Comment la pandémie a fait évoluer la délinquance à Paris ?
CONFINEMENTS•Alors que Paris vient de se doter d’une police municipale, les confinements successifs ont fait chuter la délinquance dans la capitale après des années de hausseCaroline Politi
L'essentiel
- Les chiffres de la délinquance ont fortement baissé à Paris depuis le début de la pandémie.
- La capitale reste néanmoins la ville qui concentre les plus forts taux de délinquance.
C’est l’un des effets secondaires inattendus de l’épidémie de coronavirus et plus précisément des mesures prises pour tenter de l’endiguer : après des années de hausse continue, la délinquance a fortement reculé à Paris depuis près d’un an et demi. Entre 2019 et 2020, les cambriolages de résidence principale ont baissé de 23 %, les homicides de 36 %, les vols à main armée de 40 %. En un an et demi, la pandémie est parvenue à faire ce que les autorités n’auraient pu espérer, en un si court laps de temps, des politiques publiques.
« Je ne pense pas qu’on puisse parler de baisse de la délinquance puisqu’on sait que ces chiffres sont directement imputables à ce contexte », nuance d’emblée Yoann Maras, secrétaire régional Paris du syndicat Alliance. Lui voit dans ces chiffres un effet trompe-l’œil. Les Français contraints de rester chez eux, les logements vacants se font plus rares. De même, Paris vidé de ses touristes, les vols à la tire dégringole de près de 25 % entre 2019 et 2020… après avoir augmenté de 684 % entre 2013 et 2019. Dans certains quartiers particulièrement prisés des voyageurs – à l’instar du 9e arrondissement où sont situés les grands magasins –, la baisse est encore plus marquée : - 41 % en un an.
Paris concentre le plus fort taux de délinquance
« Comme il y a moins de gens dehors et moins longtemps, le nombre de faits recensés baisse dans l’absolu. Mais je ne suis pas sûr que si on pouvait comparer ces chiffres avec la population effectivement présente sur la voie publique, cela serait aussi flagrant », insiste le syndicaliste. Surtout, cette baisse n’a rien d’uniforme. Les viols et les tentatives d’homicides sont restés relativement stables, tout comme l’ont été les escroqueries. D’autres actes ont, en revanche, explosé. Les cambriolages de commerces ou d’entreprises ont ainsi augmenté de 40 % en un an. « Il y a un effet d’opportunité, note une source policière. Ces cambriolages sont d’ordinaires moins élevés parce qu’ils sont moins "rentables" mais avec la crise et le fait qu’il y a moins de salariés ou de clients, on note un report. »
Cet effet « d’opportunité » se constate également sur la géographie de la délinquance. Les arrondissements touristiques ainsi que le 11e arrondissement ont le plus bénéficié de la baisse des faits constatés. Celle-ci est moins marquée dans les arrondissements du sud et de l’ouest parisien. Ainsi, le 14e et le 17e, par exemple, sont les deux seuls quartiers dans lesquels les vols avec violence ont légèrement augmenté entre 2019 et 2020. De même, le 15e arrondissement se trouve sur la deuxième marche du podium en matière de cambriolage, juste derrière le 18e arrondissement. Reste que ce quartier du nord-est de la capitale et celui de Paris centre (qui regroupe les quatre premiers arrondissements) concentrent toujours près d’un quart des atteintes aux biens et aux personnes recensés l’an dernier dans la capitale. « Le confinement a pu gommer certains aspects de la délinquance mais pas la remodeler complètement », poursuit cette même source.
Surtout, malgré les baisses constatées, Paris reste la ville qui concentre le plus fort taux de délinquance. Ainsi, même s’ils ont diminué de 22 % en un an, les vols avec violence (sans arme) sont commis, pour un tiers d’entre eux, dans la capitale. Même constat pour les vols simples : en 2020, on en dénombrait 51 pour 1.000 habitants… contre 8,4 pour 1.000 au niveau national.
Sur le terrain, Yoann Maras affirme ne pas ressentir l’accalmie que décrivent les chiffres. Lui, décrit, à l’inverse une violence accrue. « On a l’impression de voir arriver dans Paris des phénomènes qui jusque-là étaient plutôt en banlieue, notamment les rixes. » Rien que la semaine dernière, deux bandes se sont affrontées dans le 17e arrondissement. Quelques semaines auparavant, un lycéen a pris un coup de couteau dans le 16e. Sans compter l’affaire Yuriy. Un constat qui avait poussé la mairie de Paris a faire volte-face sur la mise en place d’une police municipale : celle-ci, forte de 5.000 agents, sera déployée à partir de septembre.