FAMILLESPour les enfants de milieux défavorisés, le confinement a été encore pire

Soucis scolaires, trop d’écrans, troubles du sommeil… Les enfants des milieux défavorisés ont davantage souffert lors du confinement

FAMILLESUne étude de l’Ined parue ce jeudi a décortiqué le quotidien des enfants de 8-9 ans pendant le premier confinement, au printemps 2020
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le premier confinement lié au Covid-19, au printemps dernier, a été un moment difficile à passer pour beaucoup d’enfants. Et particulièrement pour ceux issus des familles défavorisées.
  • L’école à la maison n’a pas été aisée, la qualité de leur sommeil a été altérée, leurs relations familiales se sont souvent tendues et ils ont davantage subi de difficultés émotionnelles.

Moins d’interactions sociales, moins d’école, moins de loisirs… Les enfants ont payé un lourd tribut lors du premier confinement. Mais ceux issus des familles les plus modestes ont encore plus pâti de la situation. On s’en doutait, mais une étude de l’Ined parue ce jeudi, et qui a analysé le quotidien d’enfants de 8-9 ans, le prouve. Des enseignements qui sont particulièrement intéressants alors que l’hypothèse d’un troisième confinement se renforce ces dernières semaines.

Force est de constater que le confinement a d’abord rendu plus complexes leurs apprentissages scolaires. Toutes catégories sociales confondues, les deux tiers des enfants ont travaillé moins de trois heures par jour. « Ce n’est pas beaucoup par rapport au temps scolaire habituel », souligne Bertrand Geay, professeur en sciences politiques à l’université de Picardie et chercheur à l’Ined. Et comme en France, le niveau scolaire des jeunes est très corrélé à leur origine sociale, ce temps de travail comprimé a pu rendre plus difficile l’acquisition de connaissances chez les enfants des familles les plus défavorisées.

Des conditions difficiles pour travailler

Pourtant, c’est dans les milieux modestes que les enfants ont été le plus aidés quantitativement par leurs parents. « Car ils ont eu à cœur que leurs enfants ne décrochent pas pendant le confinement », souligne Xavier Thierry, chercheur à l’Ined. Mais s’ils ont passé plus de temps sur les cahiers de leurs enfants que les parents de milieux aisés, c’est aussi par ce qu’ils ont eu plus de mal à faire l’école à la maison : « Les devoirs ont pris plus de temps, certains parents ayant été en difficulté pour comprendre les consignes et les attentes des enseignants. Ils sont souvent moins proches de la culture scolaire que les parents issus des classes les plus aisées », souligne Bertrand Geay.

Autre obstacle : 35 % des enfants tous milieux confondus n’ont pas pu facilement s’isoler pour travailler. « Or, on sait que les familles défavorisées sont plus nombreuses à habiter dans des logements où le taux d’occupation est élevé. Ce qui ne permet pas toujours de disposer d’une pièce pour faire ses devoirs », note Bertrand Geay.

Un temps d’écran plus important

En dehors du travail scolaire, les enfants n’ont pas bénéficié de la même diversité d’activités selon leur milieu. Les enfants vivant dans des foyers à dominante ouvrière ou employée ont été plus consommateurs d’écrans que les enfants de cadres (respectivement 2,7 et 2 fois plus). Sachant que tous milieux confondus, les enfants ont consacré en moyenne 2h45 par jour aux écrans sous toutes leurs formes (télévision, jeux vidéo, réseaux sociaux). « Hors confinement, la régulation du temps d’écran est plus stricte dans les familles aisées, qui font plus confiance à d’autres activités (sports, jeux, livres, pratiques artistiques…) pour distraire et éveiller les enfants. », indique Bertrand Geay. « Et la probabilité de passer plus de temps sur les écrans augmente si on habite dans un petit logement », ajoute Xavier Thierry.

Autre effet néfaste du confinement : les familles issues de milieux modestes ont été plus nombreuses à voir leurs relations se dégrader. « On l’a surtout constaté quand les parents ne travaillaient pas ou quand leur situation financière s’est dégradée. Les conditions d’habitat ont aussi été déterminantes : les familles habitant dans de petits logements sans balcon ont davantage trinqué, d’où des conflits plus fréquents », relève Xavier Thierry.

Des difficultés émotionnelles

Les enfants des familles les plus pauvres sont aussi ceux dont la qualité du sommeil s’est le plus altérée. « On peut corréler cela avec le temps d’écran excessif et le dérèglement de leur rythme quotidien », analyse Bertrand Geay. Enfin, les enfants des milieux défavorisés ont été plus nombreux à souffrir de difficultés émotionnelles comme l’isolement, l’anxiété ou l’impulsivité.

« Les enfants présentant ces troubles sont surreprésentés dans les ménages aux revenus les plus modestes, notamment ceux confrontés à une baisse de revenus pendant le confinement (19 %) », souligne Xavier Thierry. Car les problèmes des parents finissent toujours par rejaillir sur les enfants.