EDUCATIONPourquoi Emmanuel Macron a-t-il finalement décidé de fermer les écoles ?

Coronavirus : Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il finalement décidé de fermer les écoles ?

EDUCATIONLes élèves de toutes les zones seront en vacances en même temps, a annoncé le président ce mercredi
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Face à la violence de la troisième vague de Covid-19, Emmanuel Macron a annoncé ce mercredi de nouvelles mesures, notamment l’avancement des vacances de printemps.
  • Une décision qui permet de gagner du temps et qui est la moins coûteuse politiquement.

Les familles savent enfin à quoi ressemblera leur quotidien des quatre prochaines semaines. Emmanuel Macron a annoncé ce mercredi de nouvelles mesures destinées à freiner l’épidémie de Covid-19, qui s’aggrave. Les écoles seront finalement fermées pendant trois semaines sur l’ensemble du territoire, les collèges et lycées pendant un mois, et ce alors que le président repoussait cette option précédemment. 20 Minutes vous explique les dessous de cette décision.

Comment va se dérouler le prochain mois pour les élèves ?

« Nous allons fermer durant trois semaines les crèches, les écoles, les collèges et les lycées », a annoncé Emmanuel Macron. La semaine prochaine, les élèves auront école à la maison, hormis les enfants de soignants ou ceux en situation de handicap, qui auront classe en présentiel.

Puis le 12 avril, ils seront en vacances pour deux semaines, toutes zones confondues. Le 26 avril, l’école reprendra en présentiel pour les élèves de maternelle et de primaire, mais sera toujours à distance pour les collégiens et lycéens. Et le 3 mai, ces mêmes collégiens et lycéens auront droit de retourner en classe. Pour atténuer le choc, les familles qui ont la possibilité de se mettre au vert pourront le faire, car les déplacements interrégionaux sont possibles le week-end prochain.

Pourquoi agir sur les écoles ?

Emmanuel Macron ne peut pas encore évaluer l’effet du confinement hybride mis en place il y a 13 jours dans 16, puis 19 départements, et qui concerne un tiers de la population française. Et il ne peut plus attendre, le nombre de malades en réanimation ayant grimpé à 5.072, au-delà des capacités hospitalières normales et du pic de la deuxième vague de novembre.

Jusqu’alors, le gouvernement souhaitait maintenir les établissements scolaires ouverts jusqu’à la dernière limite. Et ce, pour des raisons tant éducatives que sociales. D’autant que la communauté scientifique n’est pas unanime sur le rôle que joueraient les établissements dans la diffusion du virus. Selon le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’université de Genève, les écoles sont un « des lieux majeurs de la contamination » au Covid-19. Mais l'étude VIGIL , dont les résultats sont parus ce mercredi et qui a été menée par des pédiatres sur 4.000 enfants depuis le mois de juin, indique que l’école ne jouerait qu’un rôle mineur dans les contaminations.

Ultime tentative pour préserver les établissements, depuis lundi, un nouveau protocole sanitaire a été adopté dans les 19 départements confinés. Un seul cas de Covid-19 dans une classe entraîne, désormais, sa fermeture. Et ses effets se font déjà ressentir, avec une montée en flèche des fermetures de classes. Selon le Snes-FSU (premier syndicat du secondaire), qui recense les retours de quelques académies, celle de Créteil comptait mercredi 659 classes fermées, contre 267 la veille. Cela crée aussi beaucoup de complications et une forme de désorganisation dans les établissements et au sein des familles. Le statu quo n’était plus tenable. La fermeture provisoire des établissements apparaît donc comme la dernière arme à utiliser. D’autant qu’elle permet de facto que davantage de parents télétravaillent. Or, malgré les recommandations du gouvernement dans ce domaine, seulement 26 % des salariés ont été au moins un jour en télétravail en février, un chiffre stable depuis décembre, indique une enquête de la Dares publiée la semaine dernière.

Pourquoi jouer sur les vacances ?

Les vacances de printemps démarrent normalement le 10 avril pour la zone A, le 17 pour la zone C, le 24 pour la zone B, et la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, avait suggéré la semaine dernière de les avancer. Une idée à laquelle s’opposait Jean-Michel Blanquer, mais qui a finalement fait mouche auprès Emmanuel Macron, qui avance les congés pour deux zones. Car cela permet de gagner du temps « en espérant que la situation sanitaire soit moins critique après les vacances », indique Sophie Vénétitay, la secrétaire générale adjointe du SNES-FSU.

Par ailleurs, les enseignants pourront commencer à se faire vacciner à partir de la mi-avril. Une partie d’entre eux seront ainsi mieux protégés en mai, s’ils reprennent le travail en présentiel. Adapter les vacances pour fermer le moins longtemps possible les écoles paraît aussi la solution la moins coûteuse politiquement. « Car Emmanuel Macron, et surtout Jean-Michel Blanquer, se sont souvent targués que la France soit le pays européen où les écoles aient le plus été ouvertes depuis le début de la pandémie », souligne Rodrigo Arenas, le président de la FCPE.

Quels problèmes pose cette mesure ?

Le premier confinement avait été très mal vécu dans de nombreuses familles, car les parents n’arrivaient pas à gérer le télétravail et l’école à la maison. Il avait aussi causé des dégâts pédagogiques et psychologiques chez les enfants. Et l’école à la maison n’a globalement pas été une réussite. Car si certains élèves étaient bien équipes numériquement, d’autres ne l’étaient pas. Des cours en visio étaient certes proposés, mais le travail était parfois juste posté par mail, sans véritable retour derrière, les enseignants devant eux-mêmes gérer leurs enfants confinés. La communauté éducative craint que le scenario ne se répète. « On craint que cela ne se passe mieux qu’il y a un an car rien n’a été anticipé. Le problème d’équipement informatique des élèves n’est pas réglé et très peu d’enseignants ont été formés à l’enseignement à distance », souligne Sophie Vénétitay. La situation des collégiens l’inquiète particulièrement : « car ils ne sont pas forcément très autonomes dans leur travail ».

Cette fois-ci, les parents de jeunes enfants pourront a priori mieux encadrer les devoirs de leurs enfants. Les salariés du secteur privé pourront bénéficier de l’activité partielle s’ils doivent garder un enfant de moins de 11 ans. Et les indépendants, professions libérales ou de santé et contractuels peuvent poser un arrêt maladie s’ils ne peuvent télétravailler. Reste que beaucoup d’entre eux hésiteront certainement à profiter de ces dispositifs, selon Rodrigo Arenas : « Parce qu’ils craindront que cela soit mal vu par leur employeur, parce qu’ils ne pourront se permettre que leurs revenus baissent à cause du chômage partiel, ou parce que leur service ne tournerait pas s’ils s’absentaient aussi longtemps ».

Que se passera-t-il après les vacances ?

La question est aussi de savoir si les écoles rouvriront bel et bien après les vacances, comme s’interroge déjà Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU (premier syndicat du primaire) : « Il va falloir derrière un vrai plan de réouverture, avec un plan de vaccination des enseignants, des mesures efficaces à la cantine ou en termes de distanciation », exige-t-elle de manière anticipée.

La tenue des épreuves de brevet et du bac, à la fin de l’année, semble de plus en plus menacée aussi, selon Sophie Vénétitay : « Dans ces conditions, il semble impossible que le grand oral soit maintenu. Nous demandons aussi l’aménagement des épreuves du bac de français, pour que le programme soit allégé ». Quant à Rodrigo Arenas, il plaide pour que les examens soient délivrés via le contrôle continu : « On n’a pas d’autre choix », estime-t-il.