PORTRAITA Nice, la menuisière Cléanne Vannier s’impose dans ce domaine masculin

Nice : « Oui, on dit menuisière », Cléanne Vannier s’impose dans ce domaine (très) masculin

PORTRAITAvant d’atterrir à l’atelier du Pontin, elle avait commencé par faire un an de médecine après son bac scientifique
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Cléanne Vannier est employée à l’atelier du Pontin dans le Vieux Nice. En 2018, elle a remporté la médaille d’or « Meilleur apprenti de France ». Fièrement, sur la vitrine du magasin, on peut alors lire « ici, le MAF est une meuf ».
  • Après deux ans d’apprentissage, son patron Hervé Trotta l’a embauchée. Si tout se passe bien, « elle devrait même prendre la suite », indique-t-il.
  • Pour lui, pas de changement particulier, « on ne cherche pas à forcer, on trouve d’autres solutions », dit-il satisfait.

«Je n’ai pas de quéquette mais j’ai deux bras et deux jambes donc je peux porter les matériaux », raconte Cléanne Vannier quand, sur les chantiers où elle travaille, certains ouvriers la paternent parce qu’elle est une femme. « Des clients me demandent aussi si on dit menuisière, continue-t-elle. Eh bien oui, on le dit. Même si ça peut paraître étrange, c’est le féminin de menuisier, tout simplement. Je travaille de la même façon. »

Depuis quatre ans, l’artisane travaille avec Hervé Trotta dans l’atelier du Pontin, dans le Vieux Nice. « Elle s’est présentée pour faire son apprentissage avec moi, se souvient le menuisier. J’ai pris régulièrement des apprentis en 35 ans de carrière. L’année où j’ai sélectionné Cléanne, une autre avant elle m’avait demandé de la prendre pour ses deux de CFA puis deux autres après elle. C’était la première fois que je voyais ça ».

Une équipe complémentaire

La Niçoise de 25 ans s’étonne aussi du nombre de demandes que son patron a eu en même temps qu’elle. « D’habitude, les promotions de menuiserie comptent une fille par an. De 2016 à 2018, au CFA d’Antibes, on était quatre. C’est très rare. A la différence des garçons qui avaient 16 ans, on était toutes un peu plus âgées, parfois en reconversion. Nous, on faisait ça parce qu’on l’avait choisi ». Même si elle avait « toujours voulu faire ça », étant bonne élève, elle a d’abord suivi un parcours scientifique avant de faire un an de médecine. « J’ai tout arrêté, ce que je voulais vraiment moi, c’était continuer de faire des cabanes pour les coccinelles comme quand j’étais petite ».

Hervé Trotta a pris Cléanne Vannier en apprentissage menuiserie puis l'a embauchée, elle pourrait reprendre l'atelier du Vieux Nice
Hervé Trotta a pris Cléanne Vannier en apprentissage menuiserie puis l'a embauchée, elle pourrait reprendre l'atelier du Vieux Nice - E. Martin / ANP / 20 Minutes

Pourtant, ça n’a pas été si simple de suivre son rêve. La menuisière a mis un an avant de trouver un patron. « Quand j’envoyais des CV et des lettres de motivation, j’essayais de gommer au maximum toutes les traces de féminisation. Ça a été difficile de contrer les a priori du métier. Sans me le dire directement, je savais que c’était parce que les entreprises ne voulaient pas d’une femme, pas assez forte selon eux ».

Hervé Trotta affirme : « C’est sûr qu’elle galère un peu plus que moi mais au lieu de forcer, on fait autrement, on s’adapte. Finalement, on se complète ». L’expérience avec une femme est différente pour l’artisan. Il développe : « La plupart des hommes qui font ce métier ne savent pas trop pourquoi ils sont là, contrairement aux femmes. On se rend vite compte que, pour elles, c’est une passion. »

« Il faut se battre, il faut tout faire pour faire ce dont on a envie »

Cette passion, Cléanne Vannier la vit maintenant tous les jours depuis son embauche, il y a deux ans. « Ce que j’aime, c’est créer, partir de rien et transformer. J’adore accompagner les gens, voir leur sourire quand on finit de poser leur cuisine. Et puis, à l’atelier Pontin, on fait de tout. Un jour, on a même fait un cercueil pour oiseaux. Ce que j’ai ici, je ne pourrai pas l’avoir ailleurs. C’est un village dans une ville. »

Son patron partage son avis. Très satisfait, il pense même à lui « laisser la boutique au moment venu ». Un vrai symbole de réussite pour la jeune femme. « Les difficultés, que ce soient les professeurs plus exigeants ou les ouvriers sexistes, ça m’a donné encore plus de force pour arriver à ce que je voulais faire ».

Elle conclut : « À toutes les petites filles qui ont des rêves différents de ce que la société attend d’elles : Ne lâchez rien. Si vous avez envie d’être mécanicienne, il faut le faire, il faut se battre. Ça vaut le coup d’être heureuse ». Une chose est sûre : Cléanne Vannier ne regrette pas. « Sauf quand on monte des fenêtres au 5e étage », plaisante-t-elle.