EPIDEMIEEt le mot de l’année est… ? (C’est facile)

Coronavirus : Le mot de l’année est Covid-19, terme à la fois féminin et masculin

EPIDEMIETout le monde disait « le Covid » jusqu’au moment où, deux mois après le début de l’épidémie, l’Académie Française a décidé que le covid serait féminin
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Sans surprise, le mot de l’année 2020 est « Covid-19 ». Mais derrière ce terme se cache un débat brûlant qui divise la France entière : faut-il dire « le » ou « la Covid-19 » ? Entre deux eaux, le mot de l’année est-il masculin ou féminin ?

« Nous linguistes, on attend en bons darwiniens que des deux formes l’une l’emporte sur l’autre », affirme Yannick Chevalier, maître de conférences à l’université Lumière de Lyon. L’histoire retiendra que le terme, qui désigne l’affection provoquée par le virus SARS-CoV-2, est né le 11 février 2020, dans un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé. Cette maladie avait été découverte depuis plus d’un mois, à Wuhan (Chine), sans avoir d’appellation officielle partagée par tous.

Comme Bermuda, camping et sauna

Covid vient de l’anglais « COronaVIrus Disease » (maladie à coronavirus), le « 19 » précisant que la maladie est apparue en 2019. Et l’OMS, tout de suite, écrit « la COVID-19 », au féminin, tout en majuscules. C’est donc un acronyme étranger, conçu pour servir dans le plus de langues possible. En France, sa typographie fluctue, entre « COVID » et « Covid ». Son genre aussi devient vite incertain.

Comme la grande majorité des mots importés qui ne sont pas clairement masculins ou féminins (bermuda, camping, goulag, karma, sauna, sushi, etc.), il est d’abord masculin dans le langage courant : « le Covid-19 ». En France du moins.

Le 6 mars, l’Office québécois de la langue française tranche en faveur du féminin. Tout comme le gouvernement fédéral canadien ensuite. « La désignation COVID-19 est de genre féminin, étant donné que le "D" de "COVID" désigne le mot de base "disease" ("maladie" en français) », lit-on dans sa banque de données terminologiques.

L’Académie française à contre-courant

L’Académie française met longtemps à intervenir, pour tenter de rectifier ce masculin qui s’est solidement implanté. Le 7 mai, elle met en ligne un article qui recommande de « dire la covid 19 » (curieusement sans trait d’union ni majuscule), « puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie ». « Ce diktat a eu quelques effets. Il a fait rire dans un premier temps, et puis à la rentrée de septembre, moment où les médias réfléchissent à leurs pratiques rédactionnelles, des journalistes ont suivi : la Covid », selon Yannick Chevalier.

Dans les autres pays francophones, dont la Belgique, le Sénégal ou le Mali, on observe un flottement. En Belgique, certaines administrations préfèrent le féminin, comme le Service public fédéral de santé publique, d’autres le masculin, comme le ministère des Affaires étrangères. La majorité des gouvernements en Afrique, dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou les deux Congo, disent « le Covid ». Mais celui du Mali « la Covid ». Sur le site Internet du gouvernement en Tunisie, les deux cohabitent.

Une expérience traumatique

Le Canada se distingue comme le seul pays où le féminin domine quasi exclusivement. Chez une même personne, on peut trouver les deux, comme chez la linguiste Delphine Jouenne, qui publie « Un bien grand mot », sur les « mots de l’année ». « Dans le livre j’ai dû mettre la Covid, parce qu’on peut difficilement faire un ouvrage sur la langue française en ignorant la norme de l’Académie. Mais je vous avoue qu’à l’oral je dis le Covid. Je suis l’usage, et tous les linguistes vous le diront : l’usage fait loi », raconte-t-elle.

Et d’après son confrère Yannick Chevalier, ce masculin a des chances de l’emporter en France. « Pour moi ça va être le Covid, parce que c’est comme ça que c’est arrivé. Le mot renvoie à une expérience traumatique, et quand un mot est chargé d’investissements affectifs aussi forts, on peut difficilement le changer ».