Non, l'avortement sans conditions jusqu'à neuf mois n'est pas légal, contrairement à ce qu'explique Michel Onfray
FAKE OFF•Invité d'«On est en direct » samedi soir, Michel Onfray a repris une polémique née l'été dernier au sujet de l'interruption médicale de grossesse (IMG), qui diffère de l'IVGMathilde Cousin
L'essentiel
- «Vous avez un enfant jusqu’à neuf mois et puis vous dites, ça n’est plus mon projet. Et là, à ce moment-là, on estime que vous avez le droit de tuer cet enfant dans le ventre de la mère », a expliqué Michel Onfray sur le plateau de France 2 samedi soir.
- Le philosophe faisait allusion à un amendement portant sur l'interruption médicale de grossesse (IMG), qui diffère de l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
- Acte médical, l'IMG peut se pratiquer jusqu'au neuvième mois, mais uniquement sur décision d'un collège de professionnels et dans des situations précises.
Dénonçant la fabrication d’une « civilisation transhumaniste », le philosophe Michel Onfray a pointé du doigt à tort un droit à l’avortement qui permettrait aux femmes d’interrompre leur grossesse jusqu’au neuvième mois sans conditions.
« Il y a une loi, vous savez, qui a été votée entre le 31 juillet et le 1er août, qui rend possible les avortements d’enfants qui ont neuf mois. Ça s’appelle des infanticides, a-t-il lancé samedi soir sur le plateau d’On est en direct, sur France 2. C’est ça, être progressiste ? Imaginez que quand cet enfant ne correspond plus à votre projet, c’est-à-dire qu’un enfant n’est pas un enfant, c’est un projet, et comme vous avez le droit de changer de projet quand vous voulez, comme vous voulez. Vous avez un enfant jusqu’à neuf mois et puis vous dites, ça n’est plus mon projet. Et là, à ce moment-là, on estime que vous avez le droit de tuer cet enfant dans le ventre de la mère. »
L’écrivain reprenait une polémique qui était née l’été dernier, au sujet d’un amendement porté au projet de loi bioéthique.
FAKE OFF
Ce projet de loi n’a pas encore été adopté définitivement et ne fait donc pas force de loi. Michel Onfray faisait allusion à un amendement adopté par les députés le 1er août. Cet amendement précise les conditions permettant de recourir à l’interruption médicale de grossesse (IMG). A la différence de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), qui se pratique à la seule demande de la femme et ne peut être pratiquée au-delà de la douzième semaine de grossesse, l’IMG est pratiquée sans délai lorsque la santé de la mère ou de l’enfant est en danger.
Elle est pratiquée « si la grossesse met gravement en danger de la femme enceinte » ou « s’il y a une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic », développe l’Assurance maladie.
Contrairement à ce qu’expliquait le philosophe, l’IMG ne se pratique donc pas sur la seule volonté de la mère ou des parents. Elle doit être validée par une équipe pluridisciplinaire de médecins spécialistes et des examens complémentaires peuvent s’avérer nécessaires pour statuer sur l’état de santé de la mère ou de l’enfant.
« Clarifier le cadre juridique »
L’amendement adopté le 1er août précise qu’une « détresse psychosociale » mettant en « péril grave » la mère peut justifier la pratique d’une IMG. Il vient préciser une loi de 2001, expliquait le Collège national des gynécologues et obstétriciens français dans un communiqué d’octobre 2019.
Pourquoi ajouter une telle précision dans la loi ? « On constate trop souvent des interrogations et des divergences d’interprétation sur l’opportunité de prendre en compte la détresse psychosociale parmi les causes de péril grave justifiant la réalisation d’une IMG, détaillent les députés auteurs de la proposition. Il convient donc de clarifier le cadre juridique dans lequel le collège médical rend son avis sur l’opportunité de réaliser cet acte. »
Une prise en charge « inégale » sur le territoire
Le CNGOF ajoute pour sa part que « l’IMG psycho-sociale est actuellement mal connue dans les services de gynécologie-obstétrique » et que la prise en charge de ces patientes « est inégalement répartie sur le territoire national ».
Cet acte médical « concerne des femmes en situation de danger personnel, de violences, de difficultés psychologiques majeures ou d’extrême précarité, rendant impossible la poursuite de leur grossesse alors même qu’elles dépassent le délai légal de l’IVG de 14 semaines d’aménorrhée ». Les gynécologues ajoutent que certaines femmes se tournent alors vers « des déplacements à l’étranger pour interruption de grossesse, néfastes pour la santé, onéreux voire inaccessibles pour certaines femmes ».
« Mesurer le degré de détresse »
Le professeur Israël Nisand, ex-président du CNGOF, ajoute que recevoir ces femmes « ne présume en rien » du choix de l’équipe médicale de donner suite ou non à la demande d’IMG. Cette démarche permet toutefois de permettre « aux équipes de mesurer le degré de détresse, ce qui n’a pas lieu lorsque les structures hospitalières éconduisent d’emblée les femmes qui ont dépassé le délai légal de l’IVG », défend-il.
Cet amendement ne fait pas l’unanimité chez les députés. Le rapporteur du projet de loi s’est montré prudent lors des débats sur le texte. Pour Jean-François Eliaou, « le problème n’est pas le droit, mais la pratique ». « Visiblement, l’IMG psychosociale est [...] trop mal connue dans les services de gynécologie-obstétrique, mais ce n’est pas par la loi qu’on corrigera cette situation », précise le député LREM.
L’élu s’interroge également sur le choix d'« énumérer ce seul motif d’IMG, et non pas d’autres » : « Que se passera-t-il si ce péril résulte d’une cause purement psychologique, et non psychosociale ? Comment définir exactement les causes psychosociales ? » Une proposition de loi déposée en octobre vise déjà à supprimer cet amendement, alors que le projet de loi bioéthique n’a pas encore été adopté dans sa version définitive.
En 2016, 7.366 attestations en vue de réaliser une IMG ont été délivrées – ce qui n’est pas le nombre d’IMG effectivement réalisées, précisait l’Agence de la biomédecine en 2017. « La majorité des attestations a été délivrée aux deux premiers trimestres de la grossesse, ajoute l’Agence. Seules 13,9 % des attestations ont été délivrées au 3e trimestre. » Cette répartition « reste sensiblement constante depuis 2012 ».