Pour Cédric Herrou, « les migrants sont le reflet de notre propre existence »
RECIT•A l’occasion de la Journée internationale des migrants, Cédric Herrou revient sur ce jour où, au volant de sa voiture, il a décidé de ne plus fermer les yeux
Emilie Petit
Onze gardes à vue, six perquisitions, une mise en examen et plusieurs procès. De quoi calmer les esprits les plus échauffés. Mais pas celui de Cédric Herrou. « J’ai vécu ça comme si on me disait "vas-y, tais-toi !" ».
En 2016, cet agriculteur du pays niçois croise sur sa route une famille de migrants originaires d’Afrique, égarés à la frontière franco-italienne, dans la vallée de la Roya. Il fait nuit noire et la route sinueuse ne dispose pas de trottoirs. Effrayé à l’idée qu’ils puissent être fauchés par une voiture, Cédric Herrou décide alors de s’arrêter et de les prendre en stop. « La première fois, en fait, je ne savais pas vraiment que c’était la première fois » se souvient-il.
Jugé mais jamais condamné
S’ensuivent plusieurs allers-retours entre l’église San Antonio, à Vintimille, en Italie, et son terrain sur lequel il aménage des abris et organise les repas pour que tous puissent manger à leur faim. « Quand j’ai vu tous ces gamins dans cette église, à à peine 20 kilomètres de chez moi, je me suis dit que je ne pouvais pas rester comme ça sans agir », raconte-t-il.
Plusieurs fois arrêté et malmené par les forces de l’ordre et les élus locaux, mais jamais condamné, Cédric Herrou n’en a pas pour autant arrêté de se battre. « Grâce à nos actions, nous avons pu dénoncer des irrégularités d’Etat », explique-t-il. Le préfet des Alpes-Maritimes a, en effet, été condamné à de nombreuses reprises pour « atteinte au droit d’asile » par le tribunal administratif de Nice. Quand Cédric Herrou a, lui, été relaxé à chaque fois, jusqu’à obtenir, en 2018, la consécration du «principe de fraternité» par le Conseil constitutionnel.
« Pour moi, les migrants sont le reflet de notre propre existence, analyse-t-il. Ils incarnent la pauvreté, ce qu’on appelle aussi "la France d’en bas". Et je me suis vu, moi. Je me suis vu, nous. Parce que les migrants nous incarnent ».