Non, le ministère de l’Education ne « fiche » pas les élèves de maternelle
FAKE OFF•Une étude statistique menée par un service de l’Education nationale suscite l’inquiétudeAlexis Orsini
L'essentiel
- Les élèves d'école maternelle sont-ils la cible d'un « fichage » de l'Education nationale ?
- Certains internautes s'en inquiètent à cause d'une étude en cours de réalisation auprès d'enfants de petite section, qui cherche notamment à savoir s'ils ont « facilement les larmes aux yeux » ou encore s'ils « coupent la parole ».
- Le ministère de l'Education nationale confirme l'authenticité de ce panel statistique en cours d'expérimentation, en rappelant que ce type d'enquête est courant depuis des années.
Alors que le protocole sanitaire contre le Covid-19 en vigueur dans les établissements scolaires n’a cessé d’évoluer au fil des mois, une mesure bien plus discrète, entrée en vigueur en début d’année, porterait une grave atteinte aux libertés des élèves en bas âge.
« Blanquer veut ficher les élèves dès l’âge de 3 ans ! », s’alarme ainsi un article de blog Mediapart relayé sur Facebook, qui provoque de nombreuses réactions indignées en commentaire : « Nos enfants ne seront pas vos esclaves ! », « c’est aux parents de réagir »…
Le texte en question dénonce la mise en place d’un « questionnaire proposé de janvier à mars à 35.000 élèves de 1.700 classes de petite section de maternelle », invitant les enseignants à noter avec quelle régularité (« souvent, », « parfois »…) un(e) enfant « coupe la parole », « a facilement les larmes aux yeux » ou encore « est facilement distrait(e) par tout ce qui se passe autour ».
FAKE OFF
Contacté par 20 Minutes, le ministère de l’Education nationale confirme l’authenticité du questionnaire tout en s’étonnant de cette polémique : « Il s’agit d’un panel statistique comme en fait la DEPP [Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance], un service statistique du ministère, depuis des années. Ca fait 45 ans qu’elle réalise de telles études. En l’occurrence, il s’agit d’un suivi longitudinal d’élèves du début à la fin de leur scolarité, qui concerne 35.000 élèves en petite section, entre 2021 et 2022, dans 1.700 classes maternelles réparties sur tout le territoire national, qui sont suivis de manière administrative par le biais de questionnaires. »
Comme l’indique la DEPP sur son site, cette enquête s’inscrit en effet dans la continuité de précédentes études réalisées auprès d’élèves de CP en 2007 et 2011, notamment. « Comme toute opération statistique menée par la DEPP, une phase d’expérimentation est menée en préalable. Cette phase se déroule au premier semestre 2021. Elle concerne un échantillon réduit et consiste en l’expérimentation de grilles d’observation des élèves, du module d’activités langagières et transversales et de questionnaires auprès des enseignants », détaille-t-elle en outre.
« Certains [élèves], tirés au sort, passeront aussi un test à l’aide d’une application sur tablette. Un questionnaire sera adressé à leur famille au printemps 2022, décrivant le milieu familial et social, les modes de garde avant la rentrée à l’école, le degré d’implication et les attentes de la famille en matière d’éducation », indique par ailleurs la DEPP.
« Voir comment les inégalités scolaires peuvent évoluer de la maternelle au CP »
C’est en revanche la première fois qu’une telle enquête est menée auprès d’élèves si jeunes, comme le reconnaît le ministère de l’Education nationale : « Cela correspond à l’abaissement de l’instruction obligatoire à l’âge de 3 ans, ce qui nous permettra aussi d’observer le rôle que joue l’école maternelle par rapport à l’école élémentaire et de voir comment les inégalités scolaires peuvent évoluer de la maternelle à l’entrée au cours préparatoire ».
Et si le ministère souligne « qu’aucune de ces données ne fera l’objet d’un fichage », celles-ci étant « protégées » et « recueillies uniquement pour établir des statistiques propres à la DEPP », le syndicat enseignant SNUipp-FSU de Haute-Garonne s’inquiétait, début février, que cette enquête semble « préparer le terrain à la constitution d’un véritable casier scolaire, au service de la normalisation et du profilage des élèves. »
Une crainte qui n’est pas sans rappeler le tollé provoqué dans le milieu enseignant par Jean-Michel Blanquer en octobre 2011, lorsqu’il était « simple » directeur général de l’enseignement scolaire et avait proposé de « repérer » les élèves présentant des risques d’apprentissage dès la maternelle.
« Le panel statistique de la DEPP n’est en aucun cas une commande du ministre de l’Education, et elle n’est pas réalisée dans la continuité des mesures proposées par Jean-Michel Blanquer à l’époque », indique le ministère de l’Education nationale.