Nantes : Avec les Bureaux du cœur, il veut ouvrir les entreprises aux sans-abri pour la nuit
SOLIDARITE•Sur l’île de Nantes, Pierre-Yves Loaec héberge Souleymane dans les locaux de sa société depuis le mois d’octobre
Julie Urbach
L'essentiel
- Un chef d'entreprise nantais confie les clés de ses bureaux à une personne sans-abri.
- Son association, les Bureaux du coeur, recherche d'autres dirigeants volontaires pour faire grossir l'initiative.
«J’étais à la rue et me voilà ici. C’est un lieu un peu spécial mais c’est une chance rare pour me reconstruire… » Depuis quelques mois, Souleymane a enfin retrouvé le sourire. Cet homme de 38 ans, devenu SDF après un « problème familial », n’a plus à arpenter les rues de Nantes pour chercher un endroit où dormir au chaud. Depuis le mois d’octobre, il a trouvé refuge au sein des locaux cossus de l’agence de communication Nobilito, situé sur l’île de Nantes. Le patron, Pierre-Yves Loaëc, lui a carrément confié un double des clés. Chaque soir, Souleymane y retrouve son canapé, logé au fond d’un petit couloir situé au rez-de-chaussée, juste à côté du petit coin cuisine et WC.
C’est le principe des Bureaux du coeur, une association lancée par ce dirigeant d’entreprise nantais. « L’objectif est de mettre gracieusement à disposition un petit espace propice à l’accueil d’une personne sans abri, explique Pierre-Yves Loaëc. Il suffit d’un canapé ou d’un coin sieste, une armoire qui ferme à clé, dans l’idéal une douche et un micro-ondes… » Dans les locaux de Nobilito, l’« invité », comme il est appelé, dispose aussi d’un frigo, d’une petite bouilloire, d’une connexion Wi-fi et d’un rétroprojecteur pour regarder des films, dans la salle de réunion. « Je me sens comme chez moi, même si l’ambiance est un peu bizarre le week-end, sourit Souleymane. Je n’ai pas le droit d’inviter des gens, mais tout ce qu’on m’offre ici est déjà amplement suffisant. Il faut dire que je ne suis pas quelqu’un d’envahissant ! »
« Prendre un café, créer des liens »
Car les bénéficiaires ont naturellement des règles à respecter, qui figurent dans le contrat tripartite signé avec l’entreprise qui les accueille et l’association qui a fait le lien. La première concerne les horaires : « Pendant la semaine, on leur demande d’être prêts pour 8h30 et de rentrer en fin de journée vers 17h30-18h, détaille Pierre-Yves Loaëc. On les croise le matin et le soir, ce qui permet de prendre un café, de créer des liens. » Souleymane, qui cherche un poste en menuiserie, a par exemple pu bénéficier de conseils d’une collaboratrice pour remettre à jour son CV.
Selon Pierre-Yves Loaëc, qui a « facilement levé les freins juridiques et d’assurance » pour que cet accueil se fasse dans les règles, une quinzaine de chefs d’entreprises seraient aujourd’hui volontaires pour loger une personne sans-abri, de quelques jours à une durée de six mois maximum. Mais l’offre et la demande peinent encore à se rencontrer, alors que l’initiative s’adresse à un certain type de public, des personnes « en réinsertion », des « étudiants en grande précarité » ou des « femmes en situation d’urgence ».
Pour étoffer son réseau, il lance un appel aux dirigeants intéressés, dans tout le département de Loire-Atlantique et ailleurs en France, alors qu’un coordinateur va être nommé pour faire grossir l’association des Bureaux du coeur. « On pourrait se dire qu’il suffit de faire un chèque pour aider, confie le dirigeant de Nobilito. Mais on se priverait d’une vraie aventure humaine. Toutes ces rencontres, on ne les aurait pas faites autrement. »