Braquage de Kim Kardashian : « La grosse connerie, c’est l’ADN retrouvé sur les lieux », reconnaît un des braqueurs
INTERVIEW•Près de cinq ans après le braquage de Kim Kardashian, Yunice Abbas, qui reconnaît avoir participé à ce spectaculaire « coup » se confie dans le livre « J’ai séquestré Kim Kardashian »Caroline Politi
L'essentiel
- Le 2 octobre 2016, Kim Kardashian était braquée en pleine nuit dans un hôtel parisien. Près de neuf millions d’euros de bijoux lui étaient dérobés.
- Les cinq braqueurs, des « bandits à l’ancienne », ont été interpellés quelques semaines plus tard.
- Le parquet a requis les assises pour 12 personnes, dont Yunice Abbas qui vient de sortir le livre J’ai séquestré Kim Kardashian.
Dans la nuit du 2 octobre 2016, cinq braqueurs déguisés en policiers pénètrent dans un hôtel ultra-select à deux pas de la place de la Madeleine, à Paris. À l’intérieur : une seule cliente, Kim Kardashian. Les voleurs s’emparent de ses bijoux avant de prendre la fuite à vélo. Quelques semaines plus tard, les enquêteurs procéderont à une vague d’interpellations. En juin, le parquet a réclamé les assises contre 12 personnes. Parmi elles, Yunice Abbas, 67 ans. Dans un livre, J’ai séquestré Kim Kardashian*, paru jeudi, il donne sa version des faits.
Pourquoi avoir décidé d’écrire un livre sur le braquage de Kim Kardashian alors que votre procès n’a pas encore eu lieu ?
Ça vient d’une frustration. Dans cette affaire beaucoup d’énormités ont été dites dans les médias. Quand certains journalistes affirment que c’est la broche qui est tombée de mon sac qui a permis de remonter jusqu’à nous, c’est totalement faux. Non seulement, j’avais des gants mais surtout je ne l’ai jamais touchée. Je voulais donner ma version des faits, surtout avant le procès. Normalement, les jurés ne doivent décider qu’en fonction de ce qu’ils entendent au tribunal, mais tellement de bêtises ont été dites, je voulais que ma voix soit aussi entendue.
Comment êtes-vous arrivé sur ce « coup » ? Pourquoi choisir de braquer l’une des stars les plus connues de la planète ?
A vrai dire, je ne connaissais pas du tout Mme Kardashian, son nom me disait vaguement quelque chose, sans plus. C’est un ami de longue date, « la Pince », en qui j’avais entièrement confiance, qui m’a proposé de me faire un peu d’argent. Il avait procédé à tous les repérages, monté l’équipe. Moi, je ne connaissais pas les autres, mais petit à petit l’idée a fait son chemin. J’ai accepté une ou deux semaines avant le braquage mais jusqu’au dernier moment, c’était incertain, il fallait que tous les voyants soient au vert pour y aller.
Vous ne vous attendiez pas à un tel butin…
Quand on décide de faire un mauvais coup, on s’assure d’un minimum de revenu. Prendre de tels risques doit valoir le coup. On s’attendait donc à voler sa fameuse bague de fiançailles à quatre millions d’euros. On a eu un bonus, tant mieux ! [le montant total du butin est estimé à neuf millions d’euros car la star était notamment en possession de bijoux prêtés par des joailliers pendant la fashion week].
Hormis la broche que vous avez perdue en tombant à vélo, ces bijoux n’ont jamais été retrouvés. Où sont-ils ?
[Rires] Chez des spécialistes ! Ils ont transité par Anvers [en Belgique], qui est une plaque tournante du retraitement des diamants. Il faut savoir que les vitrines des joailliers travaillent dans les deux sens : ils vendent aux riches, rachètent aux voleurs et revendent aux riches ! [Le chef présumé du groupe, Aomar Aït Khedache, a affirmé aux enquêteurs avoir confié le diamant à une personne dont il n’a pas révélé l’identité et avoir fait fondre les bijoux en or.]
Le jour du braquage, malgré un plan bien rodé, tout ne s’est pas passé comme prévu. Dans votre livre, vous admettez des erreurs mais refusez le terme « pieds nickelés » dont vous ont affublé certains médias….
Malgré les impondérables, l’affaire est réussie : nous avons récupéré la bague et même d’autres bijoux sans blesser personne. Mais quand on monte ce genre de coup, il y a la théorie, mais la pratique, c’est autre chose. Tout avait été paramétré : une source interne nous avait décrit les lieux, on savait que les caméras ne marchaient pas, que la police faisait régulièrement des descentes pour de la cocaïne d’où l’idée de se déguiser en policier pour se faire ouvrir la porte… Mais on a beau essayer de maîtriser un maximum de facteurs, on ne peut pas tout prévoir. Il faut toujours garder du sang-froid pour improviser ! Quand mon pneu de vélo crève et que je chute, je ne peux pas le prévoir. J’ai néanmoins pu ramasser les bijoux, même si j’en ai oublié un, et prendre la fuite tranquillement.
Comment expliquez-vous alors que vous ayez été interpellé quelques mois après le braquage ?
La grosse connerie, c’est l’ADN qu’ils ont retrouvé sur les lieux. Mais on a fait d’autres erreurs, notamment d’attendre pour revendre la marchandise. On aurait dû faire cela le lendemain ou dans les 48 heures, au lieu d’espérer que la tempête passe. Toutes les écoutes téléphoniques viennent du fait que le partage n’a pas été fait immédiatement. Moi, j’ai aussi fait la bêtise de participer à une réunion avec le reste de l’équipe dans un bar. Mes complices étaient déjà identifiés et connus. A l’époque, les enquêteurs avaient des soupçons sur moi, j’ai été assimilé au groupe à ce moment-là.
Vous opposez beaucoup dans votre livre les bandits à l’ancienne à ceux de la nouvelle génération ?
Il y avait une certaine éthique qu’il n’y a plus. On s’en prenait aux biens, pas aux gens. Si ce braquage avait été réalisé par des jeunes, ça aurait pu mal tourner : il y aurait pu y avoir de la violence pour obtenir, par exemple, l’ouverture des coffres-forts.
Kim Kardashian raconte qu’elle a été menacée avec une arme…
A l’origine, il était convenu qu’il n’y ait pas d’arme. Moi, je ne l’ai pas vue puisque j’étais dans l’équipe du bas qui surveillait l’entrée et le gardien. En revanche, je ne nie pas la violence qu’elle a ressentie. Entrer dans sa chambre pour la braquer, c’est évidemment violent. Mais il n’y a pas eu aucun coup porté : sa secrétaire était cachée, le concierge, je lui ai fait une prise de judo, elle s’est laissée faire…
Dans le livre, vous donnez beaucoup de détails. Vous n’avez pas peur de passer pour une « balance » ?
Je ne dis rien qui n’est pas au dossier. Et je ne parle que de la « Pince » qui a reconnu les faits. Je n’ai trahi aucun secret.
Vous avez passé une vingtaine d’années en prison dans votre vie mais vous dites que ce coup est le dernier. Qu’est-ce qui a changé ?
On nous a appelés les papys braqueurs, c’est vrai. J’ai pris conscience de mon âge sur cette affaire, j’ai 67 ans, je n’ai plus la santé, physiquement je me suis affaibli, je ne peux plus courir. Je n’ai plus envie.
*J’ai séquestré Kim Kardashian, Yunice Abbas et Thierry Niemen, Editions L’archipel, 18 euros.