Coronavirus : Un an après le confinement, est-on vraiment revenus au point de départ ?
PANDEMIE•Il y a un peu plus d’un an, la France faisait l’expérience inédite du confinement, en espérant des jours meilleurs. Mais malgré tous ces efforts, l’épidémie est toujours làLucie Bras
L'essentiel
- Un an après le confinement, qui a commencé le 17 mars 2020, certaines régions sont dans le rouge et la France fait face à la menace d’une troisième vague épidémique.
- Les restrictions en place pour freiner l’épidémie restent fortes : restos et lieux de culture toujours fermés, couvre-feu à 18 heures en métropole, déplacements vers l’étranger limités, reconfinement localisé le week-end à Dunkerque ou à Nice…
- « Il y a un sentiment de burn-out. Quand on met la tête hors de l’eau, on a l’impression d’y replonger. Entendre à nouveau le terme confinement aujourd’hui, alors qu’on voudrait entendre le mot "vaccin", cela provoque beaucoup d’incompréhension et de colère », décrypte le psychiatre Serge Hefez.
Transferts de malades, niveau d’alerte en réanimation et menace de confinement… Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Il y a comme un petit air de déjà-vu, alors que la France s’apprête à commémorer un an de confinement : l’épidémie est toujours là. Et avec elle, des restrictions de plus en plus difficiles à vivre, et des retards de livraison des doses de vaccin… A l’heure de faire un premier bilan de la situation, cette impression d’être revenus au point de départ est-elle justifiée ?
Force est de constater que cette impression de faire du surplace est partagée par de nombreux lecteurs de 20 Minutes, à qui nous avons demandé leur avis. « Le premier confinement s’était bien passé, mais aujourd’hui, je suis en colère. Je ne sais pas contre qui ou quoi, mais il y a une sensation de ras-le-bol. Il n’y a plus aucune stabilité dans ma vie, plus de motivation, et j’ai arrêté d’espérer que la vie redevienne normale », confie Julia. « On vient de voler une année de notre vie et on a l’impression que le retour à la normalité n’est pas sur la table ! Le moral est au plus bas et l’avenir incertain », ajoute Paul.
Sur le fil du rasoir
Un sentiment de découragement expliqué par le psychiatre Serge Hefez. « C’est normal, il se passe exactement la même chose que l’an dernier, on a l’impression que l’histoire bégaye. Il y a une impression de déjà vécu », explique Serge Hefez. « Toutes les tragédies sont sur le modèle de la répétition. C’est comme si ça donnait un destin inéluctable. »
Marie, elle, raconte sa sidération d’être dans la même situation que l’an dernier : « J’ai été diplômée en juin. À cette époque, je pensais que le plus dur était derrière nous. C’est d’ailleurs grâce à cette perspective que j’ai tenu le coup lors du premier confinement, qui a gâché ma dernière année d’études, sans cet espoir, je ne l’aurais pas supporté. Alors de se retrouver dans une situation similaire un an plus tard, ça semble irréel. Si on me l’avait dit en mars dernier, je n’y aurais pas cru. »
« On a des clés qu’on n’avait pas l’an dernier »
« Lors du premier confinement, qui était une mesure exceptionnelle, nous étions pleins de force et d’énergie pour accepter l’inacceptable, la perte de liberté, pour un temps limité et des jours meilleurs. Aujourd’hui, c’est difficile de le prendre en ces termes-là. Il y a beaucoup de résignation », explique Serge Hefez. « Il y a un sentiment de burn-out. Quand on met la tête hors de l’eau, on a l’impression d’y replonger. Entendre à nouveau le terme "confinement" aujourd’hui, alors qu’on voudrait entendre le mot "vaccin", cela provoque beaucoup d’incompréhension et de colère. Certains ont le sentiment d’être menés en bateau », traduit-il.
Et pourtant, même s’il y a des similarités, la France est loin d’être dans la même situation que l’an dernier, rappelle l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève. « Il y a des différences très nettes avec l’an dernier. On connaît cette maladie, on a un vaccin, on sait mieux la traiter, on connaît aussi son pouvoir de développement épidémique, on a des clés qu’on n’avait pas il y a un an », estime-t-il. « On a aussi une population qui se protège beaucoup plus. Lorsque le confinement a été décrété l’an dernier, on n’avait pas mis en place de geste barrières. Cela se traduit sur le taux de reproduction du virus, qui était de 3 l’an dernier, et qui est aujourd’hui de 1,10. »
Des modèles européens
Pourtant, malgré toutes les mesures mises en place, l’épidémie continue sa progression, au prix de sacrifices pour l’ensemble de la population. « Il y a d’abord les nouveaux variants, qui expliquent en grande partie pourquoi les mesures mises en œuvre ne suffisent pas. C’est décevant, mais cela s’explique aussi par le changement de la virulence et de la transmissibilité de la souche, qui n’est pas exactement la même que l’an dernier. » Autre paramètre : « Le choix de l’Europe de vivre avec le virus s’avère être un échec cuisant, à tous les niveaux : sanitaire, social et économique. C’est l’une des grandes leçons que l’on devra tirer au terme de cette pandémie », constate Antoine Flahault, pour qui l’avenir se joue dans les pays qui testent le « vivre sans le virus ».
« On va avoir quatre modèles européens qui devraient ouvrir la route : l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni et l’Irlande », pays qui ont choisi de reconfiner leur population. « Peut-être que ces pays, qui en ont bavé, qui commencent à se débarrasser du virus, n’auront pas envie de partir dans une troisième vague. Leurs stratégies pourraient ensuite être mises en place dans le reste de l’Europe. » Alors que l’Italie et l’Allemagne font face à une troisième vague et durcissent encore plus leurs restrictions, l’avenir de la France semble toujours plus incertain.