Paris : Interdire la place Stalingrad aux « crackeurs », « la moins mauvaise des solutions »
DROGUE•Depuis lundi soir, les consommateurs de crack, qui se regroupaient la nuit sur la place Stalingrad, dans le 19e arrondissement de Paris, sont cantonnés dans les jardins d’Eole le soir, puis dans la rue RicquetCaroline Politi
L'essentiel
- La place Stalingrad est devenue un haut lieu du trafic de crack à Paris, notamment depuis l’évacuation de la colline du crack et du tunnel de Rosa Parks.
- Désormais, les consommateurs de crack ne peuvent plus accédés à la place Stalingrad et sont cantonnés au jardin d’Eole puis à la rue Ricquet.
- Ce nouveau plan est provisoire, indique des sources concordantes.
Le projet était en réflexion depuis le mois de février, les tensions exacerbées avec les riverains ces dernières semaines ont accéléré son déploiement. Depuis lundi, les consommateurs de crack n’ont plus accès à la place Stalingrad, dans le 19e arrondissement de Paris, où ils se regroupaient chaque soir, causant de nombreux troubles à l’ordre public. « Ce dispositif prévoit un renforcement des patrouilles de police de jour comme de nuit pour empêcher les toxicomanes de stagner sur cette place, au pied des immeubles d’habitation », précise à 20 Minutes une source policière.
A la place, ce nouveau plan crack, élaboré par la préfecture de police et la mairie, prévoit de laisser la possibilité aux usagers, estimés à près de 150 dans le quartier, de rester jusqu’à 1 heure du matin (au lieu de 20 heures) dans le parc des Jardins d’Eole, situé à environ 500 mètres de la place Stalingrad. « C’est non seulement un lieu qu’ils connaissent bien puisque de nombreux toxicomanes passent leur journée dans la partie haute de ce parc mais c’est également une zone où il y a relativement peu de riverains et où les nuisances seront donc moins importantes », poursuit cette même source. Passé 1 heure du matin, les consommateurs de crack, dont une large partie est en errance et vit dans la rue, sont cantonnés dans la rue Ricquet qui borde le parc puis enjambe les voies ferrées. Une rue avec peu d’immeubles d’habitation mais à proximité de zones d’habitat dense.
« Il faut mesure l’exaspération des riverains »
« La préfecture de police s’est engagée à contenir cette population dans cette portion de la rue pour éviter tout effet de report, précise le maire PS du 19e arrondissement, François Dagnaud. Cette nuit, en tout cas, cela a bien fonctionné. » Pour l’édile, cette solution, loin d’être un remède miracle, est pour l’heure « la moins mauvaise de toutes ». La seule, à ses yeux, qui permettra de retrouver à court terme un « semblant de vie normale ». Au début du mois, certains habitants du quartier, exaspérés par les cris et les bagarres, ont lancé des mortiers d’artifice en direction d’un attroupement de « crackeurs ». Un « appel au secours », aux yeux de l’élu. « Il faut mesurer l’exaspération des riverains qui ne dorment plus la nuit à cause des hurlements et des règlements de compte, le sentiment d’insécurité permanent… »
Mais à la mairie comme à la préfecture, on l’assure, cet ajustement n’est que provisoire. Surtout, il ne vise pas à lutter contre le trafic mais à ramener de la sérénité autour de la place Stalingrad, d'autant que se profilent la réouverture des cinémas et des terrasses ce mercredi. Preuve en est : l’arrêté pris lundi soir par le préfet de police pour interdire les distributions alimentaires et de seringues par les associations au niveau de la place mais celles-ci pourront toujours avoir lieu aux Jardins d’Eole. « Bien sûr que ça déplace le problème mais vers des zones moins habitées. Pour l’instant, il faut bien le reconnaître rien de ce qui a été mis en place n’a permis de faire disparaître le problème », insiste François Dagnaud.
La lutte contre le crack dans l’impasse
Depuis un an, pourtant, la lutte contre le trafic de crack s’est intensifiée. D’importants moyens ont été déployés : des équipes patrouillent 24 heures/24 sur la place Stalingrad mais également à ses abords, des aménagements urbains ont été réalisés – les bancs ont été retirés pour éviter que les consommateurs stagnent, l’éclairage public amélioré pour faciliter le travail des fonctionnaires sur le terrain. Des informations judiciaires sont également régulièrement ouvertes pour tenter d’identifier les principaux acteurs et depuis le mois de juin 2020, les consommateurs interpellés sont systématiquement déférés et se voient proposer une injonction thérapeutique assortie d’une interdiction de paraître dans le nord-est parisien.
Dans un rapport publié en janvier, fruit d’un travail de deux ans, l’Inserm et l’Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT) recommandaient l’ouverture de structures d’accueil de jour comme de nuit pour les usagers de crack mais également de quatre salles d’inhalation à l’image des « salles de shoot » afin de limiter la consommation dans l’espace public et de mieux encadrer la prise en charge. La Mairie de Paris y est favorable, tout comme le maire d’arrondissement, les autorités policières et judiciaires moins : elles craignent la création de lieux de fixation des toxicomanes.