Ecotaxe : L’Alsace attend son retour avec impatience, la Bretagne n’en veut toujours pas
ECONOMIE•Une taxe sur les poids lourds est à l’étude en France mais toutes les régions n’y sont pas favorablesGilles Varela et Camille Allain
L'essentiel
- Discutée dans le cadre du plan de la loi climat, la nouvelle écotaxe serait plutôt une « contribution » versée par les transporteurs. Chaque région est libre de la mettre en place ou non.
- En Alsace, on attend cette taxe avec impatience pour se libérer des nombreux camions qui fuient l’Allemagne et son impôt routier.
- En Bretagne, où la fronde des « Bonnets rouges » était née, on assure qu’elle pénaliserait l’économie de l’agroalimentaire.
Elles ont comme point commun d’avoir une identité régionale bien affirmée. Mais géographiquement, tout oppose la Bretagne et l’Alsace. Il n’est donc pas surprenant de voir les deux territoires rendre des conclusions radicalement opposées sur le thème de la nouvelle écotaxe sur les poids lourds. Abandonnée en 2014 sous la pression notamment du mouvement des « Bonnets rouges » initié en Bretagne, l’idée visait à taxer les camions empruntant les routes françaises en vue de financer d’autres moyens de transport comme le train. Un couac qui aurait coûté la bagatelle d’un milliard d’euros rien qu'en indemnisations, à en croire le rapport de la Cour des comptes établi en 2017.
Six ans plus tard, le sujet est pourtant de retour sur la table et sera bientôt débattu à l’Assemblée nationale. Discuté dans le cadre du plan de la loi climat, il s’agirait plutôt d’une « contribution ». Les députés ont donné leur aval dimanche en commission pour une mise en place éventuelle, uniquement pour les poids lourds et dans les régions qui le souhaitent. A l’est, l’Alsace trépigne déjà, alors qu’en Bretagne, on n’en veut toujours pas. Voici pourquoi.
Le régime spécial de l’Alsace
La possibilité de légiférer par ordonnance pour les régions n’est pas nouvelle dans l’Est, car déjà présente dans la loi Alsace d’août 2019. La toute nouvelle Collectivité européenne d’Alsace (CEA) travaille à la mettre en place et est la seule en France, à prendre en charge la gestion de certains tronçons de routes nationales, compétence relevant jusqu’alors de l’État. Objectif principal, « régler le problème » de l’A35. Cette autoroute qui traverse l’Alsace est quotidiennement empruntée par près de 180.000 véhicules dont environ 160.000 poids lourds. Deux mille d’entre eux seraient des camions qui se reportent en France pour échapper à la Maut, l’écotaxe mise en place depuis 2005 côté allemand. « L’Alsace a inspiré le gouvernement », se félicite le président de la CEA Frédéric Bierry.
La situation pénalisante de la Bretagne
Elle a souvent avancé cet argument pour justifier son opposition à l’écotaxe. En Bretagne, la situation de péninsule serait un véritable frein à l’export si une taxe poids lourd était mise en place. Dès dimanche, le président de la région Loïg Chesnais-Girard (PS) a d’ailleurs fait savoir qu’il ne souhaitait pas l’appliquer. « S’il y a une écotaxe pour entrer sur Rungis, nous Bretons qui nourrissons les Parisiens serons taxés pour faire notre métier. Cela sans distinction de ceux qui sont vertueux ou non. La fiscalité pour piloter la transition doit être mieux pensée », a lancé le socialiste sur Twitter. Récemment, le président de la Fédération régionale des transports routiers avait estimé que « toute nouvelle taxe pénaliserait nos entreprises et mettrait en danger leur compétitivité » en raison de la « périphéricité » de la région, où l’agroalimentaire pèse très lourd.
Le leader régional du Rassemblement national est même plus radical. Pour Gilles Pennelle, « il ne faut pas seulement refuser la mise en place de l’écotaxe en Bretagne mais aussi partout ailleurs », en raison de la forte capacité à l’export de la région. Ce dernier entend rappeler que « derrière nos routiers, ce seront également nos maraîchers, ostréiculteurs, pêcheurs, légumiers ou encore éleveurs qui subiront cette nouvelle taxe ».
Pas si simple à mettre en place
Si la Bretagne a clairement fait savoir qu’elle ne souhaitait pas envisager cette nouvelle taxe, les contraintes locales de certains territoires situés aux frontières françaises les poussent à y réfléchir. Mais la tâche ne sera pas simple. En Alsace, malgré l’engouement généralisé, la mise en place de la taxe poids lourd reste soumise à l’ouverture du très controversé grand contournement ouest de Strasbourg (GCO) fin 2021 ou début 2022, mais aussi « aux conditions techniques de son application », rappelle le président Frédéric Bierry. « Elles sont depuis longtemps à l’étude. Si cela peut paraître facile, c’est loin d’être évident car il y a des contraintes techniques mais aussi géographiques pour savoir précisément où elle peut-être utile car il ne faudrait pas que le trafic poids lourd se reporte sur d’autres petites routes où même des voies rapides parallèles notamment dans le Haut-Rhin et même dans les Vosges » précise Frédéric Bierry.
Cette taxe sur les poids lourds en transit pourrait prendre la forme d’une vignette, d’un contrôle par les portiques ou par position GPS. « C’est à l’étude », précise l’élu qui sait que cet impôt ne sera pas appliqué avant 2024, voire 2025. Rien ne dit que les portiques installés en 2013 et très souvent pris pour cible par des opposants ne soient utilisés. Le chemin est encore long.