Rennes : « Nos vies comptent plus que leur réputation »… 200 étudiants réunis pour rendre hommage à Alexia
MARCHE BLANCHE•Etudiante en droit, Alexia Cote a mis fin à ses jours le 15 avril après avoir alerté l’université Rennes 1 de son mal-êtreCamille Allain
L'essentiel
- Une marche blanche en hommage à Alexia Cote a rassemblé environ 200 personnes le 21 avril à Rennes.
- Brillante étudiante en droit, la jeune femme s’est donné la mort le 15 avril dans son appartement étudiant.
- Au-delà de la tristesse, plusieurs étudiants témoignent de la colère du silence de l’université Rennes 1, accusée d’avoir voulu préserver sa réputation.
Les organisateurs de la marche blanche ne pensaient pas avoir autant de monde derrière eux. Ce vendredi à 13 heures, un cortège silencieux d’environ 200 personnes a quitté la place de la République, à Rennes, pour rejoindre le campus Hoche de l’université Rennes 1. Parmi eux, un grand nombre d’étudiants en droit, venus rendre hommage à leur camarade Alexia Cote, qui a mis fin à ses jours le 15 avril.
En tête du cortège, une jeune femme portait un portrait de cette brillante étudiante, chapeau sur la tête, yeux plissés et sourire radieux. Originaire de Dijon, Alexia avait rejoint la Bretagne en septembre pour suivre l’exigeant magistère Juriste d’affaires franco-britannique (JAFB) à l’université Rennes 1. Stressée, isolée et sans solution face à des notes qu’elle jugeait insuffisantes, elle a mis fin à ses jours le 15 avril dans son petit appartement de la place de la Rotonde. C’est une de ses professeures, inquiète de ne pas la voir se présenter au cours en visio, qui a découvert le corps sans vie de la jeune, pendue à sa fenêtre.
« On nous a demandé de ne rien dire aux étudiants »
Ce drame a provoqué un vif émoi dans les rangs des étudiants en droit. D’abord parce qu’il illustre la détresse d’une jeunesse privée de tout depuis un an, sacrifiée sur l’autel de la crise sanitaire. Mais aussi parce que l’université n’a pas communiqué, laissant penser qu’elle voulait étouffer l’affaire pour ne pas nuire à sa réputation. Cette version est contestée par la direction de Rennes 1. Mais les témoignages recueillis par 20 Minutes disent le contraire.
« On nous a demandé de ne rien dire aux étudiants », assuraient plusieurs membres de l’encadrement. Il aura fallu que la presse s’empare du sujet pour que le président de l’université appelle les parents et écrive aux étudiants. Une attitude qui avait profondément affecté les parents de la jeune femme. « Depuis le drame, tout le monde se sent fautif. Nous, ses amies, le médecin. Tout le monde sauf l’université », taclait son père Christophe Cote.
Ce vendredi, la tristesse se mêlait à la colère dans le cortège.
« La fac a essayé de dissimuler ce drame pour se protéger. Aujourd’hui, je suis là pour Alexia. Mais aussi pour dire que nos vies comptent plus que leur réputation », témoigne Hugo, étudiant en 2e année. »
Un peu plus loin, Agathe marche aux côtés de sa maman. « C’est une année super compliquée pour tout le monde. Mais ce qu’il s’est passé est très grave. Alexia a appelé à l’aide plusieurs fois mais elle n’a pas été entendue. J’ai l’impression qu’on n’est pas écoutés », estime la jeune femme.
En début d’année, Alexia avait averti à deux reprises sa directrice de promotion de ses difficultés. La seule réponse obtenue aura été une proposition de redoublement. Ce vendredi, l’université a annoncé qu’elle allait engager « un plan de formation aux premiers secours en santé mentale auprès de ses personnels pour la rentrée 2021 ».
« L’omerta autour de ce drame me révolte »
Après la divulgation de la mort d’Alexia dans la presse, des étudiants et enseignants avaient dénoncé « la mise en compétition » et « la pression » imposées aux étudiants en droit. « J’ai vu ma fille pleurer toute seule dans sa chambre le soir tellement elle était à bout. Heureusement que j’étais là pour elle ! Et pourtant, on leur annonce leurs dates de partiels quelques jours avant, on leur met la pression. L’omerta autour de ce drame me révolte », lance Sophie, maman d’Agathe. Ce silence de l’université a rajouté de l’amertume à la tristesse mais aussi de la défiance vis-à-vis de l’université. « Le fait de l’apprendre par la presse, ça rajoute un voile. Était-ce un tabou ? Fallait-il que ça reste secret ? Ça induit du doute », relève un étudiant en master.
Ce nouveau suicide dans les rangs étudiants vient également rappeler la profonde détresse de la jeunesse. Privés de cours en présentiel, de lien social, d’activités, de sorties et de fête, les étudiants se sentent « oubliés ».
« A 20 ans, la seule solution, c’est la mort ? »
Etudiante en première année, Lise a eu deux mois de cours en présentiel, avant de voir son studio devenir sa salle de classe. « On n’a pas de lien social. Moi, je n’ai aucune amie à la fac », résume la jeune femme, avant d’enchaîner. « A 20 ans, la seule solution c’est la mort ? Aujourd’hui, on rend hommage à Alexia. Mais demain, ce sera quelqu’un d’autre ? Je suis aussi là pour montrer que nous ne sommes pas seuls. »
A l’arrivée sur le campus de la place Hoche, le portrait d’Alexia et quelques fleurs ont été déposés au pied des bâtiments. Quelques mots écrits par ses parents ont été lus devant une assemblée silencieuse. Mais qui n’entend pas se taire pour autant.