Manifestation des policiers : « Si les délinquants allaient en prison lorsqu’ils sont condamnés, on n’en serait pas là »
REPORTAGE•Les organisateurs de la manifestation devant l’Assemblée nationale annoncent 35.000 participantsCaroline Politi
L'essentiel
- Une manifestation en hommage à Eric Masson mais également pour dénoncer leurs conditions de travail était organisée ce mercredi par tous les syndicats de police.
- 35.000 participants étaient recensés, dont de nombreux politiques, y compris le ministre de l'Intérieur.
- Dans la foule, tous estiment que la justice porte, au moins en partie, une responsabilité dans la détérioration de leurs conditions de travail.
Pour tous, le meurtre d’Eric Masson, tué au début du mois alors qu’il procédait à un contrôle sur un point de deal à Avignon, a été la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà trop plein. La confirmation, s’il en fallait une, qu’aucune intervention de police n’est anodine. « Aujourd’hui, à chaque fois qu’on sort, on se demande dans quel état on va rentrer. Si on va rentrer, même », confie Manu, « 25 ans de maison », qui a fait le déplacement depuis Toulouse pour participer au rassemblement devant l’Assemblée nationale. Sa fille, Elodie, l’a rejoint au milieu du cortège, pour rendre hommage au brigadier, père de deux enfants. « Forcément, on s’identifie. Quand des policiers sont victimes, on oublie parfois que leur famille l’est tout autant. »
Selon les organisateurs (la police donc), ils étaient près de 35.000 ce mercredi midi à braver la pluie pour participer à la manifestation organisée par plusieurs syndicats. Au milieu de la foule, compacte, de nombreux politiques de tous bords tentent de se frayer un chemin jusqu’à l’estrade. A commencer par « le premier flic de France », Gérald Darmanin, accompagné du préfet de police de Paris, Didier Lallement. La présence du ministre de l’Intérieur divise, tant dans la classe politique que dans la manifestation. Il est hué et sifflé par certains, applaudi par d’autres. « Venir nous soutenir c’est une chose, mais nous, ce qu’on veut, c’est des solutions, des effectifs, des moyens… », lâche Lydie, brigadière en poste à Colmar, alors que le ministre s’éloigne déjà, quelques minutes à peine après être arrivé.
La justice pointée du doigt
Franck, qui porte en évidence son brassard « police », a le majeur bandé. Il y a quinze jours, il a eu le tendon sectionné alors qu’il tentait de procéder à une interpellation. En poste à Lille depuis une quinzaine d’années, il affirme être confronté depuis quelques années à une montée en puissance de la violence dans son travail. A ses côtés, deux de ses collègues, Benjamin et Steven, acquiescent. Tous les trois racontent leur lassitude d’interpeller « quinze fois, vingt fois » les mêmes individus avant qu’il y ait de « vraies peines ». « Cela entretient un climat de violence, précise ce dernier. Ces jeunes se croient au-dessus de la justice, il y a même une forme de surenchère. »
Dans la foule, tous estiment que la justice porte, au moins en partie, une responsabilité dans la détérioration de leurs conditions de travail. « Si les délinquants allaient en prison lorsqu’ils sont condamnés, on n’en serait pas là », estime Morgan, 25 ans. Le jeune fonctionnaire, venu au rassemblement avec sa femme et sa fille, travaille au dépôt du tribunal de Paris et se désespère de voir, chaque jour, « des personnes déférées, avec vingt mentions au casier, ressortir libre, sans condition ».
Les manifestants applaudissent à tout rompre, lorsque, à la tribune, le secrétaire général d’Alliance, Fabien Vanhemelryck, assure que « le problème de la police, c’est la justice ». Quelques minutes auparavant, il avait fait huer quatre décisions de justice, considérées comme trop laxistes. Et le syndicaliste d’asséner : « Le citoyen a le droit de savoir pourquoi ces crapules n’ont plus peur de la police. » Les organisateurs réclament la mise en place de peines minimales pour les auteurs de violences commises à l’égard des forces de l’ordre ou des pompiers. Une demande partiellement entendue par le gouvernement : Jean Castex s’est engagé à étendre à trente ans la période de sûreté pour les personnes mises en cause dans un crime contre un policier ou gendarme.