Coronavirus : Les élèves seront-ils tous aussi bien préparés au brevet et au bac cette année ?
EDUCATION•La crise du Covid-19 a totalement chamboulé l’année scolaire de certains élèves… et beaucoup moins pour d’autresDelphine Bancaud
L'essentiel
- Cette année, pas question d’annuler les épreuves du bac et du brevet en les remplaçant par le contrôle continu.
- Tout d’abord parce qu’ils n’ont pas tous eu le même volume de cours en présentiel.
- Les conditions de la rentrée des vacances de printemps pourraient encore compliquer la donne, car le protocole sanitaire prévoit la fermeture des classes dès qu’est détecté un cas de Covid-19.
Le compte à rebours est lancé. Le 17 juin, les lycéens de Terminale passeront l’épreuve de philosophie du bac, et ceux de 1re l’épreuve anticipée de Français. Quant aux collégiens, le brevet aura lieu les 29 et 30 juin. Et cette année, pas question de les annuler et de les remplacer, comme l’a annoncé Jean-Michel Blanquer jeudi dernier.
Une décision qui ne fait pas l’unanimité chez les profs, qui sont nombreux à pointer une rupture d’égalité dans la préparation des élèves aux épreuves. Tout d’abord parce qu’ils n’ont pas tous eu le même volume de cours en présentiel, comme l’explique Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU. « Dès novembre, certains lycées ont organisé des cours à distance pour une partie des élèves, alors que des lycées privés ont préféré maintenir les cours en présentiel à 100 %. Il a fallu attendre la fin mars pour que cela soit obligatoire pour tous les établissements ». Et à partir de ce moment-là, la demi-jauge n’a pas été mise en place uniformément dans les lycées : « Certains l’ont mise en place à l’échelle de l’établissement, ce qui leur a permis de garder les classes de Terminale à 100 % en présentiel, et d’autres l’ont appliqué à toutes les classes, même celles qui préparaient le bac », souligne Claire Krepper, secrétaire nationale éducation du SE-Unsa.
« Certains n’ont pas eu assez de bacs blancs pour s’entraîner »
Résultat : « Les élèves n’en sont pas tous au même niveau d’avancement dans le programme », constate Frédérique Rolet. Un avis partagé par le Mouvement national lycéen, qui estime que les élèves « sont angoissés à l’idée de passer leurs examens alors qu’ils ont manqué de nombreux cours. Certains n’ont eu que quatre mois de présentiel ». « Et certains n’ont pas eu assez de bacs blancs pour s’entraîner, ce qui les empêche de situer leur niveau. En outre, les parents les plus aisés ont pu payer des cours particuliers à leurs enfants pour rattraper leur retard, quand d’autres n’ont pas pu le faire », ajoute Hubert Salaün, porte-parole de la fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep).
Sans oublier que 2021 sera l’année inaugurale du grand oral du bac : « Les enseignants ne s’en sont pas emparés de manière homogène. Au mieux, ils ont commencé à se pencher vraiment dessus en janvier, mais parfois, c’était en mars », indique Claire Krepper.
Les conditions de la rentrée des vacances de printemps, dans quelques jours, pourraient encore compliquer la donne, car le protocole sanitaire prévoit la fermeture d’une classe dès qu’est détecté un cas de Covid-19. « On risque d’avoir des fermetures en cascade, qui entraîneront des scolarités en pointillé », prévoit Claire Krepper. Par ailleurs, pour leur reprise au 3 mai, si les lycées observeront un système généralisé de demi-jauges, au collège, seuls les élèves de 4e et de 3e des départements les plus touchés seront en effectifs réduits. « Pour les collégiens qui seront en demi-jauges, leur préparation au brevet ne sera pas optimale. Les enseignants vont courir après le programme et tenter de préparer les élèves à certains exercices de l’examen qu’ils n’ont pas l’habitude de faire en cours », poursuit la syndicaliste.
« Les jurys feront preuve d’indulgence »
Face à cette situation, certains syndicats, comme le Se-Unsa, ont prôné l’annulation des épreuves au profit du tronc commun. « D’autant qu’il y aura des élèves positifs au Covid-19 au moment des épreuves, ce qui va gonfler le nombre de candidat à la session de septembre », anticipe Claire Krepper. Mais le ministre de l’Education tient mordicus à la tenue des examens. Pour l’heure, les seules concessions qui ont été faites pour prendre en compte l’hétérogénéité de l’enseignement sont la diminution des textes à étudier pour le bac français (en filière générale, 14 au lieu de 20, et en filière technologique, 7 au lieu de 12) et en philosophie, le fait qu’il y aura trois sujets proposés au lieu de deux. « On demandait aussi la suppression du grand oral du bac, l’aménagement des épreuves de maths, sciences et d’histoire-géo au brevet », rappelle Frédérique Rolet. Des demandes restées pour l’heure lettre morte.
Mais pour Hubert Salaün, même si les élèves n’auront pas les mêmes cartes en main face aux examens, leur maintien est une bonne chose : « Le brevet, comme le bac, sont des épreuves initiatiques qui sont importantes. Les annuler alors mêmes qu’on organise des élections régionales, ça n’aurait pas eu de sens. Et les jurys feront preuve d’indulgence, donc la réussite des élèves ne sera pas obérée ».
Si le taux de réussite au brevet et au bac ne devrait pas chuter cette année, les conséquences de ces inégalités de préparation des élèves risquent de se faire ressentir à plus long terme, estime Claire Krepper : « Cela va accentuer les disparités de niveaux des étudiants dans l’enseignement supérieur ».