Coronavirus à Aubervilliers : Des bénévoles sensibilisent à la vaccination jusque sur le marché
REPORTAGE•Pour sensibiliser les plus précaires à la vaccination, la Seine-Saint-Denis a déployé un bus qui sillonne le département. A son bord, des bénévoles informent les habitants et proposent même à certains des rendez-vousCaroline Politi
L'essentiel
- Un bus sillonne le département de Seine-Saint-Denis pour sensibiliser à la vaccination. A son bord des professionnels mais également des bénévoles.
- Une vingtaine de dates sont prévues.
- Les plus précaires se voient proposer des rendez-vous au centre de Bobigny.
«C’est mon jour de chance, on va me donner un rendez-vous ! », s’exclame Kouka. Même derrière son masque, impossible de ne pas entrevoir son large sourire. Lundi prochain, cette femme de 75 ans se rendra à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, dans un centre de vaccination réservé aux plus précaires, pour se voir délivrer sa première dose du précieux sérum contre le Covid-19. « Je rentrais du marché quand j’ai entendu le Monsieur parler des vaccins, explique cette habitante d’Aubervilliers. Ça fait longtemps que j’y pensais mais je ne savais pas trop où aller. » Isolée, sans téléphone portable ni Internet, la septuagénaire se sentait dépasser par les démarches à entreprendre.
Le « Monsieur » en question, c’est Gérard, 71 ans, l’un des 45 bénévoles recrutés par la Seine-Saint-Denis pour sensibiliser la population à la vaccination. Depuis mardi, ces volontaires se relaient sur le « bus de la vaccination », un centre d’information itinérant qui sillonne ce département, l’un des plus touchés par la pandémie, pour aller au-devant des plus précaires. Pour cette nouvelle étape, il a marqué l’arrêt à Aubervilliers, en face de la mairie. « On cible principalement des personnes qui pourraient avoir du mal à passer par la voie classique, précise Odile, l’une des bénévoles. Ceux qui ne parlent mal français et n’osent pas téléphoner, par exemple. »
« J’avais envie de me rendre utile »
Cette retraitée de l’enseignement a postulé sur Internet puis a suivi deux jours de formation. « Depuis le premier confinement, je me demandais pourquoi les retraités n’étaient pas plus sollicités, j’avais envie de me rendre utile », explique-t-elle. Alors, avec son binôme Gérard, elle arpente sans relâche les rues du centre-ville, interpelle les plus âgés, oriente les plus démunis vers la secrétaire médicale du « bus », chargée de leur trouver un rendez-vous.
« On a parlé pendant des semaines des antivaccins mais force est de constater qu’il y en a très peu, en tout cas à Aubervilliers », note Gérard. Certes, un quart « environ » des personnes avec qui il s’est entretenu ce mardi matin lui ont fait part de leur souhait de ne pas se faire vacciner – principalement par crainte des effets secondaires ou parce qu’ils préfèrent s’en remettre « aux mains de Dieu », à l’instar de cet homme de 76 ans – mais rares sont ceux à tenir un discours complotiste. Au contraire, dans les rues de cette cité populaire, la majeure partie des personnes de plus de 75 ans qu’il aborde ont déjà reçu leur première dose ou ont un rendez-vous courant mars. « C’est vrai qu’ici beaucoup de gens sont vaccinés, confirme Hatouma Traoré, l’infirmière du dispositif. Peut-être est-ce parce qu’il y a un centre de vaccination dans la commune ? » A l’échelle du département, environ 25 % de plus de 75 ans ont reçu au moins une dose.
« J’ai le cœur fragile »
Certains habitants se sont néanmoins présentés spontanément devant le bus. Pour prendre des informations à l’image de Malika, 77 ans, qui « hésite ». « Deux de mes enfants me poussent à me faire vacciner, une autre me dit d’attendre un petit peu, je suis perdue », reconnaît cette habitante. Elle ne prendra pas rendez-vous mais repart « rassurée ». Lotito, lui, est ravi. Il va « enfin » pouvoir se faire vacciner. Des semaines que sa femme appelle – en vain – pour essayer de lui dégoter un rendez-vous. Il n’y avait pas renoncé mais n’y croyait plus beaucoup. Et puis ce matin, en sortant d’un enterrement, il est tombé par hasard sur l’événement.
Au cours de la matinée, quinze personnes ont pris rendez-vous, comme lui, pour se faire vacciner à Bobigny, dix autres – peu mobiles – ont été inscrits sur la liste d’attente du centre d’Aubervilliers. Ils seront rappelés dans les jours qui viennent. « Quand les vaccins n’étaient pas encore là, beaucoup de personnes nous faisaient part de leur réticence alors qu’aujourd’hui, c’est vraiment minoritaire, assure Hatouma Traoré, qui était auparavant mobilisée sur la campagne de la grippe. Au contraire, il y a une véritable attente. » Notamment parmi ceux qui ne sont pas encore éligibles.
Notre dossier sur la vaccination
« J’ai 74 ans et 6 mois, se désole un homme aux abords du bus. Pourtant, j’ai le cœur fragile… » Il espérait, en venant plaider sa cause auprès de l’équipe, obtenir le précieux sésame. « Prenez rendez-vous avec votre médecin traitant, si vous faites partie des personnes dites "à risque", il vous donnera une ordonnance », explique la professionnelle de santé. Sinon, il devra attendre la prochaine étape de la campagne, courant avril. Peut-être que d’ici-là, il se fera directement vacciner dans le bus. Le projet est en tout cas en cours d’élaboration. « Mais ce sera sur rendez-vous », précise le département. En attendant, une vingtaine d’arrêts sont d’ores et déjà prévus d’ici la fin du mois de mars.