir participé à « l’organisation » du rapt de la fillette, le 13 avril dernier, et d’avoir mis Lola, sa mère, en relation avec une femme qui les a recueillis à Neuchâtel, en Suisse, où elles ont passé une nuit alors que les gendarmes les recherchaient, avait indiqué le procureur de la République de Nancy, François Pérain. « Rémy Daillet apparaît comme l’animateur principal de la "mouvance" » dont se revendiquent cinq hommes soupçonnés d’avoir participé à l’enlèvement de Mia, avait précisé le magistrat fin avril dans un communiqué.
En tout, neuf personnes, dont la mère de la fillette, proches de la mouvance anti-système et complotiste, ont été mises en examen dans cette affaire, huit d’entre elles étant placées en détention provisoire. Dernier en date, Christophe M., un lieutenant-colonel de l'armée de terre à la retraite originaire des Hautes-Pyrénées interpellé mardi 8 juin, a été mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des enlèvements d’enfant » et pour « non-dénonciation de crime ». Il a été placé sous contrôle judiciaire. Il a reconnu, lors de ses auditions, avoir adhéré en octobre 2020 à l’organisation dirigée par Rémy Daillet qu’il devait structurer. « Il a reconnu avoir donné des conseils sur la manière d’organiser des enlèvements d’enfants », mais a nié « avoir participé aux réunions préparatoires à l’enlèvement de Mia », a expliqué le procureur de Nancy, François Pérain.
Un couple retranché à leur domicile
Une autre affaire concernant Rémy Daillet intéresse la justice. Le parquet de Besançon a récemment transmis à la Jirs de Nancy des éléments d’enquête concernant un couple qui s’était retranché à son domicile en novembre avec ses quatre enfants. Il refusait de les confier aux assistantes sociales comme le demandait le juge des enfants. Un négociateur de la gendarmerie est intervenu et le père a finalement accepté de laisser ses enfants aux services sociaux, sans violence ni menace. Il a fait l’objet d’un rappel à la loi.
Les parents auraient agi sous l’impulsion d’un certain « Rémy, vivant en Malaisie, ancien membre du Modem et fils de député », a déclaré le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux. Un portrait qui correspond en tout point à celui de Rémy Daillet. C’est à son contact qu’ils auraient décidé de déscolariser leurs enfants puis de se couper du monde.