« Je voulais donner à voir la solitude des victimes » du harcèlement de rue, raconte une candidate du Nikon Film Festival
INTERVIEW•Manon Montrouge, étudiante à Sciences po Bordeaux, participe au Nikon Film Festival avec son court-métrage « Bien rentrée »Elsa Provenzano
L'essentiel
- Etudiante à Sciences po Bordeaux, Marion Montrouge participe au Nikon Film Festival avec un court-métrage sur le harcèlement de rue.
- Il met en scène Alma, interprétée par l’actrice Jade Vergnes, interpellée sur un quai de métro.
- Des votes du public sont possibles sur la plateforme du festival jusqu’au 11 avril.
A 22 ans, Manon Montrouge, étudiante à Sciences Po Bordeaux, participe à la 11e édition du Nikon Film Festival qui commence ce mercredi, en ligne. Réalisatrice sur son temps libre, elle n’en est pas à son premier court-métrage mais c’est le premier qu’elle réalise entourée par des professionnels (notamment l’association Crashtest production) et qui concourt dans un festival. Elle a choisi d’évoquer dans son court-métrage « Bien rentrée » de 2'20'' le sujet du harcèlement de rue.
Comment en êtes-vous arrivée à aborder cette thématique ?
Cela fait un moment qu’avec des amis on voulait participer au Nikon Film Festival. Cette année le thème c’était le jeu et je ne trouvais pas spécialement d’approche… Jusqu’à cet été où je me suis fait harceler dans le Marais à Paris. C’était la première fois que c’était si violent. Et, comme cela m’est arrivé une deuxième fois en moins de 24 heures, j’ai été frappé que ces gens aient envie de rire. Je me suis dit que ce n’était pas un jeu et que moi, cela ne me faisait pas rire. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de relier le thème du jeu avec celui du harcèlement de rue.
Comment avez-vous travaillé sur ce phénomène de harcèlement de rue, en amont de la réalisation du court-métrage ?
Cela faisait un moment que je prêtais attention à ce que disaient mes amies autour de moi, d’ailleurs assez souvent à Paris mais aussi à Bordeaux. J’ai commencé à prendre des notes sur les pratiques de chacune et par exemple la clé que l’on voit dans la main d’Alma, l’héroïne, en fin de court-métrage cela vient d’un témoignage. Il est frappant de se dire que cela peut prendre quelques minutes de la journée d’un harceleur alors que la victime peut en être traumatisée sur plusieurs années, voire à vie.
Pour quelle raison avez-vous choisi de mettre en avant une scène de harcèlement dans les transports, identifiés comme des lieux « à risque » ?
C’est quelque chose qui m’interpelle énormément que les femmes soient tristement passantes dans l’espace public. Même sans prêter aucune attention à personne, elles se font continuellement siffler, interpeller, etc. En tout cas personnellement ça m’arrive très très régulièrement, ça m’est encore arrivé cette semaine d’ailleurs… Du coup, j’ai adapté mon comportement, je suis plus vigilante, je fais plus attention. J’ai aussi lu des choses sur comment me protéger, comment limiter le plus possible les interactions avec le harceleur.
Le court-métrage est vraiment centré sur l’héroïne Alma. On ne voit pas de gros plans sur les harceleurs, pourquoi ?
J’ai voulu traduire visuellement le point de vue du personnage principal, Alma, car je pense qu’il n’y a pas de profil type du harceleur. Pour moi c’était important que cela reste sur sa perception à elle, pour donner à voir cette capsule, cette solitude dans laquelle se retrouvent plongées certaines victimes. Et l’ignorance des passants contribue à ça. Même si on peut comprendre que, si c’est terrifiant pour la victime, ça l’est aussi pour ceux qui assistent à la scène. Je voulais rester sur son regard c’est pour ça que la caméra reste au plus près d’elle. On a fait de vrais choix esthétiques et artistiques pour faire avant tout du cinéma, je n’ai pas voulu réaliser un film concept pour parler du harcèlement à tout prix.