Polynésie : Trop peu de données pour faire le lien entre cancers et essais nucléaires
ATOME•Les chercheurs de l'Inserm, qui ont analysé 1.150 documents, préconisent d'autres approches pour évaluer l'impact des rayonnements sur les Polynésiens20 Minutes avec AFP
Quelles ont été les conséquences des essais nucléaires français en Polynésie sur la santé des locaux ? Dans un rapport à paraître mercredi, des chercheurs de l’Inserm pointent le manque de données pour établir ou exclure un lien entre ces essais et des pathologies telles que le cancer.
Les résultats des études menées en Polynésie française « sont insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre l’exposition aux rayonnements ionisants issus des retombées des essais nucléaires atmosphériques en Polynésie française et l’occurrence » de pathologies comme le cancer de la thyroïde ou les hémopathies malignes, ont estimé dix experts réunis par l’Inserm, selon la synthèse du rapport.
46 essais atmosphériques
Mais les rares études épidémiologiques « ne permettent pas non plus d’exclure l’existence de conséquences sanitaires qui seraient passées inaperçues jusqu’à présent », nuance ce rapport commandé en 2013 par le ministère de la Défense.
Les experts ont analysé 1.150 documents et études portant sur la Polynésie française et sur d’autres sites où ont eu lieu des essais nucléaires. La France a réalisé 193 essais sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, dans l’archipel des Tuamotu, entre 1966 et 1996, dont 46 essais atmosphériques, les huit premières années. Le rapport souligne à plusieurs reprises le manque d’études complètes pour établir l’impact des essais sur la santé des Polynésiens.
Le plus haut taux de cancer de la thyroïde au monde
Ces résultats et la rareté des données « justifient la nécessité d’envisager d’autres approches afin d’évaluer les conséquences sanitaires des retombées des essais nucléaires en Polynésie française », précise-t-il. Il constate cependant une incidence très élevée de cancers de la thyroïde en Polynésie française. « Sur la période 1998-2002, elle est même la plus élevée au monde, avec celle de la Nouvelle-Calédonie ».
Mais les experts n’établissent pas de lien avéré avec les essais nucléaires, et pointent aussi d’autres facteurs de risques pour les pathologies constatées, comme le tabagisme, la forte consommation d’alcool ou l’obésité. Cette étude n’englobe pas toutes les conséquences sanitaires potentielles des essais nucléaires : les auteurs précisent qu’ils ont étudié les conséquences des rayonnements ionisants, mais pas les effets psychosociaux, ni la toxicité chimique des radionucléïdes.
Dans ses conclusions, le rapport recommande une amélioration de la surveillance sanitaire des pathologies non transmissibles, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires et les anomalies congénitales. Il estime nécessaire d’affiner les estimations de doses reçues par la population locale. Il propose enfin de réaliser une veille attentive et rigoureuse de la littérature scientifique internationale sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants.