Coronavirus : Jouer sur les vacances scolaires pour freiner l’épidémie dans les écoles, bonne ou mauvaise idée ?
EDUCATION•L’idée suggérée par Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, aurait beaucoup d’implications pour les familles, les profs et le gouvernementDelphine Bancaud
L'essentiel
- Pour enrayer la progression du Covid-19, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a suggéré mercredi d’avancer de deux semaines les vacances de printemps pour la zone C (c’est-à-dire dès le 5 avril).
- La question d’anticiper les vacances se pose aussi pour des départements de la zone A et B, fortement touchés par la montée en flèche de l’épidémie.
- 20 Minutes analyse les avantages et les inconvénients qu’aurait une telle mesure. Sachant que le ministre de l’Education n’y est, pour l’heure, pas du tout favorable.
Et si c’était la solution face à l’urgence de la situation sanitaire ? La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a suggéré mercredi d’avancer de deux semaines les vacances de printemps pour la zone C (c’est-à-dire dès le 5 avril), afin d’enrayer la progression du Covid-19. Car les hôpitaux sont en tension dans la région et le taux d’incidence (nombre de personnes positives pour 100.000 habitants) des 10-19 ans est passé de 476 le 18 mars à 685 le 25 mars, selon l’ARS Ile-de-France. La question d’anticiper les vacances se pose aussi pour d’autres départements de la zone A et B, fortement touchés par la montée en flèche de l’épidémie. 20 Minutes vous explique les tenants et aboutissants de cette mesure, si elle était adoptée.
Quel serait l’intérêt d’agir ainsi sur le calendrier ?
Dans les établissements, la situation sanitaire empire : « de plus en plus de classes ferment et les personnels, que ce soient les enseignants ou ceux des cantines, tombent comme des mouches », affirme Rodrigo Arenas, coprésident de la principale fédération de parents d’élèves, la FCPE. Les nouvelles restrictions prises la semaine dernière dans plusieurs départements ne semblent pas suffire pour enrayer la dynamique de l’épidémie, selon plusieurs scientifiques. L’un des leviers restants est la fermeture des écoles, des collèges et des lycées. Sachant que selon l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, les parents qui ont un collégien ou un lycéen qui va en cours la journée ont 30 % de risques en plus d’être infectés, comme il l’a indiqué au Journal du Dimanche.
Mais le ministre de l’Éducation refuse catégoriquement de fermer les écoles, le premier confinement ayant montré les limites de l’enseignement à distance. « L’impact est réel sur les conditions d’apprentissages et sur la santé psychique des élèves », souligne l’entourage du ministre, interrogé par 20 Minutes.
Dans ce contexte, avancer les vacances serait un moyen de gagner du temps, « de freiner la circulation du virus en espérant que la situation sanitaire soit moins critique après les vacances », indique Sophie Vénétitay, la secrétaire générale adjointe du SNES-FSU. De son côté, Stéphane Crochet, secrétaire général du Se-Unsa, estime que cette décision « pourrait s’imposer d’elle-même, mais il faut l’anticiper avec les enseignants, les familles et les collectivités », a-t-il déclaré sur Twitter. « Ce serait aussi le moyen pour le ministre de ne pas perdre la face, car il risque de devoir fermer les écoles si le statu quo est maintenu. Alors qu’il s’est maintes fois félicité de ne pas l’avoir fait après le premier confinement », estime Sophie Vénétitay.
Comment pourrait s’appliquer cet avancement des vacances ?
Pour la zone A, les vacances de printemps démarrent le 10 avril. Pour la zone C, le 17. Et pour la zone B, le 24. Ces trois zones concernent des départements particulièrement touchés par la nette accélération de la circulation du virus. « Donc si la décision d’avancer les vacances était prise, elle pourrait concerner les trois zones. On pourrait imaginer que les vacances soient anticipées d’une semaine pour chaque zone ou un dézonage des vacances, qui permettrait de faire partir les élèves tous ensemble », explique Sophie Vénétitay. Au lieu de durer deux semaines, les congés seraient de quatre semaines.
Autre possibilité : que les établissements ferment avant les dates prévues pour les vacances de chaque zone et que les élèves basculent durant deux semaines en enseignement à distance, avant d’être en congés. Si une telle décision était actée, il ne faudrait pas forcément attendre le prochain conseil de Défense pour qu’elle soit annoncée.
Quels en seraient les inconvénients ?
« Il y aurait évidemment un impact et des difficultés pour des familles en termes d’organisation », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, ce jeudi sur France Inter. « Les parents ont déjà posé leurs vacances pour avril, on ne peut pas changer le calendrier scolaire comme ça. Et cela reviendrait à un confinement dur », estime Rodrigo Arenas.
Si cette décision était prise en urgence, « on se retrouverait dans la même situation que lors du premier confinement, qui avait été annoncé un jeudi soir pour une mise en œuvre le lundi d’après. On se rappelle à quel point cela avait été compliqué pour les familles », ajoute Sophie Vénétitay. Autre question qui se pose, selon elle : « Puisque les déplacements interrégionaux sont interdits dans les départements soumis à de nouvelles restrictions, seraient-ils à nouveau autorisés ou les familles devraient-elles rester chez elles ? ».
Qu’en pense le gouvernement ?
« Toutes les propositions sont utiles, surtout quand elles ne nient pas la réalité des faits et qu’elles cherchent à trouver des solutions », a réagi sur France Inter Gabriel Attal à la proposition de Valérie Pécresse. Une manière d’entretenir le flou. Mais du côté du cabinet de Jean-Michel Blanquer, l’idée ne séduit pas : « Il n’est pas prévu à ce stade de modifier les vacances. Cela entraînerait des conséquences pratiques assez lourdes pour les familles, notamment concernant la garde d’enfant », déclare l’entourage du ministre.
Quelles seraient les alternatives ?
Au cabinet de Jean-Michel Blanquer, on évoque d’autres leviers pouvant être actionnés dans les établissements, « comme établir une demi-jauge dans les collèges ou prendre de nouvelles mesures concernant les cantines ». Pour Rodrigo Arenas, « il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il faut ouvrir des lieux tiers (gymnases, préfabriqués, préaux…) pour faire classe ou pour faire déjeuner les enfants, afin de permettre davantage de distanciation ».
Une chose est sûre : de nouvelles dispositions vont bien être actées, comme l’a annoncé ce jeudi Olivier Véran lors de sa conférence de pressse, en déclarant que le protocole sanitaire allait encore être renforcé dans les établissements scolaires.