Nantes : La féminisation des noms de rues avance à toute vitesse
EGALITE•Depuis 2016, la ville a attribué davantage de noms de rues féminins que lors des deux siècles précédents. Il faut dire que le retard par rapport aux hommes est énormeFrédéric Brenon
L'essentiel
- En 2016, la mairie de Nantes s'est lancée dans une démarche de féminisation des noms de ses rues et places.
- Depuis, plus de 70% des noms choisis sont ceux de femmes illustres.
- Les noms de Simone Veil et Gisèle Hallimi seront bientôt attribués à deux nouveaux boulevards sur l'île de Nantes.
Elles s’appellent Florence Arthaud, Louise Bourgeois, Anna Marly, Clémence Lefeuvre, Joséphine Baker, Miriam Makeba, Anne Mandeville ou Lucy Stone… Qu’elles soient artistes, militantes, sportives ou cuisinières, ces femmes illustres, aujourd'hui décédées, ont pour point commun de posséder depuis peu une rue ou une place à leur nom à Nantes. Elles seront bientôt rejointes par Simone Veil et Gisèle Hallimi puisque le conseil municipal de Nantes a adopté vendredi les noms de l’ancienne ministre et de l’ex avocate, figures du féminisme, pour baptiser deux grands boulevards desservant le futur CHU sur l’île de Nantes.
Depuis cinq ans, date du coup d’envoi d’une démarche municipale sur la féminisation des noms de lieux publics, pas moins de 115 rues et places portant un nom de femme ont ainsi été créés à Nantes. « C’est déjà plus que ce qui avait été réalisé les deux siècles précédents », se réjouit Olivier Château (PS), adjoint au maire en charge du patrimoine. La Cité des ducs ne possédait en effet en 2016 qu’une petite centaine de rues répondant à un patronyme féminin. Soit seulement 3 % de l’ensemble des noms de rues de la ville. On comptabilisait, à l’inverse, 1.100 noms d’hommes, soit plus d’un tiers du total (la majorité étant des noms de lieux ou des noms communs) !
« Petit à petit, ça fait évoluer les mentalités »
« Certes, on partait de loin et il reste du travail. Mais la démarche est très active et on a beaucoup progressé, estime Olivier Château. Par exemple, depuis 2016, plus de 70 % des noms choisis sont des femmes. En 2020, ce taux a même atteint 88 %. Et on le fait aussi pour des équipements publics, comme l’espace Agnès-Varda, l’école Joséphine-Baker ou le square Virginia-Woolf, pour ne citer que des exemples récents. »
Les dénominations sont piochées dans une liste de 38 personnalités proposées par les Nantais en 2016, mais aussi en dehors de la liste quand le conseil municipal souhaite valoriser des femmes célèbres (Edith Piaf, Sœur Emmanuelle…) ou des « personnages locaux pas forcément très connus », comme la cantatrice nantaise Geneviève Vix par exemple.
Les bienfaits de la démarche seraient déjà visibles. « A chaque nouvelle rue annoncée il y a des réactions positives, des témoignages d’attachement à la personnalité, assure l’élu. Voir des noms de femmes sur l’espace public ça veut dire qu’on s’interroge, qu’on se remémore leurs parcours. Petit à petit ça fait évoluer les mentalités et ça inscrit que c’est normal que les hommes et les femmes soient sur un pied d’égalité dans l’espace public. On peut penser que, pour les plus jeunes générations, ça paraîtra tout à fait naturel. »
Les hommes ne sont pas oubliés
Les critiques font remarquer que les nouveaux noms féminins sont surtout ceux d’allées ou de petites voies. « On fait en fonction de la transformation de la ville et, donc, de ce qu’on peut dénommer. La création de nouveaux boulevards ou nouvelles avenues reste rare aujourd’hui à Nantes », explique Olivier Château. La mairie n’est, par ailleurs, pas favorable à débaptiser un axe « afin d’éviter les contraintes administratives que cela engendre pour les habitants ».
Quant aux noms d’hommes, ils ne sont pas oubliés. « On privilégie les noms de femmes afin d’opérer un rééquilibrage mais on ne s’interdit évidemment pas de choisir un nom d’homme, promet l’adjoint au maire. Ça va dépendre de l’actualité ou de l’histoire d’un quartier. »